Éric rentra chez lui directement après qu'il eut déposé Alice et ses enfants au domicile des Frigal. Il prit une longue douche brûlante pendant qu'une pizza surgelée cuisait dans le four, puis s'installa devant la télévision pour manger. Les informations parlaient de l'arrestation de Mitch, aussi zappa-t-il sur une chaîne sportive. Il espérait se changer les idées et ne plus penser à tout ce que la jeune femme leur avait raconté au cours de la journée. Il la revoyait encore, le matin même, désorientée au milieu de ce grand lit. Comme ce subterfuge ne fonctionna pas et que l'image de la jolie blonde demeurait encrée sur ses rétines, il soupira et décida d'appeler Collimont.
— J'étais sûr que tu craquerais le premier, plaisanta le policier.
— Je suis perturbé par toute cette histoire, je l'avoue.
— Comment se sont passées les retrouvailles familiales ?
— C'était un peu tendu. Catherine semblait heureuse, mais John et Diane sont restés sur la réserve.
— Je suppose que c'est normal. Si ma fille revenait après quatre ans de séquestration, accompagnée de deux enfants et enceinte jusqu'au cou, je le vivrais mal. Je n'aurais qu'une envie : faire la peau à celui qui lui a infligé tous ces sévices.
— Oui, sans doute. J'espère qu'ils vont vite retrouver leurs marques. Sinon, je me suis demandé... tu crois qu'il va envoyer quelqu'un la supprimer ?
— C'est possible. J'ai mis en place une équipe de surveillance, au cas où.
— Oh. Très bien. Tu vas l'en informer ?
— Non. On ne sait jamais. Peut-être qu'elle ne nous a pas tout dit et qu'elle va nous mener sur une nouvelle piste...
— Tu penses que... ?
Éric n'osa pas formuler le reste de sa phrase.
— Je ne sais pas. Quatre ans de captivité, ça peut changer une personnalité.
— Elle a accepté que je lui rende visite et que je lui pose d'autres questions. J'essaierai de discerner si elle joue la comédie ou non.
— Parfait ! On se tient au courant.
Après avoir raccroché, le jeune homme se dirigea vers la porte de son bureau. C'était une pièce borgne, mais l'absence de lumière naturelle ne l'avait jamais dérangé. Il appuya sur l'interrupteur et observa les dizaines de feuilles punaisées sur le mur en face de lui. Toutes ses pistes concernant son enquête sur les enlèvements de vingt jeunes femmes s'étalaient devant lui. Les images étaient reliées entre elles par des fils de différentes couleurs. Sur la droite, une photo attira son attention. Il s'agissait d'un portrait d'Alice, celui que ses proches avaient diffusé après sa disparition. Sur le cliché, elle souriait, les yeux brillants. Elle était très belle.
C'est alors qu'il prit conscience d'une chose. De ce qu'il avait vu aujourd'hui, ses iris bleus avaient perdu toute étincelle. Sa joie s'était éteinte.
Son cœur se serra. Il détacha la photographie puis parcourut toutes les autres, celles qui représentaient les jeunes filles que Mitch était suspecté d'avoir kidnappées. Il décrocha celle d'Olivia ainsi que celle d'Hasna. En pensée, il promit à toutes les autres de continuer à mener l'enquête. Il répétait ces mots dans sa tête tous les soirs depuis six ans.
Enfin, il quitta la pièce. Ce ne fut qu'une fois la porte fermée qu'il se rendit compte qu'il avait gardé le portrait d'Alice à la main. Il haussa les épaules et le déposa sur sa table de chevet.
Il mit un long moment avant de sombrer dans les bras de Morphée.
***
Quand Alice se réveilla, le silence régnait dans la maison familiale. Elle se glissa hors de son lit sans attendre et se dirigea à pas de loup vers la chambre de ses fils. Ils dormaient encore tous deux paisiblement. Elle descendit ensuite au rez-de-chaussée, afin de prendre son petit déjeuner. Les aliments étaient posés sur la table, elle n'eut pas besoin de fouiller dans les placards. Une note manuscrite l'informait que sa mère était allée faire quelques courses et que son père et sa sœur étaient au travail. Elle ignorait quel métier exerçait Diane. Il fallait dire qu'elle n'avait pas été très bavarde, la veille au soir.
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Une vie à réparer [Publié le 8 mars 2024]
RomanceL'arrestation de Robert Mitchell, redoutable tueur en série, correspond aussi à la libération d'Alice Frigal, l'une de ses victimes. Mais comment se reconstruire après quatre longues années de captivité, à subir les sévices d'un pervers ? Soutenue...