Trois. Deux. Un. Zéros. L'aiguille des secondes dépassa le 12, suivi instantanément de l'aiguille des heures sans émettre aucun bruit, autre que celui du grincement de mon lit quand je me relevais. L'heure était venue. J'allais enfin pouvoir sortir de ma chambre. Cela faisait déjà trois jours que je m'y étais enfermé et je devais bien le reconnaitre, je commençais à étouffer. J'avais l'habitude de me cacher pourtant. Avec le temps, faire profil bas et me terrer dans l'obscurité étaient même devenus des composantes intégrantes de ma personnalité. Mais... même si j'avais l'habitude de m'isoler du monde extérieur, parfois pendant plusieurs mois, jamais le temps ne m'avait paru aussi long que lors des derniers jours qui s'étaient écoulés suite à la mort de ma mère.
Je quittais le confort sommaire, mais rassurant de mon lit et de ma couette, avant d'enfiler le premier short qui me tomba sous la main. Un débardeur, un gilet et des basquettes en plus, et hop. J'étais fin prête à quitter ma prison dorée. Cela paraissait si facile comme ça. Et ça l'était. Pour une seule raison, vu l'heure, je savais que je ne croiserais personne dans les couloirs. Ou plutôt, personne avec de bonne intention. Car une des choses que je détestais le plus depuis ce jour-là, c'était de voir les regards compatissants de ces mêmes personnes qui auraient tout données pour voir ma mère morte moins d'une semaine plus tôt. La colère, la rage ou même le mépris, ça, je connaissais et je savais gérer. Mais la pitié... c'était la première fois que j'y faisais face aussi frontalement.
J'ouvris la porte et un courant d'air froid m'enveloppa. Un coup d'œil à droite et à gauche et j'étais déjà dans le couloir en train de refermer ma porte sans émettre le moindre bruit. J'étais prête à profiter de chaque seconde qu'il me restait avant le lever du soleil. Et pour cause, dans quelques heures à peine, aurait lieu la cérémonie de ma mère. Miss Amélia avait tenu parole. Suite à sa demande, le coven avait accepter que le dernier rituel de ma mère ait lieu à Saint Maxime. De toute façon, Elena Wildes étant une des criminelles les plus recherchés et détestés au monde, c'était le seul compromis possible pour notre communauté. Ma mère restait quand même un membre d'une des familles héritière. Ce n'était pas rien.
Je descendis les escaliers avant d'arriver dans un nouveau couloir aussi désert que le précédent. Derrière chaque porte que je dépassais, se trouvait la chambre d'un autre étudiant. La majorité dormait à point fermer, mais à travers leurs auras j'en identifiais 3 ou 4 qui veillaient toujours. Pour certains, en bonne compagnie. Quand je sortis enfin du dortoir et donc de l'énorme bâtiment des tueurs, la première chose qui me sauta aux yeux fut la lune. Elle, que j'avais fixée du regard pendant des heures ces derniers jours lorsque je cherchais le sommeil, me paraissait, cette nuit, anormalement rayonnante. Instinctivement, je vins recouvrir sa vue par mon pouce. Un vieux réflexe que j'avais depuis le jour où ma mère m'avait appris que qu'importe l'endroit où on se trouvait dans le monde, la lune n'était jamais plus grosse que le bout d'un pouce. Sans surprise, ce soir encore, c'était vrai. Je me détournais, avant de reprendre mon chemin.
Le premier endroit où je m'arrêtais fut la cantine. Evidemment, l'endroit était fermé. Toutefois, il ne fut pas difficile de trouver une fenêtre facile d'accès que je pus forcer de l'intérieur grâce à ma magie. En deux-trois contorsions et avec un peu d'élan, j'entrai dans les cuisines, cette fois-ci un peu moins silencieusement que tout à l'heure. Preuve qu'il me restait encore des progrès à faire en tant que tueuse. J'ouvris plusieurs frigos et placards avant de trouver enfin quelque chose de passable à grignoter. Un bout de brioche et une tablette de chocolat que j'engloutis en moins d'une dizaine de bouchées. Pour être honnête, je n'étais de base pas très chocolat. Mais depuis qu'Emma venait en garnir chacun des plateaux repas qu'elle déposait devant la porte de ma chambre matin, midi et soir c'était la première chose sur laquelle je me jetais.
Mon repas englouti, je repartis comme j'étais venu, un autre morceau de brioche et de chocolat emballé et caché au fond de la poche de mon gilet. L'arrivée de mes règles se faisait sentir. Le deuxième lieu que je visitais fut la bibliothèque. Elle aussi était techniquement fermée. Mais bon, comme pour la cantine, cela ne représenta pas le moindre problème. A peine avais-je fait trois pas dans l'obscurité des rayonnages poussiéreux que je sentis une petite touffe de poils me caresser les chevilles. Moutarde m'attendait déjà de pied ferme. Il miaula et je m'accroupis pour lui caresser le sommet du crâne. Une fois rassasiée de ses ronrons, je repris mon chemin, le vieux chat roux toujours sur les talons. L'endroit était plongé dans la pénombre et je n'avais pris aucune source de lumière potentielle avec moi. Toutefois, je ne mis pas très longtemps à trouver ce que je cherchais. Ou plutôt, le rayon que je cherchais.
J'hésitais plusieurs secondes avant de prendre un des livres de l'étagère. Certes, il ressemblait beaucoup à celui qu'Emma m'avait montré la dernière fois mais était-ce vraiment celui-ci ? Je n'en avais aucune idée. Pour être honnête, je n'avais pas fait très attention ce jour-là. La seule chose dont je me rappelais distinctitement, c'était la réflexion amusée qu'avait eu mon amie en lisant le sort en question. Je relevais la tête avant de localiser la fenêtre la plus proche. Me servant de la maigre luminosité de l'éclat de la lune qui filtrait à travers, je me mis à feuilleter l'énorme recueil aux pages rongées par l'humidité des lieux. J'étais sur le point d'abandonner quand je dénichais enfin ce que je cherchais.
Bien, ça c'était fait. Ça avait été beaucoup plus rapide que ce à quoi je m'étais attendu. J'étais sur le point de revenir sur mes pas, quand soudain quelque chose attira mon attention. Une vision fugace. Enfin, plus précisément, un souvenir fugace. Car à quelque pas de moi se trouvait l'endroit exact où j'avais vu ma mère vivante pour la dernière fois. Elle s'était tenue là. Devant ces mêmes livres que je percevais de loin. Et maintenant, elle était entre nos deux mondes, attendant qu'on la libère enfin de son enveloppe charnelle pour rejoindre la Déesse. Quelque part, j'avais encore du mal à réaliser que plus jamais je ne la verrais poser ses yeux verts sur moi. Moutarde colla son petit museau à ma jambe me donnant l'impulsion nécessaire pour reprendre mon chemin. J'avais déjà eu trois jours pour déverser toutes les larmes dont mon corps était capable, je ne pouvais pas continuer à me montrer si sensible.
Mes mitaines de protection à peine enfilées, je fonçais vers le sac de sable le plus proche de moi et frappais de toutes mes forces dedans. A mon contact, l'énorme cylindre eut un léger mouvement de recul. Un mouvement de recul démesurément petit comparé à toute la force que je venais de déployer. Je soupirai d'agacement avant de m'élancer de nouveau. A vrai dire, ce détour par le gymnase des tueurs n'était pas vraiment prévu. Mais la nuit était encore longue et c'était la seule idée qui m'était venu pour faire fuir le fantôme de ma mère. J'assenais un nouveau coup avant de légèrement reculer et de me mettre à sautiller sur moi-même en même temps que je faisais de petits moulinets dans le vide avec mes poignets. Dès mon arrivée, j'avais foncé tête baissée vers le sac sans réfléchir. Or ce n'était vraiment pas le moment pour avoir des courbatures ou même me blesser aussi bêtement par manque d'échauffement. J'étais d'ailleurs surprise qu'il ne me dise rien.
Je repartis vers le sac à tout allure avant de tourner sur moi-même et de lui assener un coup du revers de la jambe. Je reculais de nouveau. Trop haut. S'il avait s'agit d'une vraie personne je n'aurai même pas réussi à la déséquilibrée. J'avais envie de hurler de frustration. Moi qui pensais que ces trois jours d'isolement à pleurer toutes les larmes de mon corps avaient suffi à me faire tourner la page de la mort de ma mère. Quelle bonne blague. Un simple souvenir d'à peine deux secondes avait réussi à me faire replonger de nouveau. Et ce putain de sac qui me résistait... Alors qu'il avait fallu un coup à Hector pour le trouer lors du dernier cours. J'étais si faible. Je grimaçais, cette différence de niveau et de force l'écœurerait si elle était encore là. Je devais devenir plus forte.
- Un conseil avant que j'affronte les 6 plus grandes représentantes de la communauté des sorcières ? lui demandais-je en tournant enfin la tête vers mon professeur.
Donovan passa sa main dans ses cheveux avant de les attacher en un petit chignon au sommet de son crâne.
- Je ne suis pas sûr de pouvoir t'être d'une très grande aide sur ce point. Mais sur la manière de cogner sur un sac, ça j'ai sûrement deux trois trucs pour t'améliorer.
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Surnaturelle, tome 2: POUVOIR
ParanormalToute ma vie, j'ai voulu sortir de l'obscurité. Que les gens me connaissent, qu'ils sachent qui j'étais : mon prénom, mon nom, ma race et surtout ma filiation. Et aujourd'hui, c'est enfin le cas. Sauf que voilà, les derniers événements font que je c...