3 - Chapitre Bonus spécial Thanksgiving

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Aimer autant qu'on le peut

Bill

Dans la vie, rien ne se passe comme on le souhaite. De nos rêves de gamins aux yeux emplis d'étoiles à nos désirs d'adulte, il y a un véritable gouffre. On a beau tout prévoir de A à Z, on a beau essayer de contrôler chaque paramètre de notre vie, il y a des choses sur lesquelles on n'a aucun pouvoir. Plus jeune, j'étais persuadé que tout était possible. Et maintenant ? Maintenant, je crois que j'ai grandi, tout simplement. J'ai toujours pensé que je décidais de mon existence et comprendre que ça n'a jamais été le cas, ça fait mal.

Je crois que je ne m'y ferai jamais.

— À quoi tu penses ? me demande Emma, assise en tailleur dans le canapé face au mien.

Je pousse un soupir discret en relevant la tête vers elle. Dire la vérité à une enfant en ce jour censé être le meilleur de l'année, ce serait cruel. Alors, je fais ce qu'il faut. Je lui mens.

— Je pense à la pluie.

— Moi, j'aime pas la pluie, se lamente-t-elle. Weston dit qu'il y a une chance qu'il neige ce soir, tu crois que c'est possible ?

Je tourne la tête en direction de la fenêtre. Le soleil se couche à peine et le ciel a encore cette douce teinte orangée que Manille aimait tant. Je réfléchis un moment. Que répondre à ça ? On est en automne. Même si la température baisse de quelques degrés avec la tombée de la nuit, les chances qu'il fasse assez froid pour que l'apparition de flocons soit possible sont quasi nulles. Est-ce que je dois lui dire la vérité pour autant, quitte à briser ses espoirs ? Moi, si j'avais eu le choix, j'aurais préféré qu'on me mente. Qu'on m'assure que tout ira bien. Tout le temps.

Après tout, mieux vaut un beau mensonge bien emballé plutôt que la vérité crue, non?

— Peut-être, déclaré-je finalement pour ne pas la décevoir. On verra bien.

Je m'enfonce dans le fauteuil avant de fermer les paupières durant quelques secondes. Mille pensées tournent en boucle dans mon crâne au point de me filer la migraine. Je ne pensais pas que me forcer à sourire me pomperait autant d'énergie. Je profite du calme qui s'est installé dans la pièce pour tenter de me détendre un peu, puis je rouvre les yeux. C'est louche. Emma n'est plus là. De ma famille à Weston, sans oublier Frank, personne n'a voulu me laisser seul plus d'une minute, aujourd'hui. Je sens qu'il se trame quelque chose.

Est-ce que je vais aller vérifier pour autant ? Sûrement pas. Quelqu'un finira bien par revenir dans le salon à un moment donné. Et puis, West ne traîne jamais loin. Il s'inquiète trop pour moi.

Au moment où cette pensée me traverse l'esprit, sa tronche de cake apparaît dans l'entrebâillement de la porte. Qu'est-ce que je disais ? Il sait toujours où me trouver, et surtout quand me trouver. C'est ça, avoir un meilleur ami. Je serai toujours là pour ce crétin et l'inverse est aussi vrai. Dans les plus beaux matchs, comme dans les pires parties de cartes. Même s'il faut tricher, même si on s'engueule. Il est le meilleur partenaire qui soit. Celui qui sait déchiffrer mes silences quand celle qui le faisait auparavant n'est plus là.

— Ne m'oblige pas à te botter le cul, me menace-t-il, à peine entré dans la pièce.

— Qu'est-ce que tu veux, Wesfion ?

— Que tu bouges de ce canapé, Billy Boy. Ça fait plus d'une heure que t'es prostré là-dedans.

— Qu'est-ce que t'as ? T'es jaloux ?

— Et pas qu'un peu. J'essaie de fuir ton père. Il est tout le temps sur mon dos.

Il se laisse tomber sur le pouf près de moi avant de m'adresser un regard amusé.

Red Falcon - Plumes du WebOù les histoires vivent. Découvrez maintenant