8 : De Retour

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Mon réveille sonne. Je me lève et m'habille directement. Je descends prendre mon petit déjeuner. Mes parents ne sont pas là. Ils sont déjà partis travailler.

Dès que je finis de manger, je remonte pour brosser mes dents et mes cheveux.

Je prends mon téléphone et hésite à l'allumer. Je ne veux pas voir d'autres notifications sur Instagram. Je ne veux pas voir qu'ils ont continué de me critiquer.

Je l'allume et regarde quand même les notifications. Comme hier soir, une partie de moi veut rester dans le déni alors que l'autre veut savoir.

Plusieurs personnes m'ont mentionné dans des commentaires. Je ne les lirai pas. Pas ce matin, juste avant d'aller au lycée. Je les lirai ce soir. Je regarde les autres. J'ai été mentionné dans des postes. Eux aussi, je les regarderai ce soir. Dès que j'ai fini de regarder les notifications, je retourne sur la page d'accueil. J'ai eu de nouveaux abandonné. Pleins. Tout ça à cause d'un poste. Un élève du lycée a dit que je posterai sûrement la photo de mon magnifique make-up alors tout le monde veut le voir. Pour être sûr de ne pas louper cette photo, ils se sont tous abonné à moi. Je n'ai pas de photo de mon « magnifique make-up ». Je ne sais même pas à quoi il ressemblait. Et honnêtement, je n'ai pas envie de savoir.

J'ai quand même eu de la chance, personne n'a eu le temps de sortir son téléphone et de prendre de photo. Personne n'a de preuve. Personne ne publiera ma tête avec un horrible maquillage. Même si je reçois des critiques pour m'être maquillée comme « une pute », il n'y a pas de photos de moi qui circulent sur internet. C'est le plus important.

Je regarde l'heure. Sept heures. Je me lève, descends et me prépare à aller au lycée. Je n'en ai pas envie. Je pense que personne n'en a envie. Mais les autres, ce n'est pas pour la même raison. Ils ne veulent pas travailler. Ils préfèreraient pouvoir continuer à regarder des TikToks toute la journée et critiquer les personnes qu'ils ont décidé de ne pas aimer à cause d'une chose « différente » chez eux.

Je mets ma veste, mon sac sur mon épaule et je sors de chez moi. Je n'aime pas plus ma maison que le lycée. Lycée = harcèlement. Maison = racisme et homophobie. Dans tous les cas, je dois subir des insultes – même si chez moi, elles ne me sont pas destinées.

Je marche dans la nuit froide, les mains dans les poches, ma musique habituelle dans les oreilles. Comment pourrai-je vivre sans la musique ? Je ne comprends pas comment certaines personnes peuvent ne pas aimer la musique. Je veux dire, OK, tout le monde à ses propres goûts et je respecte ça. Mais je ne comprends quand même pas.

Lorsque j'arrive à l'arrêt, je ne m'attendais pas à voir Sola. Elle est assise sur le banc qui est habituellement occupé par moi. En me voyant arrivée, elle me fait de la place et me fait signe de m'asseoir. C'est ce que je fais.

- Salut, me dit-elle.

Je lui réponds. Elle me demande comment ça va. Je mens. Je ne vais pas lui dire que j'ai peur d'aller au lycée mais que je ne veux pas rester chez moi parce que j'ai aussi peur. J'ai envie de trouver ma place. Trouver un endroit où les gens acceptent tout le monde. Où nous sommes tous égaux, malgré les différences que nous avons.

- Je ne savais pas que tu prenais le bus à cet arrêt, dis-je.

- Tu ne m'as pas vu avant-hier ?

Non et ça ne m'étonne pas tant que ça. L'arrêt de bus est à côté de la banque. J'ai l'habitude d'attendre le bus sur les bancs qui sont devant la banque. Je ne vois donc pas les autres étudiants mais je peux voir la route – donc le bus arrivé.

- Tu es maligne, tu le sais ?

Je regarde Sola. Moi ? Maligne ?

- Pourquoi tu dis ça ?

- Tu attends le bus assise. Il y a d'autres bancs sur lesquels les autres pourraient attendre, mais ils ne le font pas. Soit ils ne les ont pas vu, soit ils n'y ont pas pensé. Ils sont cons de ne pas y penser. Ils pourraient attendre le bus assis, sans même prendre le risque de le louper.

Sa voix est calme. J'aime vraiment Sola.

On continue de parler, jusqu'à ce que le bus arrive. Je monte en première et m'installe à ma place habituelle, coté fenêtre. Sola s'assoit à côté de moi. Je ne m'y attendais pas. Je prends mon sac sur mes genoux pour lui faire de la place. Elle s'installe.

Le bus démarre et on continue de parler. Lorsqu'il s'arrête à l'arrêt de Tiffany et de ses copines, mon ventre me fait mal.

J'ai peur.

Je les vois monté dans le bus et s'installer derrière moi et Sola.

- Constance, ma chérie, je m'excuse pour ce que j'ai fait mardi.

Tiffany vient de prononcer ces mots. Elle s'excuse ? Vraiment ? Elle est sérieuse ? C'est impossible. Elle ne peut pas être sincère.

- Bon, alors, je vais te récapituler ce qui s'est passé mercredi, ma chérie. Alors...

Elle parle, mais je ne l'écoute pas. Je savais qu'elle n'était pas sincère. Après s'être excusée pour faire bonne impression, elle parle directement de sa vie. Sa petite vie parfaite. La vie que tout le monde voudrait. La vie dans laquelle tout le monde t'aime. Celle où tout le monde veut être ami avec toi, veut te connaitre. Celle où tout le monde est gentil avec toi et pas méchant.

Le bus arrive au lycée. Je suis sûre que Sola doit voir le magnifique sourire sur mes lèvres et pense que je suis super heureuse de retourner dans cet enfer !

J'ai envie de mourir.

Je sors du bus avec Sola. J'ai à peine posé un pied hors du bus que je les entends tous.

« C'est elle qui s'est maquillée comme une pute ? », « Il paraît qu'elle aurait envoyé un nude à un mec populaire avec ce maquillage ! », « J'y crois pas ! La pute Constance, en chair et en os ! »

Je veux partir. J'étouffe. J'entends tout. Toutes leurs insultes. Tous ces rires moqueurs que j'ai déjà entendu un millions de fois. Tous ces doigts me montrant.

Sola pose sa main sur mon épaule. Je sais qu'elle est là, avec moi. Je sais qu'elle me soutient. Je sais qu'elle m'apprécie alors que tout le monde me hait.

Je le sais. Je le sais très bien. Mais j'ai toujours peur. Même si Sola est ici, avec moi, j'ai peur.

Les battements de mon cœur sont rapides. Je pris pour ne pas encore faire de crise de panique. Pas devant tous ces lycéens. Je ne veux pas qu'ils pensent que je suis faible. Même si je le suis, je ne veux pas le leur montrer. Je ne peux pas me le permettre. Je ne veux pas. Je ne peux pas. Je dois garder la tête haute devant eux, même si mon cœur se brise en mille éclats à chaque fois que je les entends.

Sleepless Night, Dark ThoughtsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant