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— Il faut que tu dises merci à ton inconscient de ma part, lâche Avel. 

— Remercie plutôt ma mère. 

Le printemps a commencé et comme chaque année, elle a rempli notre appartement de fleurs, les vases occupant chaque surface capable de les porter. Mon père, qui n'est pas officiellement, mais sûrement, allergique au pollen, s'est mit à éternuer, et mes rêves se sont mis à ressembler à ça. Un champ infini recouvert sur chaque centimètres carrés de fleurs de toutes les couleurs.

Avel marche tout autour de moi alors que je me suis allongé, les yeux rivés sur le ciel bleu clair. Il fait jour et tiède, mais le soleil n'est nulle part pour m’aveugler, et pour ça, je voudrais remercier mon inconscient aussi. Ça fait plusieurs semaines que mes rêves sont calmes. Avel aimerait que je lui parle comme lui l'a fait, que je décrive ce qui m'arrive vraiment, à quoi ça ressemble, ce que ça me fait, mais il attendra. Je ne gâcherai pas ce calme, je dors trop mal, les journées sont trop dures, j'en ai trop besoin. 

— Mais qu'est-ce que tu fais ?

Ma voix sonne légèrement irritée. Ça m'agace de le voir s'agiter partout dans les coins de mon champ de vision. 

— Je ramasse toutes les bleues. 

Je jette un œil dans sa direction, un tas déjà énorme de fleurs bleues repose à ses pieds, à quelque centimètre de moi. 

— Tu pourras pas les prendre toutes, tu vois bien que le champ est immense. Et tu veux faire quoi avec ?

— Oh, tais-toi. 

Il se remet au travail et je croise les bras derrière la tête en soupirant.

— Comment je peux être fatigué alors que je suis déjà en train de dormir ?

Pas de réponse.

— Avel ?

— Arrête de parler comme ça, marmonne-t-il dans une imitation volontairement désagréable de ma voix, et je te répondrai. 

Je n'arrive pas à le voir dans ma position, ça doit être ça qui m'énerve. Je voudrais qu'il soit à côté de moi, dans mon champ de vision, au lieu de partout ailleurs à me narguer en y apparaissant à peine dans les coins. Je me relève avec impatience.

— Eh, Avel. 

Il se retourne avec un "quoi encore !?" imprimé dans le regard, et j'envoie un coup de pied dans ses fleurs, qui volent et vont s'éparpiller partout au milieu des autres. Deux d'entre elles se coincent sans ses ailes, entre les plumes. Il jette celles qu'il avait en main sur le sol avec dépit. 

— Pardon, je lâche après un silence. Je sais pas pourquoi j'ai… Mais t'en avais besoin pourquoi ?

— T'étouffer avec. 

Je souris. Lui aussi, avec les yeux, la tête penchée pour que je ne le vois pas. 

— En vrai, pourquoi ? j'insiste. 

— Je voulais les mettre sur toi. Tu gâches le décor. 

Mes vêtements noirs sont devenus tellement récurrents qu'ils reviennent inévitablement dans mes rêves. 

— Désolé de pas ressembler à une pâquerette, je marmonne. 

Lui en revanche, avec ses cheveux blonds, sa tenue et ses ailes blanches…

Je m'assois par terre, ramasse l'une des fleurs bleues et la coince derrière mon oreille. 

— T'es content ? Pourquoi les bleues d'ailleurs ?

MiroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant