Chapitre 11

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Date de rédaction : 28/12/2022

15 ans plus tôt

— Tu viens ? insista Louiza en quittant la boutique de vêtements.

Dans le centre commercial bondé à cause des soldes, nous nagions tels des poissons dans l'eau. Personne ne nous remarquait, on se fondait dans la foule et la moindre chose utile se glissait dans mes manches. J'étais douée, nul besoin de m'en faire la remarque. Je savais où dévier les regards pour offrir la plus habile des distractions, puis au moment venu, mes doigts se déposaient sur toutes les convoitises.

Et je suivais mon modèle au pas tandis qu'elle s'engageait dans les escalators pour rejoindre le deuxième étage du centre commercial. Il ne s'agissait que d'un passe-temps, car nous devions attendre la tombée de la nuit pour passer aux choses sérieuses.

Serrée dans mes mouvements, je ne rêvais que de me débarrasser de ce jean volé dans une cabine d'essayage. Je repérais tout ce qui ne portait pas d'antivol, mes yeux se déviaient sur les caméras, puis sur les portiques à l'entrée. Voler se révélait d'une simplicité déconcertante. Alors pourquoi personne d'autre ne le faisait ? Je les regardais tous, ces passants qui se bousculaient, qui s'ignoraient, leur nuque voutée, tous absorbés par leur téléphone et le flux d'informations continu. Louiza faucha discrètement un portefeuille qui dépassait de la poche d'un père qui promenait sa fille en poussette. Si simple...

Alors pourquoi étions-nous seules à agir ainsi ?

Parce que nous n'avions rien à perdre.

Parce qu'ils avaient les moyens de s'offrir n'importe quoi. Et nous non. Je détestais cette inégalité, celle qui depuis toujours nous forçait à vivre hors des normes, contrainte de lutter au jour le jour pour survivre. Je la détestais, autant que je la chérissais.

— C'est Mr Capelo qui paye, s'amusa Louiza juste avant de pousser la porte d'un bar.

La serveuse nous accueillit avec une mine suspicieuse, deux gamines, dont la plus grande à peine majeur s'asseyait déjà sur un tabouret en appuyant le coin de la carte bancaire sur le comptoir. Je la rejoignais timidement.

— Une bière, et un coca pour ma petite sœur, commanda-t-elle toute fière.

En particulier lorsqu'elle justifia son âge en glissant sous le nez de la jeune brune une carte d'identité valide. En toute discrétion, j'ôtais mon sac à dos pour le poser sur mes genoux. Je défis la fermeture alors que ma sœur m'observait du coin de l'œil. De mes manches je me débarrassais d'un écrin qui contenait une paire de boucles d'oreilles en argent, un rouge à lèvres très cher et bien d'autres babioles. En y réfléchissant, notre repère et en particulier mon coin perso débordait de petites affaires, tout ce qui pouvait se dissimuler dans mes poches. Mais plus j'y pensais, plus je ne désirais que m'attaquer à quelque chose de plus gros. C'était une véritable obsession, je ne pouvais qualifier ce comportement d'une autre manière.

Le verre roulait entre mes doigts, je profitais de la fraicheur des glaçons et machinalement mes yeux se baladaient un peu partout, à la recherche de la moindre chose que je pourrais chiper. L'utilité ? Aucune. Juste cette maudite et délicieuse impulsion.

Pour l'heure, Louiza gardait le silence, mais ses grandes prunelles ambrées scrutaient souvent sa montre. Elle attendait le moment opportun pour que nous puissions agir.

— On fait quoi ce soir ? demandais-je dans l'espoir de la ramener sur terre.

— Ce qu'on a à faire, puis tu retourneras à la planque.

— Tu ne rentreras pas avec moi ?

Elle secoua la tête, je la sentais préoccupée ces derniers temps. C'était si rare quand elle m'autorisait à l'accompagner, alors quand cela arrivait, je considérais ceci comme la sortie du mois, non, de l'année ! Alors je profitais au maximum de cette complicité atypique que nous partagions. Certains allaient au ciné ou au restaurant, nous, on s'introduisait dans des boutiques ou chez des inconnus pour les voler.

La Voleuse aux Mains d'Or - Tome 1 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant