5. Chandeleur en Famille

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Les champs défilent sous les yeux de Charlotte. Teddy, lui, est concentré sur la route. Le trajet en voiture ne dure que vingt minutes, c'est à la fois trop long et trop court pour elle. Il le sent, d'habitude elle discute ou elle chante, mais cette fois, malgré la musique qui perturbe le silence, la voix de Charlotte est absente.

Il glisse sa main du levier de vitesse aux siennes sur ses cuisses. Elle ne le regarde pas mais accepte le geste, entrelaçant leurs doigts et serrant légèrement. Elle ne veut pas l'alarmer, pourtant elle redoute ce qui les attend. Il amène la main à sa bouche et y dépose un baiser.

— À quoi tu penses ?

— Je pense que je vais mourir.

Le rire de Teddy n'est pas moqueur, non. Il est amusé, et compatissant.

— Je laisserai personne te faire quoique ce soit, certainement pas ma famille, et je dis pas ça parce que je sais qu'ils ne feront rien.

Elle se tourne vers lui, anxieuse.

— Je connais les mamans Teddy. Il n'y a rien qu'elles ne feraient pas pour leurs enfants, et elles s'inquiètent énormément. Crois-moi, si j'avais un gamin comme toi, et qu'il ramenait une copine, je me poserai des questions.

— C'est si aberrant que j'arrive à trouver quelqu'un qui s'intéresse à moi ?

— C'est pas ce que je veux dire.

— Ok, alors tu me veux du mal ?

La question la prend de court, même s'ils connaissent tous les deux la réponse. Bien sûr que non. Depuis leur rencontre il y a quelques semaines, à aujourd'hui, Charlotte n'a jamais voulu autre chose que son bonheur. Elle y travaille dur, lui aussi. Ensemble, ils fournissent tous les efforts possibles pour empêcher que quoique ce soit ne leur tombe dessus.

Il n'a jamais vu quelqu'un se battre si férocement pour lui. Charlotte est la première à l'avoir fait, et elle continue. Avant elle, personne n'avait lâché amis et membres de la famille parce qu'ils le rendaient inconfortable. Après tout, inconfortable, il l'avait été pendant presque toute sa vie.

— Surtout pas.

— Très bien. Tu le sais, je le sais. Ma mère le sait. Alors pas la peine de se faire de soucis. Et puis, si vraiment tu ne te sens pas bien, je t'enlève de cet endroit.

Son regard s'adoucit largement. Il est rempli de gratitude, d'affection. Pour Charlotte, c'est à elle de se battre et de protéger Teddy. C'est l'ordre naturel des choses. Elle a toujours eu tellement de privilèges, une position de force, qu'elle ne peut pas faire autrement. Et le voir là, lui qui a dû subir les autres pendant si longtemps, prêt à la protéger aussi, ça lui réchauffe le cœur.

En quelques minutes, ils arrivent devant une habitation, le portail en bois est ouvert, ils s'engagent dans l'allée. La maison est grande, elle fait neuve, très jolie. Teddy, contrairement à Charlotte, sait que c'est grâce à sa famille qui l'entretient bien.

Quand ils sont à la porte, Charlotte tient un saladier recouvert d'un torchon alors que Teddy a un sac en papier. Il s'écoule dix secondes entre le moment où la sonnette retentit et la porte s'ouvre.

La femme qui en sort a bien la soixantaine. Elle a des cheveux courts et gris, des lunettes roses sur le nez et des rides au coin des yeux qui témoignent de sa capacité à sourire à la vie. Son visage s'illumine comme jamais et elle ouvre ses bras.

— Mon chéri !

— Salut Maman.

Elle le serre contre elle assez longtemps pour que Charlotte envie Teddy. Quand elle finit par le laisser partir, elle prend son visage entre ses mains, et embrasse ses joues.

Tranches de RomanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant