chapitre 6

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Ma tête est posée sur l'épaule de Thalès. Nous lisons assis sur mon lit. Seth entre dans ma chambre et vient se poster en face de nous. Je me redresse lentement. Il me tend un sac plein de livres.

– Joyeux anniversaire !

Je saute du lit pour venir lui déposer un baiser sur la joue. Thalès sort un bracelet rose de sa poche pour ensuite le glisser autour de mon poignet. Il est agrémenté de quatorze perles, chacune symbolisant une année de ma vie. Je montre mes cadeaux à la photo de Papa et Maman posée sur ma table de chevet.

Un vase rempli de fleurs bleues trônait sur ma commode. Le bouquet contenait de petites tulipes, des gentianes et deux petits hortensias. Cela faisait maintenant quelques jours que je réussissais à sortir de ma chambre sans avoir l'impression de ne plus être à ma place. J'arrivais à manger tranquillement avec les autres tout cela grâce à Adam. J'avais réussi à récupérer ma force et à retrouver mon poids. J'entrai dans la salle à manger et les autres me saluèrent d'un geste de la main sans interrompre leur discussion.

– C'est de toi le bouquet ?

– Oui, tu as toujours l'air intéressée par les fleurs bleues quand nous les étudions. Je t'ai fait un bouquet avec toutes celles que j'ai trouvé ce matin.

– Merci ! Mes parents avaient étudié les hortensias bleus. "Sans que ma mère le sache, je suis entrée dans son laboratoire et j'en ai aperçu une

Il arrêta de manger et me regarda droit dans les yeux.

– Je ne sais pas si c'est une coïncidence mais je me souviens avoir entendu les gens du village parler du vol de cette même fleur sur le champ par deux Adoriens. Tout le monde était prêt à se défendre les mois d'après mais personne n'est jamais revenu.

Je m'excusai en riant, pensant à mes parents volant des fleurs au milieu de la nuit.

– Tu sais, je crois que mes parents avaient découvert que l'air à l'extérieur n'était plus dangereux et que vous n'étiez plus hostile.

Ma remarque fut plus blessante que je ne le souhaitais. Je couvris ma bouche embarrassée.

– Maintenant toi aussi tu le sais, me dit-il amusé.

Quelqu'un entra brutalement dans la maison, criant que des Adoriens arrivaient. Cela provoqua un mouvement général, chacun se leva à la hâte pour se préparer à un éventuel combat.

– Lana, c'est ton peuple, tu le connais. Assure-toi de rester en vie et de leur expliquer ! J'aurai voulu que cela se passe autrement.

Je le suivis et entrai dans une pièce remplie d'armes de toutes sortes. Il me tendit l'uniforme que je portais à mon arrivée mais je décidai de ne pas le mettre. Je me munis juste de mes armes. Il fut surpris mais sourit. Il mit son masque et me fit face. C'était beau et terrifiant à la fois. Ce crâne était recouvert de gravures et de peinture. Il m'en tendit un autre, plus petit.

– N'interviens pas, tu te feras tuer pour rien. À la place, attend le moment propice et infiltre toi dans un des camions pour rentrer chez toi.

Avant qu'il ne franchise la porte, je le pris dans mes bras.

– Merci Adam, lui dis-je en resserrant mon étreinte.

A l'instant où nos corps se détachèrent l'un de l'autre, je sentis un étau se refermer autour de mon cœur. Il sortit de la maison et m'adressa un dernier regard avant de fermer la porte derrière lui.

Les Adoriens n'étaient que dix, néanmoins ils étaient redoutables. Ces soldats faisaient partie de l'unité Externa. Je les regardais par la fenêtre de ma chambre. Je ne devais pas intervenir, je ne pouvais pas, mais mon appréhension ne faisait que grandir, je ne supportais pas de ne rien faire. Mes yeux s'attardèrent sur mon arme posée sur mon lit. 

Je devais faire quelque chose. 

Je devais agir. 

Le fusil à la main, je sortis silencieusement de la chambre. Descendant prudemment les escaliers, les sens aux aguets, je me tenais prête à riposter. Arrivée au rez-de-chaussée, je me dirigeai vers la porte mais avant de pouvoir l'atteindre le parquet craqua derrière moi. Je fis volte-face et braquai mon arme sur l'assaillant. L'un des soldats d'Externa.

– Ne tire pas !

Je perçus sa surprise mais il ne baissa pas son fusil, à la place, il le repositionna sur son épaule. Laissant le mien en bandoulière, je levai un bras en signe paix et de l'autre je retirai mon masque. Il laissa échapper un cri de stupeur.

– Comment...

– Je vous expliquerai tout mais aide-moi à arrêter ce massacre !

À peine ma garde fut baissée qu'il tira une balle qui frôla ma clavicule. La plaie, bien que superficielle, commença aussitôt à saigner. 

Sans attendre je tirai à mon tour, la balle atterrit dans sa jambe, il cria de douleur, lâcha son arme et agrippa sa cuisse. Je me précipitai vers lui.

– Pourquoi avoir tiré sur moi alors que tu savais qui j'étais ?

– On ne doit pas...

Une voix se fit entendre de la cuisine, Jacob.

Le soldat sursauta.

– Cours Lana, me dit-il en chuchotant.

Je me levai et me rapprochai rapidement de la porte quand il prit la parole.

– Qu'avons-nous là ? Lana !

Il tira, mais la balle atteignit le soldat Adorien assis contre le mur.

– Sale lâche, pesta-t-il après avoir tué le soldat.

Pourquoi ? Sentant le danger, je sortis de la demeure. Il fallait le faire sortir de la maison, des enfants se trouvaient à l'étage. Le cœur battant à tout rompre je me retrouvai sur le champ de bataille, Jacob sur mes talons. Il cria mon nom et le temps parut se figer. Les tirs cessèrent l'espace d'un instant. Adam fut le premier à réagir. Il se jeta sur moi pour me protéger des tirs. A peine tombé à terre, je sentis une substance chaude goutter sur ma joue. J'ouvris les yeux, Adam gisait inerte sur moi. Je le poussai puis l'allongeai sur le dos. La balle avait transpercé sa poitrine. Je criai, essayant de le réveiller. Il ne fallait qu'un son. Je pressais ses mains cherchant à ce qu'il le fasse en retour. Autour de nous s'était formé un groupe de soldats, ils nous observaient. Adam sans vie et moi. Quelqu'un s'accroupit à côté de moi.

– Lana, c'est toi ?

La personne me prit dans ses bras. Thalès. Je pleurais et tapais sur sa poitrine. Je ne voulais pas rentrer à Adora, pas maintenant. À quelques mètres de nous j'entendis un tir. En regardant la scène je vis Jacob le fusil encore dirigé sur le fils d'Adam, au sol, atteint mortellement. Encore un enfant. Je ramassai mon arme et la pointa sur Jacob. Il se retourna pour nous faire face.

– Pour les deux enfants que tu as tués !

Avant qu'il ne puisse réagir, je tirai. Plusieurs fois. Il s'effondra. Je n'étais pas si mauvaise en tir finalement. 

Thalès m'arracha l'arme des mains. Le combat se termina en même temps que mon séjour chez les Noliens. Les mains derrière le dos, je fus amenée au camion. Le trajet se fit en silence. Les personnes que je croyais être mes amis ne m'adressaient pas même un regard. Parmi les soldats du camion, je reconnus la silhouette d'une de mes amis, Elena. J'essayai de lui sourire mais elle détourna le regard, suivie par les autres. Mon estomac se serra. Pour eux j'étais devenue une Wendigo. Je venais d'abattre l'un de leurs coéquipiers qui auparavant était aussi le mien. Le trajet était long. Mon cœur était lourd. Nous franchîmes les multiples portes de la cité. En jetant un coup d'œil à l'extérieur par la vitre, je reconnus la cité où j'avais grandi, mais elle m'apparut différente, presque étrangère. Une fois arrivés à destination, ils enlevèrent leurs masques et ouvrirent les portes du véhicule. Au contact de l'air une toux brutale me prit la gorge. Plus j'inspirai, plus mes poumons brûlaient. J'essayais de le dire à Thalès qui m'avait rejoint mais aucune parole n'arrivait à sortir de ma bouche, je toussais trop. Personne à part lui ne voulait m'aider. Ils me fuyaient, ils fuyaient Lana la Wendigo. Ma vue se brouilla et le sol se déroba sous mes pieds.

Dehors  (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant