Chapitre 29

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Date de rédaction : 18/04/2023

On se regardait dans le blanc des yeux.

Difficile de savoir ce qui rendait l'ambiance aussi pesante. La cause peut-être à cette salle trop exiguë, flanquée de caméras à chaque angle ? Ou l'on pouvait tout autant rejeter la faute sur l'agent de police planté devant la sortie, plus rigide et chaleureux qu'un glaçon. Je portais aussi le blâme sur Calixte qui me toisait d'un air austère, voire méprisant. Ses pupilles d'habitude si claires et rayonnantes comme un début de printemps n'étaient désormais qu'une désolation profonde. Et en me tenant là, au beau milieu de ce parloir, avec un amer gout de déjà-vu par ces menottes qui témoignaient une fois encore de toute la méfiance que l'on m'accordait, j'esquissais un sourire âpre.

— Toi qui voulais tant me voir derrière les barreaux, pourquoi ne sautes-tu pas de joie ?

Le sergent n'émit pas un seul mot. On se fixait. Et hormis cligner de temps à autre les cils, j'avais l'impression de me confronter à une statue de marbre. Même si les traits de son visage ne traduisaient aucune émotion, je n'arrêtais pas de me remémorer tout le tourment, la colère et la tristesse qui l'avaient heurté l'autre nuit. Les images de son amie décédée le hantaient, tout comme elles me hantaient. Je culpabilisais. Plus les jours passaient, plus je parvenais à me convaincre que j'étais la seule et unique responsable.

J'avais merdé de A à Z.

Mes épaules se relâchèrent, à vrai dire, je n'avais plus la force de jouer aux fières, cela n'en valait plus la peine.

— Pardonne-moi.

— Nous avons inhumé Hana la semaine dernière.

La simple écoute de sa voix mêlée aux dernières images qu'il me restait d'Hana suffisait à nouer mon estomac. Je gardais en pensée cette flaque de sang répandue à mes genoux et ses suffocations d'agonie... Ça aurait dû être moi. Et mes excuses n'avaient pour Calixte aucune valeur.

— La situation est compliquée...

— Je n'ai rien voulu de tout ça, réitérais-je à la recherche d'un semblant d'âme dans son regard, mais rien.

— ... Pour ne pas dire catastrophique.

Ses doigts s'entrecroisèrent, il se contenta juste de changer sa posture.

— Tu le sais hein ?

— Six noms sont sortis cette semaine. Alors on essaie de rapatrier tout le monde.

— Tu m'écoutes ?

Comme s'il ne voulait rien entendre, sourd, muet et aveugle face à ma complainte. Alors en fin de compte, quelle était la raison de sa présence ici ? À des milliers de kilomètres de son pays, pourquoi avait-il demandé à me voir ?

— Raphael Verano a été appréhendé, mais de toute évidence, ce n'est pas lui qui tire les ficelles.

Chaque mot qui franchissait ses lèvres creusait en moi la plus profonde des douleurs. J'espérais juste un pardon de sa part, ou bien quelque chose de similaire, car le connaissant, il ne s'abaisserait jamais à ce genre de discours. Il continuait de parler, mais cela ne m'apportait rien, oui, il parlait juste pour combler le vide qui grandissait entre nous.

— Calixte...

Alors je désespérais. Je désespérais de ne pas capter la moindre attention, la moindre émotion... Je me contenterais de tout, autant de sa peine que de sa colère, tout ce qui pourrait me rappeler que devant moi se trouvait un humain avec des sentiments et non un automate dépourvu d'états d'âme. Mais il ne jouait pas sur ce terrain, comme d'habitude.

La Voleuse aux Mains d'Or - Tome 1 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant