Chapitre 9 : I won't let you down (whatever you do) - 2/2

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Arkady

Shelby marmonne sur ma droite, les yeux fermés. Les miettes de mots qui me parviennent m'évoquent nos cours de sciences. Sa détermination ne peut que m'impressionner. Son avenir est le seul qui nous paraît tout tracé. Dans quelques semaines, elle passera l'ACT [1], le réussira avec brio et panache, sera acceptée à l'université de New York, département de Physique, y suivra ses études – les réussira elles aussi avec brio et panache – et achèvera sans doute sa carrière dans la NASA, sans jamais cesser de faire de l'ombre aux étoiles. À l'arrière de la voiture, Veronica a ouvert sur ses genoux un paquet de biscuits apéritifs – courtoisie d'Asher – qui répandent dans l'habitacle une odeur de cacahuète grillée. Ses crunchs sonores ponctuent les lois de Newton récitées tout bas par sa cousine. De temps en temps elle lui tend le sachet, sans même un regard Shelby l'implore de bien vouloir la laisser tranquille, Veronica critique, bougonne et mastique ; et ainsi de suite, tous les quarts d'heure. Ces deux-là se protègent et se torturent comme des sœurs, et s'il est impossible de ne pas trouver cela touchant, je perds néanmoins vite patience. Au bout de quatre tours de leur petit manège, j'abaisse ma vitre, attrape l'objet de la discorde, et le balance par la fenêtre.

Avant de le regretter presque aussitôt.

Je soupire, préviens Soufiane d'un appel de phares qu'il me faut marquer une courte pause, freine sur la bande d'arrêt d'urgence et armé de ma lampe torche, descends chercher ce que j'ai jeté sous le coup de l'agacement, car je ne supporte pas l'idée de me comporter comme ceux qui transforment le monde en poubelle. Lorsque je reviens m'installer au volant, l'une de mes passagères me reproche d'avoir utilisé la bande d'arrêt d'urgence pour un simple caprice, l'autre d'avoir pris le risque de perdre de vue Soufiane, Asher et Paula.

« Nous allons tous au même endroit, non ? » je rétorque à la seconde avant d'ajouter, à la frontière du rire : « Ne vous liguez pas contre moi, j'y verrais un présage funeste pour l'humanité tout entière. »

Ce qui ne m'est pas arrivé depuis longtemps, et dont je me passe bien volontiers.

Shelby et Veronica. Veronica et Shelby. Je me demande combien de temps elles avaient prévu de nous cacher la vérité au sujet du lien du sang qui les unissait depuis le début. Le pot au rose a été découvert un soir, l'été dernier, grâce à Paula qui a vendu la mèche. Ou à cause de, selon le point de vue adopté. Impossible d'oublier la stupeur qui a déformé les traits des deux cousines. Elles se sont trouvées si prises au dépourvu, se sont senties si bêtes, qu'elles n'ont rien pu nier. Et lorsque quelqu'un a essayé de savoir comment diable Paula l'avait appris, celle-ci s'est contentée de répondre que les fantômes du château étaient curieux et bavards. De nous tous, seul Soufiane n'a pas paru si surpris. Je pense qu'il était au courant depuis un moment, que Veronica avait dû le lui dire. Elle ne semble plus lui cacher grand-chose.

« As-tu prévenu Spencer de ton départ imminent ? je demande à Shelby, simplement pour alimenter la conversation.

— Spencer n'est pas idiote, elle sait que je suis en dernière année.

— Certes, mais en as-tu discuté avec elle ? » Pas de réponse. « Shelby, c'est une orpheline, et tu t'apprêtes à l'abandonner derrière toi.

— Ne sois pas si dramatique, je ne vais pas l'abando

— C'est tout comme. Crois-moi, elle a besoin que tu lui parles. » Je pointe un doigt en direction de la voiture qui nous précède et lance : « ne vois-tu pas que le silence, ça rend fou ? »

***

Soufiane

« Tu es certaine de ne pas vouloir manger quelque chose ? », demande Asher à Paula pour la troisième fois.

VeronicaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant