2 - Chapitre Bonus spécial Thanksgiving

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Toutes les blessures méritent de guérir

Weston

Les mains dans les poches, je sifflote en rejoignant la cuisine. Une agréable odeur de cannelle embaume l'air. Alors que je passe la porte, je suis certain d'une chose. Si ça ne sent pas le cramé, c'est que Charlie n'est pas dans le coin. Même si elle refuse d'accepter la vérité, c'est un fait largement établi, désormais. Charlie et une poêle dans la main, ce n'est pas compatible. Elle me tuerait si elle apprenait ce que je pense de ses recettes improvisées, mais c'est comme ça que je l'aime. Elle n'a pas besoin d'être douée en cuisine pour que je la trouve parfaite.

— Tu viens de rater ta copine, elle vient de monter, m'indique ma mère.

Une manique dans la main, celle-ci entreprend de sortir de petits biscuits du four. J'attrape rapidement un torchon qui traîne dans le coin pour l'aider et elle me gratifie d'un de ses regards qui en dit long sur la joie qu'elle ressent à cet instant précis. Cela fait bien des années qu'elle n'avait pas fêté Thanksgiving en famille. Je crois qu'elle et moi, on avait tout simplement abandonné l'idée d'être heureux. Comme si le bonheur était réservé aux autres.

Mais cette période de nos vies est révolue.

Oui, ma mère est heureuse d'avoir été conviée à ce repas. Et encore, je pense que ce mot est trop faible. Je le vois à ses iris pétillants et aux rides qui s'étirent aux coins de ses yeux. C'est con, mais la voir comme ça suffit à me procurer tout le bonheur du monde. Ce petit bout de femme a affronté bien plus de malheurs que quiconque dans cette maison et pourtant, elle est radieuse. C'est sûrement son plus grand point commun avec Charlie. Elles font partie de ces femmes au courage inébranlable et au sourire permanent. Le genre de femme que je veux chérir et garder dans ma vie pour toujours.

— Si tu la cherches, je crois qu'elle est partie chercher de quoi changer ma pompe à insuline, me chuchote ma mère en approchant.

J'acquiesce en l'aidant à disposer les gâteaux sur une grille. Entre Charlie et ma mère, ça a collé tout de suite. Ma mère a trouvé en elle son propre reflet et Charlie, elle, a trouvé la douceur qui lui manquait dans sa propre famille. Qu'on ne se méprenne pas. J'adore les Croft et, malgré quelques incompréhensions dans le passé, Charlie aime ses parents de tout son cœur. Même s'ils n'ont jamais su mettre des mots sur leurs sentiments, la communication entre eux est nettement meilleure. C'est leur manière d'être. Les mots et les démonstrations d'amour, ce n'est pas leur truc... Contrairement à ma mère.

En tout cas, maintenant que je gagne bien ma vie en tant que joueur professionnel, j'ai pu l'aider à s'installer au nord de Seattle, dans un appartement au calme. C'est ma petite fierté. Tant que je serai là, je fais la promesse qu'elle ne manquera plus jamais de soins ou d'argent.

— Tiens, on dirait que Bill te fait signe par la fenêtre, m'indique Élisabeth, la mère de Charlie. Il te montre son râteau.

Je relève la tête pour observer mon meilleur pote dans le jardin et ma mâchoire manque de se décrocher. Oh le con!

— C'est moi ou il a osé enlever son pull ? m'étonné-je.

Sa mère rigole en secouant la tête.

— C'est déjà un miracle qu'il l'ait gardé plus d'une heure.

J'avise d'un regard écœuré mon propre pull rouge et orange, tricoté main, paraît-il. Je termine ma tâche en vitesse, puis je délaisse la cuisine pour réparer cette injustice. Si je dois porter cette horreur digne de la famille Weasley, il n'y a pas de raison que Bill y échappe. Je cours chercher à quel endroit ce con a planqué son vêtement — facile : dans son sac de sport, près de l'entrée —, puis je sors de la maison, l'air triomphant. Après quelques pas sur la pelouse humide, je me fais un plaisir de lui sauter sur le dos pour le forcer à l'enfiler. Il gesticule, se débat et finit par me faire tomber dans un tas de feuilles mortes en hurlant de rire.

Red Falcon - Plumes du WebOù les histoires vivent. Découvrez maintenant