Chapitre 1

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Les propulseurs arrières ralentirent. La décélération graduelle avertit Rim que la flotte atteignait l'orbite de la planète.

Le jeune homme jeta un coup d'œil par le hublot blindé. Les vaisseaux avaient tous en commun cette forme allongée, semblable à des sous-marins lévitant dans la noirceur du cosmos. Nul n'osait troubler l'harmonie de leur robe métallique, sinon des armes de la République, peintes d'un rouge vif à même la coque de tous les bâtiments. On retrouvait cet emblème de fierté suprême à l'épaule droite de tous les soldats, du plus petit caporal au plus éminent général, celle de Rim ne faisait pas exception.

Une secousse manqua de faire glisser le tirailleur, Il dû s'agripper à une poignée d'acier pour se maintenir debout.

Rim loucha sur l'atmosphère de la planète, sa teinte bleutée suscitait sa familiarité. Il revit dans les fumées montantes, issues du bombardement orbital, le crachat incessant des usines sur son monde natal. Sa vision se précisa sur la danse des aurores boréales, leur Salsa chatouillait des parties éteintes de sa mémoire, réveillait d'antiques enregistrements, capturés à coup d'œil discrets le jour de son départ ... se pourrait-il ... son monde originaire ... Non, celui-ci n'était rien d'autre qu'une pâle copie, un vulgaire clone, né des forges Volcaniennes, assemblé des siècles durant par des générations d'esclaves, et oxygéné par la magie de la nouvelle science.

L'armada se fraya un chemin à travers les débris de la flotte adverse, l'usage de missiles A1 fut toutefois nécessaire pour libérer le passage au Mistral, le colossal vaisseau amiral.

Rim avala une gorgée de bière pour épargner à ses poumons l'arôme azoté de cette stratosphère factice. Une unique goutte rencontra son palais. Il se retint de cracher. La boisson avait le gout de pisse de chameau, << fade et insipide à souhait, c'est à se demander si les officiers se donnent la peine de nous servir quelque chose de potable. >> rumina-t-il en refermant sa gourde. Après tout, n'était-ce pas une preuve que le conflit arrivait à son terme, optimisa le tirailleur. A l'instar de son adversaire, la République est à bout de souffle, ces deux années sanglantes ont fragilisé son économie, quant à la confédération, Xalradia est son dernier bastion. Le soldat jeta un regard méprisant à la dite planète. Immonde copie ...

La flotte évoluait désormais dans le ciel de Xalradia, à hauteur de ces nuages artificiels déversant la pluie comme une bourgeoise son argent dans les succursales de la capitale. En bas, le champ de bataille revêtait une couette boueuse, débraillée, trouée en son centre par des cratères d'obus, déchirée sur les côtés par d'innombrables tranchées.

Les braillements du capitaine Deto brulèrent les tympans de Rim. Des acouphènes.

-          En ligne bandes de singes ! On va bientôt atterrir ! Nos camarades sont dans le pétrin, on vient leur porter assistance. N'oubliez pas, vos ancêtres vous regardent, agissez dignement, et rappelez-vous toujours, même quand vous exterminerez des civils désarmés et violerez femmes comme enfants, que vous faites ça pour la liberté. Allez en avant, rangez vous devant le sas !

La voix du capitaine se perdit dans le brouhaha de bottines et de chuchotements. Rim resta immobile, cramponné à la poignée comme une sangsue, inerte comme une statue de marbre. Ce calme olympien, dans des conditions pourtant si critiques, attisait tant la curiosité que l'admiration de ses camarades. Camarades qui pour la plus part, lui faussaient compagnie en cet instant, rejoignant leur navettes d'atterrissages respectives pour le débarquement. Deto fut le dernier à partir, ajustant son képi comme avant chaque assaut.

Ce gradé brailleur, blond coupé mit long, de petite taille, et au regard plein d'orgueil, avait le don d'agacer Rim par sa simple présence. Quelle aubaine que le tirailleur ne lui soit pas subordonné, ni à lui, ni au second bataillon.

La République de Haute TerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant