chapitre 4

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– Souffle sous l'eau et inspire en sortant la tête.

J'imite Papa et de petites bulles remontent à la surface. Quand je regagne la surface de l'eau Maman m'applaudit et prend une photo de Papa et moi. Papa me montre ensuite comment faire la nage de la grenouille. C'est moi qui l'ai nommée ainsi car j'ai oublié son nom, ça fait rigoler Papa.

– Lana !

Thalès s'élance dans l'eau, éclaboussant mon visage au passage. Je riposte en l'arrosant à mon tour. Seth vient m'embrasser le front pour me saluer avant de rejoindre Maman sur un des bancs de la piscine. Plus la discussion avance, plus les sourcils de maman se froncent. Je ne suis pas la seule remarquer cette tension car finalement, Papa sort de l'eau et va les rejoindre. L'expression de Seth s'est transformée, elle est dur et féroce.

La première chose que je remarquai en m'éveillant fut la moiteur de la pièce, puis la couleur du plafond. Je ne me souvenais pas qu'il était bleu. Les murs n'étaient-ils pas censés être blancs ? Je sortis du lit grinçant, manquant de trébucher. Deux personnes entrèrent en trombe. Je tentais de les reconnaître, la vision encore embuée. Leurs yeux retinrent mon attention. Rouges ? Les Wendigos. Mes mains cherchaient en vain le couteau attaché à ma jambe. Ne le trouvant pas, je baissai la tête espérant m'être trompée de jambe mais je n'étais plus en uniforme. Je vis la fenêtre puis bondis. Ils réagirent rapidement en me bloquant au sol avant que je ne l'atteigne. C'en était fini pour moi.

– Calme-toi Lana.

Je me crispai. Ils connaissaient mon prénom et parlaient notre langue. Je grognais et me débattais mais rien ne marchait, ils tenaient bon. Ils attendirent que je me calme pour relâcher leur emprise. L'un d'eux me sourit.

– Nous allons te lâcher mais rassied-toi sur le lit d'accord ?

Sans vraiment avoir le choix, je m'y assis sans les lâcher du regard, assimilant chacun de leurs mouvements. Cela ne servait à rien de lutter. J'étais seule et en terrain ennemis. Le plus petit des deux, déclara s'appeler Adam. Il m'invita à se joindre à eux pour le repas. Les yeux rubis de l'autre Wendigo se détachèrent de moi et il sortit de la pièce. Je ne bougeai plus, seul le bruit de ma respiration haletante se faisait entendre dans la pièce. Où étais-je ? Comment pouvais-je respirer l'air censé être toxique ? Pourquoi n'étais-je pas morte ? Mes bras me démangeaient et des perles de transpirations ruisselaient le long de mes tempes. Cet inconnu d'âge moyen avait de larges épaules, de longs cheveux bruns et une taille légèrement supérieure à la mienne.

– Viens.

Voyant mon manque de réaction, il s'assit devant moi et me tendit la main. Je ne la pris pas. J'étais figée. Il la laissa tomber et visiblement déçu ferma la fenêtre puis s'en alla. J'étais seule dans un endroit inconnu et hostile. Pour la première fois, je ne pouvais compter que sur moi. J'observai la pièce. Une peinture écaillée tapissait les murs, un tissu usé recouvrait le canapé. Le lit était grand et sa structure toute rouillée. Traversées par un rayon de soleil, des petites particules de poussières scintillaient dans la chambre. Je n'avais jamais vu une pièce dans un tel état de délabrement à Adora.

Un petit cadre était posé sur l'une des commodes, deux personnes étaient présentes sur la photo. Je reconnu Adam, plus jeune.

Quelques heures plus tard je me décidai à sortir de la pièce et commençai à arpenter les couloirs. Le sol crissait sous mes pas. Quel était ce matériau ? La sensation de marcher sur ces planches me provoquait des frissons le long de la colonne. Je m'accroupis et de mon doigt je caressai les petites crevasses du sol. C'était doux et chaque planche était différente. Soudain, le sol craqua derrière moi. Je me redressai précipitamment, scrutant l'ombre qui s'approchait. Je retins mon souffle et roulai les épaules en arrière, ramenant mes poings à ma tête, prête à l'affrontement. Une créature arriva à ma hauteur, c'était Adam. Voyant qu'il ne manifestait aucune agressivité, je baissai ma garde puis je le suivis sans prononcer un mot.

Nous arrivâmes devant une porte. De l'autre côté de cette dernière, des conversations fusaient. Il la poussa et un silence s'installa. La pièce était remplie de Wendigos. Il m'était impossible de rester plus longtemps dans cette pièce. Je saisis la poignée de la porte. Elle était fermée. Je me retrouvai contrainte, une fois de plus, à faire ce qu'ils attendaient de moi.

Je fixai mon plat sans pouvoir y toucher. Mon corps demeurait figé sur la chaise, je n'osais pas briser le silence qui régnait dans la pièce depuis mon entrée. Les mains dissimulées sous la table, je m'efforçais de maîtriser leur tremblement. Adam était assis avec moi. Manger à la table de nos ennemis que nous avions combattu quelques heures plus tôt m'était insupportable. Chacune de mes inspirations était lourde et mon estomac se tordait à chaque déglutition. Cela me rendait malade. Pourquoi ne correspondaient-ils pas à l'image des livres que nous lisions et des discours que nous écoutions chaque jour à Adora ? Ils avaient l'air de me faire assez confiance pour ne pas m'emprisonner ou me tuer. Un enfant entra dans la pièce et enlaça Adam. Ses petites joues roses faisaient ressortir ses yeux. Il me sourit et je baissai la tête. Le coup de feu, Jacob, le bruit du corps de l'enfant qui s'écroulait. Il avait tiré, mais cela aurait pu être moi.  

Dehors  (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant