Chapitre 3

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Date de rédaction : 04/12/2022

Kieran Price avait pris l'initiative de se déplacer, une preuve de sa bonne volonté, supposait Falko, toutefois, il ne pouvait s'empêcher d'émettre des suspicions quant aux motivations de notre client. Pour ma part, je préférais en juger par moi-même lors de notre rencontre. Je prenais toujours soin de nous réserver une table dans un restaurant chic, une simple mesure de précaution, pour m'assurer qu'aucune entourloupe ne m'attendait.

Les rues de Bernes étaient fleuries et animées de monde. Je lançais une dernière œillade à la fourgonnette dans laquelle mon associé se planquait. Je ne permettais jamais à Falko de me suivre, il m'était plus utile avec ses écrans sous les yeux et un casque sur les oreilles pour décortiquer tout notre entretien.

Je poussais la porte de l'Ambroise, restaurant étoilé à la cuisine raffinée et aux tables toujours complètes. Inutile de me présenter, ils savaient qui j'étais, enfin ils pensaient savoir.

Les murs étaient ornés de riches panneaux de bois sombre, agrémentés de moulures délicates et de lustres en cristal qui diffusaient une lumière douce. Avec les tables habillées de nappes en lin immaculé, chaque couvert était parfaitement agencé, et les chaises recouvertes de tissus élégants offraient un confort luxueux. Les serveurs en tenue impeccable se déplaçaient avec discrétion, prêts à satisfaire les moindres désirs des convives.

L'un d'eux me guida aussitôt jusqu'au salon à l'étage, là où mon rendez-vous patientait depuis cinq minutes. Un petit retard délibéré, juste assez pour me faire désirer. Le vieux plancher craquait sous mes talons, je zieutais ma montre, ajustais ma nouvelle bague au diamant bleu en accord avec ma fine robe d'été et enfin la porte s'ouvrit sur mon rendez-vous. Mr Price se redressa brusquement, les pieds de sa chaise grincèrent, il se racla la gorge et contourna la table pour m'accueillir en bon gentleman.

— Mademoiselle Visconti, j'ai entendu tellement de choses à votre égard, s'enquit-il en serrant ma main.

Le serveur nous abandonna en prenant soin de refermer le battant en douceur.

— Appelez-moi Aure, souriais-je en m'installant en face de lui.

Il paraissait aux anges et la valise noire à ses côtés qu'il tentait de dissimuler sous la nappe me tapa malgré tout dans l'œil. En prenant place sur un siège, je n'avais pas quitté mon client des yeux. Sa gorge roula péniblement lorsque son attention se perdit sur le bout de ma jambe qui dépassait de ma robe fendue sur le côté. Mais Kieran Price se rattrapa bien vite en redressant les épaules pour s'armer d'un air de professionnel que plus rien ne pouvait perturber.

— Beaucoup vantent vos talents, alors j'ose espérer que vous saurez faire preuve de discrétion.

— De quel genre de documents s'agit-il ? questionnais-je en croisant les doigts.

Je n'avais pas encore rendu ma décision, j'ignorai si ce coup en valait la peine. Lorsque le paiement se révélait aussi conséquent, cela me paraissait trop beau. Alors cinq millions, il y avait de quoi porter des soupçons. Falko flairait quelque chose de louche. En tout cas, Price ne lui inspirait aucune confiance.

— Vous n'avez pas à le savoir.

Et sa réponse ne fit qu'accroitre ma méfiance.

— Dans ce cas, je ferais mieux d'aller voir ailleurs, coupais-je court en me redressant.

Brusques, les doigts de mon rendez-vous croquèrent mon poignet.

— Non ! Attendez...

D'un regard assassin, je le dévisageais, il regretta aussitôt son geste, comme si en une fraction de seconde, ce misérable avait compris qui se trouvait en face de lui. La grande Aure Visconti, celle que tout le monde glorifiait, celle à qui personne ne devait manquer de respect.

La Voleuse aux Mains d'Or - Tome 1 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant