Chapitre 24.1.

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Dès le lendemain, nous sommes partis en train pour Barcelone. Nous avons fait une halte à Saragosse sans pouvoir pleinement profiter des lieux. Il s'agissait avant tout de pouvoir nous reposer pendant une nuit, sans que les frais ne soient trop élevés pour l'Operaen. Si les nuitées liées aux représentations sont incluses dans les cachets, ce n'est pas le cas de celles entre les dates.

C'est pourquoi, au moment de prendre cette décision financière, nous nous sommes tous entendus pour cette pause loin des grandes villes. Je dois avouer ma frustration et ma tristesse à l'idée d'avoir été dans cette ville sans être capable de la visiter. Nous étions tous épuisés par la représentation de la veille et, ce matin, nous devions partir pour Barcelone.

Alexis est installé à mes côtés, sans qu'aucun des voyageurs n'ait trouvé à discuter cette décision. Madrid est devenu un catalyseur sans nom pour notre relation. Sa remarque m'a fait de la peine, avant-hier soir. Être à l'étranger nous permet d'être plus proches, moins précautionneux. L'embrasser a été si naturel pour moi.

Je me serais sans doute interdit une telle aventure si nous étions restés au cœur de la capitale danoise. J'aurais encore et toujours attendu. Mes actes, mes mots ont des conséquences. Les larmes d'Alexis ont un sens. Une profondeur. J'ai franchi une étape, j'ai fait tomber une des digues émotionnelles qu'il avait construites.

« A quoi tu penses, Mathias ? demande-t-il, la tête pourtant plongée dans un livre.

— A toi.

— Tu ne peux pas dire cela avec autant de certitude, frissonne-t-il.

— C'est la vérité. J'ancre dans ma mémoire nos moments dans les jardins.

— J'aurais aimé qu'ils durent encore plus longtemps ».

J'allais lui promettre que nous y retournerons. Mes mots ont des conséquences. Il faut que je le protège de moi, de mes résistances. Il ne doit en rien souffrir des décalages que je peux mettre en œuvre malgré moi. Ces protections qui persistent et qui disparaîtront le jour où je ne serai plus son directeur.

« Moi aussi, je t'assure.

— Tu connais bien Barcelone ?

— Mal, pour être sincère. Je voulais visiter la Sagrada Familia mais tous les billets étaient vendus. J'ai des places pour aller au Palau de la Música Catalana, en visite, et au Parc Güell. Deux pour le premier, et autant que nécessaire pour le second. Tu serais intéressé ?

— Évidemment ! Quelle question ! Tu as acheté ces deux places il y a longtemps ?

— C'est une visite privée commandée par le Gran Teatre del Liceu.

— Je ne serai pas de trop ?

— D'autres questions stupides ? ».

Tout à la fois enchanté et vexé, Alexis remet le nez dans son livre. Quant à moi, je reprends la lecture de ma partition. C'est ridicule, puisque je la connais par cœur, mais je ne supporte pas la seule idée de rester inactif dans le train. Au-delà, la représentation étant demain soir, je dois réviser, tel un étudiant passant un examen.

Étincelantes notes danoises (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant