Chapitre 4

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Aelig leva les bras en croix pour parer le coup et se glissa sur la droite de son adversaire mais elle fut trop lente. Il lui saisit fermement le poignet gauche et la ramena en arrière. L'élan la déstabilisa et elle tomba lourdement sur les fesses. Découragée, elle resta assise là dans la poussière. Elle avait chaud, elle avait soif, elle était épuisée. Son adversaire s'avança vers elle, s'arrêta à quelques pas et lui tendit la main. Aelig la saisit et fut immédiatement remise sur pied.

—Allez on arrête, tu fais n'importe quoi. Je crois qu'on en a trop fait aujourd'hui, annonça Alar.
—Je suis rincée ! Je ne comprends toujours pas pourquoi tu m'entraines aussi intensément. Il ne se passe jamais rien ici...
—On en a déjà parlé sœurette, mieux vaut prévenir que guérir ! Le monde est dangereux. Il vaut mieux être prêt pour l'affronter.
—Si tu le dis, répondit-elle en levant les yeux au ciel. Je vais faire un tour à la rivière pour me rafraîchir.

Alar acquiesça et se mit en route pour le village. Sa pause allait bientôt prendre fin, mais il était inutile de songer à se doucher avant de reprendre le travail. Il était forgeron, d'ici peu il serait à nouveau en sueur. Beaucoup de travail l'attendait dans les prochains jours, il avait reçu une commande des Feizads. Ce groupe de résistants, dont il faisait lui-même partie, combattait le pouvoir en place. Par de petites actions, ils participaient à l'amélioration du quotidien des habitants du royaume. Du détournement de chariots de provisions au vol de l'argent des impôts, ils redistribuaient le tout aux plus nécessiteux. Alar avait pour mission de créer des têtes de flèches ainsi que des dagues pour les Feizads à l'aide d'armes volées aux soldats de la garde royale. Il risquait gros s'il se faisait prendre mais sa sœur avait raison, il ne se passait jamais rien par ici. Les soldats n'allaient pas choisir pile cette période pour venir inspecter le village et encore moins sa forge.

Aelig sortit de l'eau, elle se sentait fraîche et revigorée par sa courte baignade. Elle enfila ses vêtements et commença à marcher vers le village lorsqu'un cri lui fit faire volte-face. Le cri retentit à nouveau, il venait de la lisière des arbres.

Prudemment, la jeune femme revint sur ses pas. Le cri se fit entendre mais plus faiblement cette fois. C'est alors qu'Aelig repéra l'animal blessé. Il s'agissait d'une biche étendue sur les racines de l'un des premiers arbres de la forêt. Elle s'approcha encore et se figea. Ce n'était pas vraiment une biche, la créature avait des ailes. Aelig n'avait jamais rien vu de pareil. Elle tendit la main pour caresser le museau de la biche ailée. L'animal se laissa faire et parut même se détendre. Aelig l'inspecta rapidement et découvrit une jolie estafilade le long de sa cuisse avant.

—Qu'est ce qui t'est arrivée ma jolie, demanda-t-elle à voix haute. Prenant sa gourde, elle fit couler de l'eau sur la blessure pour la nettoyer. Puis elle prit un linge dans son sac pour l'entourer autour de la plaie. Elle le fixa à l'aide d'une longue tige de lierre.
—Reviens dans quelques jours, je te l'enleverai, dit-elle à la biche. Puis elle ramassa ses affaires et commença à s'éloigner.
—Reviens dans quelques jours... comme si elle pouvait me comprendre, marmonna-t-elle pour elle-même. Elle se retourna vers la créature mais elle avait disparu. La jeune femme haussa les épaules et se hâta vers le village.

Depuis bientôt deux ans, Aelig travaillait à l'auberge du village aux côtés de son amie Lavena. Les parents de Lavena étaient propriétaires de l'auberge, comme ses grand-parents et ses arrières-grands-parents avant eux. Un jour son amie hériterait de l'auberge puisqu'elle était fille unique.

Elle trouva son amie dans la grande salle de l'établissement en pleine lecture d'un roman, probablement un roman d'amour car son amie était une incorrigible romantique. Aelig l'observa avec amusement. À chaque fois que son livre prenait une tournure plus sensuelle, son amie ne pouvait s'empêcher d'entortiller une mèche de ses cheveux bruns autour de ses doigts. Si la jeune femme n'avait pas eu la peau mat, elle aurait probablement été toute rouge en lisant son chapitre.

Emglev : La prophétie du retourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant