chapitre 3

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Je me tenais devant la porte et j'allais la franchir. Un groupe de citoyens d'Adora s'était réunis pour nous féliciter une dernière fois avant notre départ et à notre grande surprise se tenait à leur tête le Général, les bras grands ouverts. Sans hésitation, je m'approchai de lui et lui donnai une accolade. Son contacte était rassurant, ses étreintes, bien que rares étaient réconfortantes.

– Merci d'avoir été là pour moi durant toutes ces années Seth.

– Je suis fier de toi Lana et de la femme que tu es devenue et je pense que d'où ils sont tes parents le sont également.

Il embrassa Thalès et moi sur le front en nous souhaitant, une fois de plus, bonne chance.

La troupe Externa au complet à l'intérieur du véhicule, il démarra. Le groupe d'Adoriens nous adressait des signes d'aurevoir et cela réchauffa mon amour pour la cité. Les lourdes portes s'ouvrirent une à une, me rapprochant progressivement de ce que j'avais attendu de découvrir durant toute ma vie, l'inconnu. Notre première mission consistait à sécuriser un périmètre non loin d'Adora. Nous devions nous assurer que le terrain encore occupé par des ruines était sans danger et que la démolition des anciens bâtiments s'opèrerait sans encombre.

Après une vingtaine de minute à rouler, nous nous arrêtâmes dans la cour d'un bâtiment. Je posai un pied sur de l'herbe. C'était moelleux. Ce n'était pas la même que celle de la cité. Elle était plus verte, plus réelle. De grands arbres aux troncs blanc et parsemées de petites fleurs jaunes étaient disposés de manière régulière aux quatre coins de la cour. Les murets étaient tapis d'une couverture verte. La rugosité de cette dernière me taquina le bout du doigt. Au contraire du vent artificiel d'Adora, celui qui faisait crisser les branches était bien authentique. Pour la première fois, je vis nettement le ciel. Il n'y avait plus de coupole de verre, seulement une toile de fond bleu et des oiseaux que je voyais distinctement battre des ailes.

Toutes ces choses que j'avais vu et lu dans les livres se trouvaient autour de moi.

– Évitez tout contact avec les plantes, quelles qu'elles soient. Il suffit qu'il y ait ne serait-ce qu'une fissure dans votre masque et que le taux de toxines soit trop élevé pour que vous subissiez de graves séquelles.

– Compris, Lieutenant ! m'écriai-je, suivie par les autres.

Je posai le regard sur le bâtiment dressé en face de nous. Il était grand et construit avec un matériau qui n'était que très rare à Adora. De la brique. Je reconnus aussitôt le liseron, de fines tiges ornées de petites fleurs blanches, qui enveloppait les murs. Je m'approchai et observai l'intérieur à travers l'une des fenêtres. De petites tables et chaises étaient éparpillés à travers la pièce. Il y avait du matériel scolaire tel que des stylos ou règles éparpillés sur les tables. Une salle de classe. Bien que l'entretien de ce bâtiment ait cessé de nombreuses années auparavant, l'intérieur n'avait étonnamment pas été trop affecté. J'observais toujours l'intérieur du bâtiment quand Thalès demanda d'envoyer la confirmation de démolition.

Une ombre rapide traversa un couloir.

J'entendit un léger sifflement, les premiers coups de feu retentirent. Je fis volte-face et vis que Thalès se relevait, une lame plantée dans sa clavicule. Avant même de se remettre correctement en position de tire, une balle s'enfonça dans son épaule. Il tomba.

Je couru me poster devant lui le protégeant ainsi d'autres assaillants. Des yeux rouges nous fixaient, nous étions encerclés. Les Wendigos. Thalès était inconscient et exposé à d'autres attaques. Je lui attrapai les jambes et le tirai difficilement dans un coin à l'abris du combat. Il ne bougeait pas. Je l'appelais à travers mon masque tout en lui faisant un bandage autour de la lame qui était enduite d'un liquide étrange. Les fusils faisaient feu et des cris de douleur retentissaient de part et d'autre. Son cœur sembla finalement reprendre un rythme régulier et sa main me serra le bras.

– Tout va bien Thalès tu es en sécurité, lui dis-je en lui tenant la main.

Il perdit à nouveau connaissance.

J'entendis du bruit et me retournai brusquement. Quatre yeux rouges me fixaient dans l'ombre. J'attrapai mon arme. Les deux silhouettes surgirent de la pénombre, je voulus tirer mais m'arrêtai brusquement. Deux enfants se tenaient devant moi. J'entendais mes coéquipiers arriver dans ma direction pour récupérer Thalès. Ces petites créatures me fixaient, effrayées. Bizarrement, leur peau n'était pas aussi pâle qu'on le prétendait, leurs yeux pas aussi injectés de sang et leurs ongles pas aussi aiguisés, ils ne portaient pas de masque effrayant ni ne criaient de manière enragée. Nous nous fixions sans dire un mot ou émettre un bruit. En entendant des pas lourds se rapprocher de nous je vis leurs pupilles se dilater. A part leurs yeux rouges, ces enfants ressemblaient à ceux de la cité, presque rien ne les différenciait. Je ne pouvais pas les laisser mourir.

Mon instinct prit les devants et je me précipitai sur eux, les entrainant dans une salle de classe. Ils tremblaient entre mes bras. Je leur fis signe de se taire dans l'espoir qu'ils comprennent ce que je voulais dire et par miracle ils hochèrent la tête. Je me figeai un instant. Ils me comprenaient.

Doucement, je commençai à desserrer mon étreinte tout en leur demandant de se taire. Je les plaçai derrière une table et me levai, leur lançant un dernier regard pour leur faire signe de rester où ils étaient. Les coups de feu avaient cessé.

Redressant mes épaules et feignant l'assurance, je me mis à marcher en direction des soldats qui prenaient soin de Thalès.

– T'étais où Yanaki ?

– Il y avait un Wendigo qui nous fixait, je l'ai tué. Comment va Thalès ?

J'essayais de rester le plus calme possible, même si ma voix me trahissait par quelques tremblements.

– Tu sais qu'ils ne sont jamais seuls ? Il devait y en avoir un avec lui, je vais aller voir.

Jacob se dirigea vers la cachette des enfants, son arme pointée sur les ténèbres et son doigt appuyé sur la détente.

– Il n'y avait personne d'autre Jacob.

– On ne sait jamais.

Je haussai la voix et me redressai face à lui.

– Jacob !

Il ne m'écouta pas et s'engouffra dans la salle. Les enfants étaient pris au piège. Plus il se rapprochait de son but, plus mon estomac se contractait. J'espérai que Jacob ne les trouve pas, mais malheureusement un coup de feu retentit. Toutefois, il n'y en eu qu'un seul. Jacob sortit de la classe en traînant l'enfant par le bras puis le jeta au sol. Mes yeux se posèrent sur le corps et je déglutis avec peine. Le jeune garçon était allongé sur le sol, un trou logé entre les deux yeux.

Je me précipitai vers lui, cherchant un pouls, une respiration ou un battement de cœur. Il n'y avait plus rien.

– C'était un enfant Jacob ! criai-je.

– C'était un monstre, lâche-le, lève-toi et on s'en va.

Les autres soldats retournaient au camion, ne prêtant pas attention à la scène. Était-ce normal pour eux ? Cela ne leur faisait rien de voir un enfant mourir de la sorte ? Jacob me demanda de me lever une seconde fois. Je refusai. Après de multiples tentatives Jacob lâcha l'affaire. Il laissa échapper un long soupir avant de m'annoncer qu'il reviendrait quelques minutes plus tard et qu'à ce moment-là, il faudrait y aller.

Je le laissai partir sans protester. Tout autour de moi gisaient des corps inertes de Wendigos. À travers les crânes d'animaux qui leurs servaient de masques, j'aperçus des visages crispés de douleur. Je lâchai délicatement l'enfant et m'approchai d'un des corps pour enlever ce masque qui cachait son visage. Autour de moi régnait un silence oppressant. Je m'accroupis près du corps. J'eus à peine le temps de tendre le bras que quelqu'un me sauta dessus et m'enfonça une lame dans mon masque d'oxygène. Il se vida de son oxygène, laissant place à ce que je crus être de l'air toxique. Une émotion que je n'avais ressentie que rarement auparavant m'envahit, la peur. Je reçu un coup à la tempe et m'écroulai par terre perdant lentement connaissance. Mon souffle était si saccadé qu'il était impossible pour moi d'alerter les autres. La dernière chose que j'entendis fut mon prénom hurlé au loin.

Dehors  (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant