Surnaturelle, tome 2: POUVOIR

Chap 1: Tu n'es pas une guerrière

Je haïssais le froid. Je haïssais sa morsure sur ma peau, et les tremblements incontrôlables qu'il provoquait en moi. Je le haïssais, parce qu'il était une douleur que je ne pouvais maitriser, que je ne pouvais cacher. Une douleur qui prenait possession de moi toute entière et qui glissait contre ma peau, en quelques secondes, provoquant des milliers de petits points blancs. Preuve irréfutable de la faiblesse de mon corps, de ma faiblesse. Cette faiblesse que je mettais tant d'efforts à cacher au monde entier depuis mon premier souffle, mes premiers pas.

Pourtant, alors qu'il faisait un froid glacial et que la neige avait recouvert le paysage devant moi d'un épais manteau blanc, je n'hésitai pas une seconde à me déshabiller. J'enlevai ma veste, ma jupe, ma chemise et même mes chaussures, me retrouvant ainsi la peau plus exposée que jamais aux brulures frigorifiques de ce paysage désertique. J'ignorais comment j'avais atterri là. Je me rappelais plus de rien, ou plutôt, j'étais trop fatiguée pour essayer de me rappeler. Mais je savais que je ne devais pas m'attarder. Quelque chose arrivait. Quelque chose de dangereux.

Je plissai les yeux en direction du seul arbre des environs. Sur cette plaine enneigée qui s'étendait à perte de vue, c'était ma seule source d'espoir, je le savais. Toutefois, je n'arrivais pas à me décider à aller vers lui. La fatigue était telle, que le simple fait de penser mon action me semblait déjà trop fatiguant. Je voulais juste dormir moi. Dormir d'un sommeil sans rêve, profond et calme. Et je le pourrais bientôt, si je continuais à laisser la chose se rapprocher sans rien faire. Mais étais-je sure de moi ? Car cela serait une décision sans retour en arrière possible...

« Avance » me susurra ma mère à l'oreille. Je me tournai, comme si je m'attendais à ce qu'elle ait apparu à mes côtés comme par magie. J'aurai tant aimé qu'elle soit là, ne serait-ce que pour revoir son visage qui commençait petit à petit à s'effacer de ma mémoire. Comment Déesse avais-je pu oublier à quoi ressemblait la femme qui m'avait porté et mise au monde ? Celle qui s'était occupée de moi pour que je devienne la sorcière que j'étais aujourd'hui ?

Une larme de frustration coula sur ma joue, aussitôt gelée par l'air ambiant. De toute ma vie, et même parmi les fois où j'avais vu la mort en face, je crois que je n'avais jamais eu autant envie que maintenant de revoir ma mère ne serait-ce qu'une dernière fois.

« Avance » me répéta de nouveau sa voix dans ma tête d'un ton autoritaire. J'avais envie de hurler, mais je n'arrivais pas à sortir le moindre son de ma bouche, la peine me tordant les cordes vocales. Comment pouvait-elle me donner des ordres, elle qui m'avait abandonné ? Elle qui m'avait laissé seule face à ce monde dont j'ignorais tous du fonctionnement, et ce par sa faute. Je reniflai avant de venir croiser les bras devant ma poitrine rosit par l'air ambiant. Le mince tissu de mon soutien-gorge et de ma culotte ne me protégeant en rien de la morsure dévorante du froid qui prenait petit à petit possession de moi. Pourquoi avais-je enlevé mes vêtements déjà ?

A peine commençais-je à me concentrer qu'un énorme mal de tête m'assailli faisant fuir toutes pensées cohérentes. Le temps pressé, je devais faire mon choix. Je lançais un ultime regard derrière moi. Pour l'instant, aucune forme ne se détachait de l'épais manteau blanc qui s'étalait aux alentours, mais je savais qu'il ne s'agissait que d'une question de temps. Je sentais sa magie se rapprocher plus dangereusement de moi, à chaque seconde qui passait. Rien de bien compliqué, c'était la seule source de magie à des kilomètres à la ronde en plus de l'arbre. Comme si la Déesse, elle-même, s'était retirée de cette partie du monde où je me trouvais. Jamais je ne l'avais senti aussi absente. Aussi ... abstraite.

Je secouais la tête. Non, je n'avais pas le droit de douter d'elle. Je n'avais pas le droit de douter du pouvoir qu'elle partageait avec moi depuis ma naissance. La foi était la plus grande arme de l'être humain. Je ne pouvais me permettre de la perdre. Surtout maintenant que j'étais seule face au monde.

Un hurlement retentit. Sourd. Glacial. Et terrifiant. Il fallait que je prenne une décision. Maintenant. Mais une partie de mon cerveau refusait d'avoir la moindre pensée cohérente. Tous s'emmêlaient dans ma tête, les souvenirs, les sentiments, les bruits du vent... Je ne comprenais pas ce qui se passait, mais si ça se passait, c'était que c'était la volonté de la Déesse non ? « Artémis fuie » me répéta ma mère d'une voix empreinte de peur cette fois ci.

J'aurais tellement aimé lui obéir. Cependant mon corps ne me répondait plus. Il était trop fatigué, trop lasse. Il voulait juste se reposer, et mon esprit était en train de le rejoindre doucement dans cette décision. Et dans quelques minutes ça serait bientôt le cas et ce, pour l'éternité.

Le hurlement retentit de nouveau, beaucoup plus fort cette fois ci, et un visage me vint en tête. Celui du Zagrath. La chose qui fonçait sur moi était un Zagrath. J'aurais reconnu son cri entre milles.

Je déglutis face à mes souvenirs et me reconcentrai d'instinct sur l'arbre à quelques centaines de mètres devant moi. Devais-je fuir ou me battre ? Je répétais plusieurs fois la question dans ma tête jusqu'à ce que ma mère me réponde enfin. « Artémis fuie ! ».

Je pris une longue inspiration puis je levai la jambe, avant de la laisser lourdement retomber quelques centimètres devant moi. Sans m'attarder, je retentais l'expérience avec l'autre jambe cette fois ci. Il fallait que j'avance. Il fallait que je vive. J'étais la dernière héritière de la sixième famille. Comme mes ancêtres avant moi, je devais m'acquitter de la mission que nous avait confier la Déesse. Je ne pouvais pas partir comme ça, par simple lassitude, et surtout ... sans me battre. Ce serait une honte, un déshonneur envers la centaine de femmes que je précédais. Et puis, comment oserais-je, ma mort venue, refaire face à ma mère après ça ?

Tout d'un coup, je sentis deux mains chaudes se poser sur mon dos. D'une pulsion aussi douce que ferme, elles me poussèrent brusquement vers l'avant. Avant même que je ne puisse réagir face à ce soudain déséquilibre, je tombai tête la première dans la neige.

Contrairement aux difficultés que j'avais eu quelques secondes plus tôt à me mouvoir, je me relevai instantanément d'un bond, le froid me donnant la désagréable sensation de m'être fait faire enfoncer des milliers d'aiguilles dans la peau. Je regardais derrière moi furieuse. Personne. Personne, à part la forme du Zagrath au loin qui commençais à devenir de plus en plus nette.

Mais qu'est ce qui se passait bon sang ? où étais-je ? Soudain je me rendis compte que mon corps m'obéissait de nouveau. J'étais de nouveau maitresse de mes gestes et pleinement consciente du danger auquel je faisais face. Alors sans perdre une seconde de plus à essayer de comprendre ce qui venait de se passer, je me mis à courir de toutes mes forces.

Je devais y arriver. J'allais y arriver, continuais-je à m'encourager. Je n'avais pas vécu jusqu'à aujourd'hui pour me faire bouffer par un vulgaire gardien des enfers. Ma famille avait déjà trop donné à ses bêtes. La magie m'indiqua que le Zagrath n'était plus qu'à quelques mètres quand j'arrivais enfin à toucher l'arbre de ma main. Il me parut tellement frêle, déshabillé de toutes ses feuilles et isolé de ses congénères, que je doutais un moment qu'il arrive à supporter mon poids. Néanmoins, j'entrepris hâtivement de l'escalader. Je n'avais pas le luxe de faire ma difficile quand a l'état physique de ma seule chance de survie possible.

Mais alors que je remontais ma jambe pour passer mon corps sur la branche la plus basse de l'arbre, je sentis subitement les crocs du Zagrath s'enfoncer douloureusement dans ma cheville et me tirer en arrière d'un coup sec. 

Et oui je suis enfin revenu ! Et je vous avoue que je suis assez stressée. J'ignore si ce tome vous plaira autant que le premier mais en tous cas je ferai tout pour. Promis 😊