Chapitre 17.1.

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« Non ! Non, ce n'est clairement pas ce que j'imagine ».

L'orchestre se fige. Je n'ai pas haussé la voix, mais ils n'ont assurément pas l'habitude que je sois si négatif. J'ai pourtant toutes les raisons de l'être. Le prochain concert est un hommage à Ezio Bosso. Pour l'instant, je n'arrive pas à renouer avec l'émotion que je cherche pourtant désespérément.

« Je vous propose dix minutes de pause. On reprendra depuis le début l'Esoconcerto ».

Mon visage fermé n'amène à aucune remarque. Les musiciens quittent rapidement les lieux tandis que seul Ruben reste. Il s'approche de moi, doucement.

« Que se passe-t-il, Mathias ?

— Il faut que l'on sente la réalité de la vie du compositeur. Sinon, ce sera un échec.

— Vous vous êtes déjà fixé un objectif ambitieux en faisant connaître cet artiste italien...

— Ce n'est pas suffisant Ruben. Ezio Bosso est décédé d'une maladie handicapante et dégénérative. Il a vécu un enfermement affreux, innommable. Quand j'écoute sa musique, j'entends cette progressive difficulté. Il faut qu'elle soit audible. Il faut que ma direction crie ce que lui ne pouvait pas dire.

— Je comprends parfaitement vos motivations. L'orchestre les connaît-il ?

— Partiellement.

— Me permettez-vous de prendre quelques minutes à leur retour ? Le temps que vous reveniez de votre propre pause.

— Vous pensez que je ne parviens pas à faire passer mon message ?

— Ce n'est pas ce que...

— Navré, excusez-moi, ce n'était pas une remarque désagréable. Je vous pose réellement la question.

— Je pense seulement que votre émotion est encore si vive qu'elle ne suscite pour l'instant qu'une empathie, ou de la compassion. Il faut que vous convergiez tous ensemble, par sympathie. Seul quelqu'un d'extérieur peut y parvenir.

— Vous avez raison. Je suis fier de vous avoir choisi quand vous raisonnez ainsi ».

Ruben allait probablement plaisanter, espérant que je sois fier en d'autres occasions. Je ne lui laisse cependant pas le temps, je m'enfuie vers mon bureau. Pourtant, sur une des passerelles, je ne peux m'empêcher de m'arrêter pour observer Copenhague. Je suis sorti de mes songes par ma sonnerie de téléphone.

« Bonjour Mathias, je te dérange ? Je sais que tu es avec l'orchestre.

— Je suis en pause. Ton appel tombe à pic, je dois me changer les idées.

— Un souci ?

— L'œuvre que je veux jouer n'atteint pas... Non, pour être précis, je n'arrive pas à mener mon orchestre au niveau que je souhaite.

— De quelle œuvre s'agit-il ?

— Ezio Bosso, ses concertos et une symphonie.

— Si tu m'envoies le nom exact des pièces, j'irai les écouter.

— Ta journée de cours ? Tout va bien avec tes nouveaux étudiants ?

— Tu essaies de changer de sujet. Mais je dois bien avouer que c'était l'objet de mon appel ».

Étincelantes notes danoises (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant