Le banquet du soir lui parut interminable. Elle n'arrivait à penser à rien d'autre qu'à son rendez-vous avec le seigneur Mellac. Elle aurait aimé en discuter avec Thumeth mais lorsqu'elle s'était rendue en haut de la tour, la créature ne s'y trouvait pas.
Son père, ou plutôt Falladenn, avait établi une liste ordonnant les prétendants. Sur les vingt prétendants, elle devait en éliminer la moitié ce soir. Sur la liste, certains noms étaient déjà rayés.
—Je croyais que c'était à moi de choisir, remarqua-t-elle.
—Bien sûr, bien sûr, nous voulions simplement t'aider. Et puis tu reconnaitras sans mal que le seigneur Deguer, n'est pas à la hauteur, se justifia son père.
—Sur ce point je suis d'accord, concéda-t-elle. Je garde le seigneur Beltrame par contre, ajouta-t-elle en pointant du doigt son nom barré.
Son père hocha la tête et Falladenn recopia son nom sur un parchemin vierge.
—À la place, je souhaiterais éliminer le seigneur Mellac.
—Entendu, je n'aime pas ses manières, avoua Falladenn.
—Oh non ! s'exclama le roi. C'est mon préféré. Il rend le tournoi intéressant.
—J'imagine que je pourrais toujours l'éliminer plus tard... concéda la jeune femme.
Il fallait mieux capituler pour le moment et trouver une façon de l'éliminer plus tard dans la compétition. Après une dizaine de minutes de discussion, ils se mirent d'accord sur les huit autres prétendants sélectionnés.
Une fois le dessert terminé, la princesse se leva et le silence se fit instantanément dans la grande salle.
—Je vais maintenant annoncer le nom des seigneurs qui continueront la compétition. Seigneur Beltrame !
Il se leva sous les applaudissements, salua la foule et resta debout.
—Seigneur Quévert !
Il répéta le même rituel.
—Seigneur Créhen ! Seigneur Dingé ! Seigneur Tronchet ! Seigneur Camoël ! Seigneur Lantic ! Seigneur Mellac !
Elle ne put s'empêcher d'observer la réaction du jeune homme. Il la regarda droit dans les yeux et hocha la tête. Elle pouvait lire sa pensée dans son regard : "Vous avez fait le bon choix".
—Seigneur Trégrom ! reprit-elle.
—Seigneur Le Foeil !
Les dix choisis se tenaient maintenant debout. Ceux n'ayant pas eu cette chance s'avancèrent et mirent un genou à terre devant la princesse.
—Merci pour votre participation, le choix n'a pas été facile. Je me réjouis que le royaume compte autant de valeureux seigneurs. Vous êtes invités à rester parmi nous jusqu'à la fin des festivités.
Ils regagnèrent leur place et certains des convives commencèrent à regagner leurs appartements.
—Père, je souhaite me retirer, cette journée m'a épuisée.
Il hocha la tête pour tout accord et reprit sa conversation avec le conseiller Falladenn.Jûna quitta discrètement la salle en passant par la porte située derrière leur table. Celle-ci menait à un couloir longeant la grande salle et le jardin qu'elle devait rejoindre. Elle le suivit jusqu'au grand hall puis se dirigea vers la porte du jardin. Elle n'eut pas besoin d'attendre longtemps avant que le jeune homme ne fasse son apparition dans le jardin.
—Princesse Jûna, la salua-t-il.
—Avez-vous de nouveaux reproches à m'adresser, seigneur Mellac ?
—Non. En revanche j'ai une proposition à vous faire.
—Je vous écoute.
—Choisissez-moi.
—Je vous demande pardon ?
—Je le mérite, j'ai réussi haut la main les épreuves de votre père. Néanmoins, j'ai bien conscience que cela ne garantit en rien ma victoire.
—En effet...
—C'est pourquoi, je me vois dans l'obligation de m'assurer que vous me choisirez.
—Et comment ferez-vous cela ? Je ne cherche pas le meilleur cheval... Je cherche un égal qui pourra régner à mes côtés.
—Je suis le parfait candidat. L'exercice du pouvoir ne me fait pas peur.
—Et qu'y gagnerais-je ?
—Ce n'est pas ainsi que j'aurais posé la question... Dites-vous plutôt qu'en me choisissant vous ne perdrez rien. Je garderai votre petit secret pour moi.
—Mon petit secret ?
Elle aurait dû mettre fin à la conversation et partir mais elle voulait être sûre de ce qu'il savait.
—Comment faites-vous ?
La jeune femme resta muette.
—C'est toujours la même chose avec les puissants. Ils interdisent des choses au commun des mortels mais ils sont incapables de respecter leurs propres règles.
—Je ne vois pas de quoi vous parlez, souffla-t-elle.
—Je pense que si. Laissons la nuit vous porter conseil. Votre Altesse, dit-il en s'inclinant.
Puis il quitta le jardin.
Restée seule, Jûna s'autorisa à flancher et chercha un appui contre le mur du jardin. Cette journée d'anniversaire avait viré au cauchemar.
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Emglev : La prophétie du retour
FantasíaDans le monde d'Aelig et de Jûna, la magie a disparu et la nature va mal. Elles sont les seules à pouvoir ramener la magie et sauver leur monde. Le problème ? Chacune ignore l'existence de l'autre.