Chapitre 8

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Lorsque le bal prit fin, Jûna regagna sa chambre au plus vite. Il était encore assez tôt pour terminer la soirée avec Aaron. Elle allait tout lui raconter. Elle enleva sa robe de bal pour en enfiler une beaucoup plus simple. Dans un sac de toile, elle mit des gâteaux qu'elle avait pu mettre de côté. Juste avant de partir, elle récupéra le collier que Nannig lui avait offert et le passa à son cou. Elle prit également le parchemin qu'elle n'avait pas eu le temps de lire mais Nannig allait pouvoir lui expliquer de vive voix.
Une fois prête, elle sortit par le passage secret courant dans les murs du château. Elle alluma une torche et après une dizaine de minutes dans le dédale qu'elle connaissait par cœur, elle atteignit la trappe. Il n'y avait plus personne aux abords du château, les habitants de Kêrbenn devaient se trouver dans les tavernes à festoyer pour l'anniversaire de leur princesse. Elle se dirigea d'un pas décidé dans les rues. Lorsqu'elle arriva en vue de leur maison, elle fut soulagée de voir de la lumière à travers les fenêtres. Ils étaient encore debout.

En s'approchant elle aperçut cependant que la porte était grande ouverte. Étrange.
—Aaron ? Nannig ? appela-t-elle en franchissant le seuil.
La pièce était sans dessus dessous. Nannig était étendue au sol, Aaron penché sur elle. Il releva la tête lorsqu'elle entra. Ses joues ruisselaient de larmes.
Jûna se précipita à ses côtés.
—Qu'est-ce qu'il s'est passé ? s'écria la jeune femme.
—Ils cherchaient quelque chose... Ils l'ont poignardée. Je n'étais pas là, je suis arrivé trop tard.
—Où est-il ? articula difficilement la vieille femme.
—De quoi ? demanda Aaron.
Mais c'est sur Jûna qu'elle posa ses yeux bleus lorsqu'elle répondit :
—Le collier.
Jûna le sortit de dessous sa robe pour le montrer à Nannig.
Elle put voir le soulagement dans les yeux de la vieille femme.
Elle prit sa main.

—Je vais te soigner Nannig, dit-elle. Tant pis si Aaron voyait son don et comprenait ainsi qui elle était. La vie de Nannig était en jeu.
Jûna posa ses mains sur le ventre de Nannig, là où elle avait reçu plusieurs coups de poignard.
—Non, dit-elle faiblement en essayant de repousser les mains de la jeune femme.
Jûna l'ignora et continua d'essayer de la soigner. Elle sentait le regard incrédule d'Aaron sur elle mais elle s'occuperait de cela après. Elle avait un souci plus pressant, la guérison ne prenait pas.
Elle chercha le regard de la vieille femme.
—Mon heure est venue, tu ne peux plus rien pour moi. Fuis, retrouve ta sœur, le reste suivra.
Elle tendit une main ensanglantée vers la joue de Jûna et lui caressa la joue du bout des doigts.
—Prenez soin l'un de l'autre mes enfants, ajouta-t-elle en regardant son petit-fils. Le jeune homme les regardait, ahuri.
—Tu fais de la magie ?
Il ouvrit les yeux en grand lorsqu'il comprit.
—Tu es la guérisseuse !
Nannig rit doucement, puis se mit à tousser.
—Fuyez. Maintenant, Aaron, tu sais où aller, parvint-elle à dire.
—Mais...
—Il ne faut pas que tu retournes au château ma chérie. Tu n'y es pas en sécurité. Tu dois trouver ta sœur, c'est le plus important. Promets le moi !
—Tout ce que tu voudras Nannig, dit-elle en pleurant. Je te le promets.
Satisfaite, la vieille femme ferma les yeux.

—Partez maintenant, ordonna-t-elle faiblement. Ils pourraient revenir.
Ses yeux se fermèrent doucement, sa poitrine se souleva encore deux fois et puis elle mourut.
Jûna essuya ses joue rageusement.
—Je veux trouver les monstres qui ont fait ça ! s'exclama-t-elle.
Elle se tourna vers Aaron. Il avait l'air d'un enfant complètement perdu. Il ne pouvait détacher son regard de la vieille femme. Jûna allait devoir prendre les choses en main le temps qu'il se ressaisisse.

Il y eut une série de cris dans la rue. Jûna se redressa et sortit sur le porche pour voir ce qui causait cette agitation.
—Elle est là !
Quatre gaillards arrivaient vers la maison en courant.
—Aaron... l'appela-t-elle. Pas de réaction.
—AARON !
Cette fois-ci le jeune homme sortit enfin de sa torpeur.
Il se leva et ferma brusquement la porte qu'il bloqua avec la table de la cuisine.
—Dans ma chambre, sous le lit. Des armes, dit-il tout en attrapant des couteaux de cuisine et en se postant près de la fenêtre ouverte.
Jûna resta un instant à le regarder comme si elle le voyait pour la première fois. Le jeune homme s'en aperçut.
—Va les chercher dépêche toi, nous allons fuir par derrière.

Emglev : La prophétie du retourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant