Chap 2: Personne ne l'aime

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- Dis donc t'as fermé l'œil ne serait-ce qu'une seconde cette nuit ou quoi ?

Je comblais d'un pas hâtif les quelques mètres qui me séparaient encore de Victoria, avant de poser ma bouteille d'eau sur la table de pique-nique à côté de nous. Avant même que l'eau à l'intérieur n'arrête de tanguer, suite au contact stable de la table en bois, je commençais à imiter les gestes d'échauffement de ma coéquipière d'entrainement matinale. Je n'avais qu'une envie, m'élancer le plus rapidement possible sur la piste d'athlétisme afin de dépenser les derniers stocks d'adrénaline encore présent dans mon corps suite à mon rêve agité.

Victoria me regardait, immobile, les jambes écartées et le dos à 90° tandis que j'essayais grossièrement d'adopter la même posture qu'elle, pendant plus de quelques secondes, en vain. Cela avait beau faire plus de 4 mois que j'étais arrivée à Saint Maxime et que j'avais rejoint les tueurs, j'étais toujours à la ramasse question souplesse. Et ce, malgré les nombreux entrainements supplémentaires incessants que je m'infligeais régulièrement. Il fallait vraiment que je persévère sur la question. En plus les examens trimestriels arrivaient très bientôt. Je tournais doucement la tête d'un côté puis de l'autre, étirant le plus possible mon cou encore endolori, avant de venir croiser de nouveau le regard châtain de Victoria. Visiblement elle attendait une réponse, ma réponse. Et elle n'allait pas me laisser me dérober si facilement.

- C'est vraiment si horrible que ça ? demandais-je tout en continuant mon exercice.

- Bah... Ouais. Enfin un peu, essaya-t-elle de se rattraper à la dernière seconde d'un ton peu sûre d'elle.

J'esquissais un sourire. Une des choses que j'appréciais le plus chez ma camarade métamorphe, c'était sans conteste sa franchise et son langage sans filtre. Qualité qui faisait néanmoins régulièrement grincer les dents des autres jeunes de notre âge et notamment de Casey, qui s'était mis un point d'honneur à lui apprendre l'art de la diplomatie afin qu'elle puisse « dialoguer aisément avec les gens civilisés » comme cette dernière aimée le répéter à chaque fois. Et visiblement, Victoria me considérait comme faisant partie des gens civilisés de Casey vu toutes les pincettes qu'elle essayait de prendre tant bien que mal avec moi ces derniers temps. Ce qui m'amusait plus qu'autre chose, au vu du décalage entre sa personnalité et sa nouvelle manière de se comporter notamment envers moi.

- Tu veux en parler ? me demanda Victoria quelques instants après.

Je secouai la tête. Il n'y avait rien à dire de toute façon. Ce matin c'était le Zagrath qui me poursuivait, hier un golem de pierre et avant-hier une créature marine. Mes cauchemars n'avaient aucun sens, ils n'étaient l'illustration d'aucunes peurs. Si ce n'était celle de mourir, et celle-là je la connaissais depuis malheureusement suffisamment longtemps pour savoir que je l'avais dépassé il y avait des années de cela.

- Toi, tu veux en parler ? lui retournai-je la question dans le but de dévier légèrement la conversation.

Victoria fronça les sourcils avant de détourner le regard au loin. De mon côté, je m'assis par terre et tendis les jambes face à moi, tout en touchant mes pieds du bout des doigts. L'étirement me brûlait le bas du dos. Toutefois je me forçais à rester dans cette position pendant encore quelques minutes où la seule chose qui venait rompre le silence entre nous deux était le gazouillis des oiseaux des alentours qui se réveillaient avec les premières lueurs du jour.

Saint Maxime n'était jamais aussi calme en temps normal. Et voir cette facette si particulière de cet endroit, quelques heures avant qu'il se réveille et change radicalement de visage, était un petit plaisir qui avait pris beaucoup d'importance à mes yeux ces dernières semaines.

Surnaturelle, tome 2: POUVOIROù les histoires vivent. Découvrez maintenant