Chapitre 5

65 9 2
                                    

Jûna ouvrit les yeux. Un rayon de soleil perçait déjà à travers les épais volets en bois mal positionnés. Le rai de lumière tombait directement sur les paupières fermées d'Aaron, allongé à ses côtés. Ses yeux avait la même forme que ceux des voyageurs venus de l'Est du monde. Un cadeau de son père, le seul. Le mystérieux voyageur n'était pas resté assez longtemps pour savoir qu'il allait avoir un enfant. Jûna adorait les yeux d'Aaron, ils le rendaient unique, il ne ressemblait à personne.

Il ne cessait de répéter à la jeune femme qu'elle avait beaucoup de chance d'avoir d'aussi beaux yeux clairs mais il ne se rendait pas compte de la beauté des siens. Ils étaient lumineux et pleins de vie. Surtout lorsqu'il souriait. Liberté. C'est ce que criaient ses yeux en silence. Elle enviait souvent cette liberté et parfois elle aurait aimé qu'ils puissent échanger leurs places. Puis elle se souvenait qu'elle ne souhaitait à personne son fardeau et encore moins à Aaron. Elle se pencha pour embrasser ses cheveux d'un châtain très clair, presque blond puis se leva sur la pointe des pieds.

Elle était en retard. Elle prit néanmoins le temps de s'étirer en douceur. Puis elle se dirigea vers la cuisine. Nannig, la grand-mère d'Aaron, s'y affairait déjà. L'odeur des petits gâteaux au miel fraîchement sortis du four parvint aux narines de la jeune femme.
—Bonjour ma chérie, tu veux manger quelque chose avant de filer ? offrit la vieille femme.
—Bonjour Nannig, répondit Jûna en serrant la vieille femme dans ses bras. Je veux bien un petit gâteau au miel pour la route. Je suis déjà en retard ! Tout le château doit déjà être debout, c'est un grand jour !
—Oui un grand jour pour notre princesse, j'ai un petit quelque chose pour elle. Tella, voudrais-tu bien lui transmettre ?
—Pour la princesse ? répéta Jûna surprise.
—Oui, répondit Nannig en fixant la jeune fille droit dans les yeux.
—Tiens.
Elle lui tendit un rouleau de parchemin et une petite pochette de velours.

Jûna hésita. Nannig l'avait-elle démasqué ? Était-ce un test ou bien agissait-elle en sujet loyal, offrant un cadeau à la princesse en passant par sa femme de chambre ? Jûna saisit le parchemin et le glissa dans sa poche puis tendit la main vers la pochette mais Nannig était en train de l'ouvrir. Elle en sortit un petit objet.
—Tourne-toi, commanda-t-elle. Jûna se tourna et vit apparaître sur son décolleté un pendentif sphérique en pierre blanche veinée de rouge.
—Il était temps qu'il te revienne Jûna, tes pouvoirs nous libéreront.
Jûna fit volte-face. Nannig savait. Elle savait qui elle était. Elle l'avait appelé avec son vrai prénom et avait parlé de pouvoir.
—Comment ? demanda la jeune femme complètement paniquée.
—Ma chérie, j'étais là la nuit où tu es née. Je tenais la main de ta mère lorsqu'elle a rendu son dernier souffle. J'ai toujours su qui tu étais. Je ne dirai rien à Aaron, ce n'est pas à moi de révéler ce secret. Lis bien le parchemin une fois seule et reviens me voir quand tu auras un moment. Maintenant file ma chérie, ils vont te chercher partout.

Elle s'approcha de Jûna et la serra dans ses bras.
—Bon anniversaire Jûna, dit-elle en se reculant.
—Merci Nannig, j'ai tellement de questions à te poser...
—Plus tard, ma chérie, plus tard...
—Tiens, ajouta-t-elle en lui tendant un gâteau au miel emballé dans une serviette. Jûna le saisit mécaniquement puis quitta la petite maison pour se hâter vers le château.
Kêrbenn s'agitait déjà. La plupart des habitants viendraient la saluer et lui souhaiter son anniversaire depuis le balcon royal. Jûna quitta la rue animée pour se diriger vers son entrée secrète qui lui permettait d'aller et venir à sa guise. Elle courut jusqu'à ses appartements en empruntant les couloirs secrets.

Sur le lit était posée une robe somptueuse. Elle était rouge avec un corsage dans le haut et un jupon en Tulle.
À l'instant où elle refermait la porte secrète, Ihona entrait dans la chambre. La femme de chambre soupira de soulagement en apercevant Jûna. Elle lui fit signe de se déshabiller et de se laver dans le baquet. En moins de trente secondes Jûna fut emmaillotée dans une serviette propre.
—À la coiffure ! ordonna Ihona. Démêler la chevelure blonde de Jûna ne fut pas une mince affaire mais elle en vint à bout et lui fit un chignon délicat entouré d'une tresse. Elle finalisa la coiffure en y piquant des perles blanches. Elle contempla quelques instants le reflet de la princesse dans le miroir d'un air satisfait puis ses yeux tombèrent sur le collier que Jûna n'avait pas enlevé.
—Où l'avez-vous trouvée ? demanda-t-elle agacée.
—On me l'a offert, répliqua Jûna sur la défensive.
—Il faut le cacher, à minima dans votre corsage ou bien dans votre chambre. Mais il vaut mieux éviter que votre père voit ce bijou.
—Je ne comprends pas, explique-moi Ihona.
—Pas maintenant, ce n'est pas le moment, après votre anniversaire nous en reparlerons, mais votre père voulait détruire ces colliers. Cachez-le.
—Il y en a plusieurs ? s'exclama Jûna.
—Il faut enfiler la robe maintenant.
On frappa à la porte.
Ihona alla ouvrir.

Emglev : La prophétie du retourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant