♫ Trouble - Coldplay ♫
Le piano résonne dans la pièce sombre. J'entends distinctement la voix de Chris Martin qui s'évade dans la bibliothèque. Je ferme les yeux et me laisse aller. Mon pied effleure le parquet abimé par le temps. Il grince à certains endroits. Mon corps entre en mouvement. Je me balance d'un pied à l'autre, suivant l'impulsion et l'évolution de la mélodie.
La porte claque derrière moi. Je stoppe ma transe. Le dos droit, les mains le long de mon corps, j'attends. Ma respiration s'accélère et je cligne des yeux puis les referme.
Une main se glisse sur ma taille. Mes yeux se refusent à mon commandement. Ils restent clos. Ma bouche s'entrouvre mais rien n'en sort, pas même un chuchotis. La deuxième main tire sur la mienne et entreprend de me faire danser. Je souris et commence à suivre le rythme de la musique. L'euphorie me prend et mon rictus s'agrandit. Ma tête se place instinctivement contre le cou de mon partenaire. Je respire son odeur. Une odeur si masculine... Une douce odeur de menthe et de muscs...
"They spun a web for me". C'est la seule phrase qui reste suspendu à mon oreille. Ma tête continue de se balancer, accompagnée par le corps musclé qui me tient contre lui. Je sens ses lèvres qui descendent dangereusement contre mon cou. Son nez caresse la courbe de mon cou, et la chanson repart de plus belle. Son corps me pousse à danser encore une fois. Il me lâche, mon corps ressent immédiatement le froid ambiant. J'ouvre finalement les yeux. Deux prunelles azures me fixent avec intérêt. Un nouveau sourire s'empare de mes lèvres. L'homme s'approche de moi et me reprend contre lui. Sa main se place dans mon dos, dans ma chute de rein. De son autre main, il caresse mes cheveux. "They spun a web for me" me murmure-t-il en se penchant au creux de mon oreille. Je cligne des yeux. La chanson est terminée et ne repart pas. La piste s'est arrêtée, comme si le bouton repeat ne s'était jamais enclenché. Je tourne sur moi-même et me rends compte d'une chose : je suis seule dans la pièce noire. Les lourds rideaux bordeaux en velours sont tirés, masquant ainsi la luminosité venant de l'extérieur. Dans la pièce obscure on ne distingue même plus les livres qui reposent sagement sur les étagères. La bibliothèque est soudainement devenue vide ; les deux bureaux qui la composent se sont évaporés, tout comme les chaises. Il ne reste plus que ce grand piano ébène laqué. Ses touches ivoires, immaculées, semblent neuves. Pourtant une légère couche de poussière s'est installée sur ce magnifique instrument. Dans mon dos j'entends le parquet grincer. Les pas se rapprochent et produisent un son assourdissant, qui résonne dans la pièce vide. Quelqu'un approche... Je me retourne les yeux écarquillés et aperçois deux hommes, habillés en blanc, entrer dans la pièce. L'un d'eux porte un stéthoscope autour du cou. Ils parlent entre eux. Des termes incompréhensibles arrivent jusqu'à mes oreilles. L'un des deux me touche le front, puis pose sa main sur mon épaule. Tout ira bien... On me déclare alors folle.
La musique se remet à jouer dans ma tête et je revois avec précision l'homme qui me faisait danser. Je me remets rapidement sur mes jambes et parcours la pièce sombre en dansant. Sur un pied je tourbillonne et ris comme une enfant. Les deux hommes s'approchent de moi et celui qui ne porte rien autour du cou m'attrape sous les aisselles. Je lance mes pieds dans les airs espérant ressentir le bois du parquet sous mes talons mais je ne ressens rien.
On me raccompagne dans une pièce blanche. Elle me fait mal aux yeux, elle contraste trop avec la pièce que je viens de quitter. Il y a un lit au milieu et on me dépose dessus. Je n'ose plus bouger et pourtant... La musique reprend doucement et l'homme qui me faisait danser réapparaît devant moi. Le piano qui résonne en fond sonore me transporte une nouvelle fois dans un autre monde. Et une nouvelle fois il me murmure : "They spun a web for me".
« Tant que le cœur conserve des souvenirs, l'esprit garde des illusions... »
[F.R de Chateaubriand]
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Mélancolia
Short Story~ Recueil de Nouvelles ~ Les photos emprisonnent nos souvenirs à jamais. Elles gardent la trace d'un bonheur de courte durée, d'une beauté particulière... Les photos vivent. Et nos souvenirs vivent à travers elles. Les photographies sont comme des...