Chapitre 3

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Olivia finissait de se préparer. Ils devaient se voir en fin de journée et aller ensemble à un repas chez les Marceau, les parents de Michael. Ils étaient tous les deux aussi excités qu'angoissés. C'était leur première fois, rencontrer ses beaux-parents pour Olivia, et présenter quelqu'un à sa famille pour Michael.

Cela faisait bientôt une heure qu'Olivia se préparait. Sans compter les trois quarts d'heures précédents qu'elle a utilisés seulement pour choisir sa tenue. Elle avait opté pour une petite robe. C'était classe sans faire trop, parfait pour la situation, comme les trois dernières tenues qu'elle avait essayées.

À peine avait-elle fini qu'elle recevait un appel de Michael.

"Salut petit cœur. Je suis vraiment désolé..." Et vous savez aussi bien qu'Olivia à ce moment-là que ça ne présage rien de bon.

C'est fou ce qu'il pouvait se passer en une fraction de seconde. En ce petit laps de temps, elle a eu le temps de se faire une vingtaine de films, certains avec une trilogie complète.

Et s'il annulait parce qu'il ne l'aimait pas ? Ou pire, s'il avait annulé pour une autre fille, ou parce qu'il avait juste voulu jouer avec elle, se servir d'elle ? Et si, il avait voulu profiter de ce soir pour la kidnapper mais que son plan était tombé à l'eau ? Bon, d'accord, celui-ci était un peu extrême, mais on n'est jamais trop prudent.

Alors qu'elle avait toujours eu confiance en elle, à cet instant, elle a tout perdu. Elle a senti qu'elle se sentait affaibli par les sentiments qu'elle éprouvait envers cet homme qu'elle avait rencontré seulement quelques mois auparavant.

"On va devoir annuler le repas avec mes parents. Je sors du médecin. Je te passe les détails, mais je ne peux pas sortir de chez moi.

- Oh... Elle a soupiré égoïstement soulagée. Et comment tu te sens? Elle a tout de même demandé.

- Je ne suis pas sous mon meilleur jour... M'enfin, ça devrait passer. Je vais prendre mes médicaments et tout ira mieux demain. On programmera cette soirée un autre jour. Je suis désolé de l'annuler au dernier moment.

- Ce n'est pas grave. Je n'avais pas encore commencé à me préparer. C'était un mensonge, évidemment. Mais elle avait un peu honte de l'avouer.

- Je ne travaille pas demain, et comme je sais que toi non plus, tu pourras passer si je ne suis pas trop moche à regarder.

- Ou je pourrais venir maintenant. Pour m'habituer à ta sale gueule de malade.

- Je n'aurais jamais imaginé sourire en entendant qu'on me dise ça.

- Alors j'arrive.

- Vraiment Olivia, j'adorerais, mais ce n'est vraiment pas possible ce soir.

- Et pourquoi ça ?

- Raaah... J'ai la gastro. Il dit finalement, tout bas.

- C'est que ça ? Allez, j'arrive.

- C'est une gastro d'enfer... et ce n'est pas très romantique."

Elle y a quand même été. C'était leur première soirée représentant un vrai moment de vie. Pas de costumes, pas de chemise, pas de robe, pas de talons, pas de restaurant ou de dîner chic, pas de sexe. Juste eux deux dans le canapé à se raconter des épisodes de leur vie, ou à regarder la télé parfois mise sur pause - pour que Michael puisse aller aux toilettes.

Olivia est restée dormir quelques jours. Elle est repartie le dimanche soir, afin de se préparer pour sa semaine de travail. C'était la première fois qu'ils restaient ensemble aussi longtemps, qu'ils vivaient ensemble. Même s'ils n'ont pas pu voir réellement ce que ça donnerait de vivre à deux, ils ont tous les deux imaginés que c'était possible.

Plus souvent, ils restaient chacun leur tour dormir chez l'autre. Ils essayaient de faire ça plusieurs fois par semaine. Probablement par peur, ou juste par volonté que ça marche: ils voulaient être sûrs de pouvoir se supporter.

Olivia a finalement rencontré sa belle famille. Ils ont été très accueillants, comme toujours. Il y a eu le fameux "Alors c'est vrai, Michael a enfin rencontré la femme de sa vie. On pensait qu'il était gay." À croire que le célibat pour un homme cache forcément un homo refoulé.

La soirée a été géniale. Olivia a ressenti l'amour d'une famille dont elle n'avait jamais été témoin.

Elle avait coupé les ponts avec sa famille il y a des années. Une famille où elle ne s'était jamais sentie à l'aise. Avec une mère alcoolique et un père violent, elle vivait entourée de conflit et de haine. Elle avait essayé de tenir avec eux. Mais voyant qu'ils ne lui apportaient aucun bonheur, elle avait décidé de leur dire au revoir. Elle les aimait, au fond d'elle, mais elle avait besoin de faire sa vie. Elle avait besoin de son indépendance. Elle ne pouvait rester accroché à sa vie d'avant. Elle devait avancer.

Ils en avaient parlé une fois avec Michael. Elle ne souhaitait plus en entendre parler et il l'a soutenait dans sa décision.

Après l'épisode de la gastro, ils ont rapidement emménagé ensemble. "Une gastro, ça débouche tout !" Ils s'amusaient à dire. Et ils n'avaient pas tort. Ils n'avaient plus de complexe depuis ce jour. Le stade des pets et des rots en amoureux était passé. Ils savaient qu'ils pouvaient enfin s'aimer sans limite.

Ils ont emménagé dans un petit appartement. Michael tenait à construire sa propre maison. Ils voulaient économiser pour l'avenir et leur future maison familiale de rêve.

~ ~

L'arrivée aux urgences s'est faite rapidement. Les camions sont arrivés les uns après les autres. Tout le monde paraissait agité autour d'eux. En réalité, les médecins et les urgentistes s'échangeaient des informations sur les victimes.

"Ici, on a pneumothorax, côtes cassées, abrasions cutanées, contusions cérébrales, hémorragie interne. On lui fait une écho, radio, iono, groupe sanguin et un EDC."

L'équipe qui s'en occupe s'affaire immédiatement. Le médecin poursuit ses diagnostics.

"Ensuite, rupture de la rate. Vous me faites une splénectomie, drain pleural et une recherche d'hémorragie. Il avance dans la prochaine pièce. Œdème avec déficience pulmonaire et hémorragie intracrânienne, on se bouge."

Le médecin qui les a pris en charge vérifie une dernière fois que tout se passe comme il faut avant d'aller se préparer pour le bloc opératoire.

Ils sont tous dans un sale état, mais personne ne perd espoir. L'opération et les différentes manœuvres médicales peuvent changer tous les pronostics.

Michael a un élan de lucidité juste avant de se faire opérer. "Sauvez-les..." il répète encore. Il est trop faible pour s'inquiéter de tous les appareils qui l'entourent. Il ne pense plus qu'à eux mais surtout à la femme qu'il aime tant.

Au moment de l'accident, il n'a pas vu sa vie défiler comme beaucoup avant un événement aussi terrifiant. C'est seulement maintenant, durant les quelques secondes avant de s'endormir, qu'il repense à tout.

Autour de lui, les médecins et l'anesthésiste deviennent flou. Le "bip" de la machine devient une douce mélodie. La sensation de froid de la table disparaît. Puis tout paraît si éloigné et inapprochable. Il s'endort et les chirurgiens commencent leur travail.

Entre tous les outils et ce sang, Michael se bat pour vivre. Il se bat pour Olivia, et leur avenir dont ils rêvaient tant.

Une fraction de secondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant