Alice fronça les sourcils en constatant qu'on l'emmenait, non au commissariat, mais à l'hôpital.
— Qu'est-ce que ça veut dire ? Que venons-nous faire ici ?
— Un médecin doit vous examiner. Ensuite, nous vous escorterons jusque dans nos bureaux, puis nous vous raccompagnerons chez vos parents.
La jeune femme soupira. La journée allait être longue, et le soleil se levait à peine.
— Et les petits ? demanda-t-elle encore.
— Un pédiatre va s'occuper d'eux et une assistante sociale prendra le relais jusqu'à ce que nous ayons terminé votre int... entretien.
Elle ricana.
— Vous pouvez prononcer le mot interrogatoire. Je ne suis pas idiote, vous savez. Je me doute bien que vous voulez découvrir ce qui m'est arrivé depuis que j'ai été enlevée.
Elle s'adressait à Collimont mais, impressionné par sa repartie, Éric n'osa croiser son regard. Pour autant, elle ne semblait pas fâchée. Juste résignée.
— Considérez-le plutôt comme une déposition, répliqua le commissaire.
Au moment où ils pénétraient dans le hall, elle se tourna une nouvelle fois vers eux.
— J'aimerais qu'on reste ensemble, les enfants et moi.
Collimont secoua la tête d'un air navré.
— Je ne pense pas que cela soit possible.
— Ils n'ont jamais été séparés de moi, se justifia-t-elle. Ils vont avoir peur...
Éric s'avança et se posta juste devant elle.
— Je comprends que cette situation vous angoisse, mais nous n'avons pas plus le choix que vous. Plus vite nous aurons terminé, plus vite vous les retrouverez et vous pourrez rentrer chez vous.
Ils se toisèrent un instant sans ciller, et ce fut elle qui détourna la tête la première. Elle prit une profonde inspiration avant de s'agenouiller devant son fils aîné. Le plus jeune était dans ses bras, elle l'éloigna de manière à pouvoir le regarder aussi dans les yeux.
— Les garçons, il va falloir que vous soyez courageux. Un gentil docteur va vous examiner pour déterminer si vous êtes en bonne santé. Ensuite, une dame va s'occuper de vous. Vous pourrez jouer et peut-être lire des livres. Vous allez bien vous amuser.
— Et toi, tu vas où ? l'interrogea Arthur.
— Je vais aussi voir un médecin, puis je devrai discuter avec ces deux messieurs. Quand ce sera fini, je viendrai vous chercher, c'est promis. Ça ne durera pas longtemps, d'accord ?
— Il est où, Papa ?
— Il est... hum... en prison.
Elle venait de décider qu'elle ne leur mentirait plus. Si, depuis leur naissance, elle s'efforçait de parler en bien de leur père, c'était terminé. À présent, elle se contenterait de leur dire la vérité.
— Il a fait quelque chose de mal ?
— Oui, de très mal.
— Il va revenir quand ?
Elle se mordit la lèvre.
— Je ne sais pas mon grand, je ne sais pas...
— Mais toi, tu vas pas nous laisser, hein ?
— Non, c'est promis. Je ne vous abandonnerai jamais. Je viendrai vous chercher bientôt.
Le petit Mathis observait la scène de ses yeux du même bleu que ceux de sa mère. Il ne pipait mot, mais paraissait comprendre tout ce qui se passait. Au moment où une infirmière et un médecin se présentèrent pour les emmener, il se blottit contre Alice pour lui faire un long câlin, puis il se laissa transférer dans d'autres bras sans pleurer, imitant ainsi son aîné qui faisait preuve d'un courage exemplaire.
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Une vie à réparer [Publié le 8 mars 2024]
RomansaL'arrestation de Robert Mitchell, redoutable tueur en série, correspond aussi à la libération d'Alice Frigal, l'une de ses victimes. Mais comment se reconstruire après quatre longues années de captivité, à subir les sévices d'un pervers ? Soutenue...