Chapitre 2

119 14 11
                                    

—Princesse ! Princesse Jûna ! Venez ici tout de suite, votre père en entendra parler à son retour ! s'époumonait Ihona en dépassant sans s'en apercevoir la petite fille cachée derrière un lourd rideau.
La princesse attendit que les pas de sa gouvernante s'éloignent avant de quitter sa cachette et s'élança en courant dans la direction opposée.

Après avoir parcouru le long couloir du premier étage desservant les chambres réservées aux illustres invités, elle dévala le grand escalier de pierre pour se retrouver dans le grand hall du palais. Sur la droite de l'escalier se trouvait une porte menant à l'un des jardins du palais.

Celui-ci était de loin son préféré car une famille de lapins y avait élu domicile depuis le printemps. Jûna leur apportait régulièrement des carottes qu'elle chipait dans les cuisines. L'autre avantage de ce jardin: il était souvent désert. La solitude étant un luxe pour une princesse, la petite fille aimait s'y réfugier entre deux tempêtes.

Mais aujourd'hui elle n'était pas seule. Quelqu'un d'autre se trouvait dans le jardin. Jûna, méfiante, se figea sur le pas de la porte et observa la silhouette se pencher sur un parterre de fleurs et en collecter quelques-unes avant de se redresser difficilement. Ce devait être une vieille personne se dit aussitôt la petite fille un peu rassurée.
—Bonjour, fit-elle timidement.

Surprise, la silhouette se retourna brusquement.
Jûna hurla et s'enfuit en courant. Voyant qu'elle n'était pas poursuivie, elle s'arrêta au milieu de l'escalier et reprit son souffle. Ce n'était pas une personne qu'elle venait de voir. Son corps ressemblait à celui d'une femme, de cela elle était à peu près sûre, mais son visage ! Elle avait un bec et de grands yeux de chouette ! Quelle était cette créature ? Et que faisait-elle dans son jardin ?

Elle s'approcha doucement de la rambarde en pierre et osa un coup d'œil vers la porte du jardin qu'elle avait laissée ouverte dans sa fuite. La créature était retournée à sa cueillette. Sa curiosité l'emportant sur la peur, Jûna redescendit l'escalier et s'approcha à nouveau de la porte. Timidement, pas après pas, elle s'approcha de la femme-chouette.

Lorsqu'elle n'était plus qu'à quelques mètres, celle-ci lui adressa la parole sans se retourner cette fois:
—Bonjour princesse Jûna.
—Bonjour, répéta-t-elle doucement.
—Je vois que mon apparence t'as effrayé, pourtant nous nous sommes déjà rencontrées.
—Je crois que je m'en souviendrais, répliqua la petite fille en se grattant la tête.
—Tu n'avais que deux jours, je ne suis pas sûre que la mémoire des humains fonctionne à cet âge.
—Vous êtes quoi ?
—Est-ce que tu vas t'enfuir en hurlant si je me retourne vers toi ?
—Non, assura la princesse en croisant les bras sur sa poitrine pour se donner du courage.

La femme chouette se retourna doucement et fit une révérence.
—J'appartiens au peuple magique.
—Magique ?
—La magie est bien réelle, elle est tout autour de nous mais... les humains n'y ont plus accès.
—Pourquoi ?
—Quelqu'un en a décidé ainsi.
—C'est pas juste.
La créature marqua un temps et pencha sa tête sur le côté en observant la princesse.
—Je pourrais t'apprendre...
—À faire de la magie ?
—Il faudrait n'en parler à personne, ce serait notre petit secret.

La fillette fit mine de réfléchir, comme on lui avait appris, une princesse ne doit pas se précipiter, mais au fond elle avait déjà pris sa décision.
—C'est d'accord, finit-elle par dire en tendant une main vers la créature. Elle dû faire appel à tout son sang froid pour ne pas fuir à nouveau en voyant la main griffue entourée la sienne pour la serrer.
—Bien, je viendrai te chercher, promit la femme-chouette avant de s'avancer vers la porte donnant sur le hall.
—Attendez !

La créature se retourna.
—Comment vous vous appelez ? s'enquit la fillette.
—Thumeth.
—Thumeth, répéta la princesse en chuchotant alors que la créature disparaissait dans le hall.
Se souvenant soudain de la famille lapin, Jûna sortit quelques carottes qu'elle alla déposer devant le terrier avant de s'asseoir un peu plus loin à son poste d'observation habituel.

Emglev : La prophétie du retourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant