16 : Renvoyer !

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Les cours reprennent. J'ai hâte de finir cette journée.

Je me range avec Sola en attendant la prof. On ne parle pas. Sola et moi ne parlons jamais beaucoup. Mais restées silencieuses ne nous gêne pas. Cela ne nous empêche pas d'être amie.

Le prof d'anglais arrive. Il me sourit.

- Ça va mieux, à ce que je vois ! s'exclame-t-il.

Non. Rien ne va mieux. Ma vie est toujours autant un enfer. Mais je ne lui dirai rien. Je dois garder ça pour moi. Personne ne doit savoir.

Je hoche la tête.

Il me fait signe d'avancer alors, on le suit avec Sola. La classe nous suit.

On arrive devant la classe et on entre dans la salle. Je m'installe à ma place, à côté de Sola.

Le prof nous salue, nous autorise à nous s'asseoir et nous demande de sortir nos affaires de notre sac. Ensuite, il nous pose des questions sur le dernier cours. En tant qu'élève douée en anglais, je lève la main à chacune de ses questions pour y répondre.

- Tu t'es déjà tapée Axel, ça te suffit pas ? souffle un garçon derrière moi.

- Je suis d'accord. Tu veux sucer le prof en plus ? interroge une fille.

- Grosse suceuse !

- Sale pute !

Mon ventre me fait mal. Je ne me sens pas bien.

Je continue de les entende m'insulter de tous les noms possible. Pouf, salope, connasse, pute, suceuse, pétasse, poufiasse. Ils disent d'autres choses aussi. « Trouve-toi un sugar daddy au lieu de sucer les mecs du lycée ! », « Tu veux te taper ton père tant que t'y es ? » Que des insultes et des conneries.

Je prie intérieurement pour que M. Baxter – le prof d'anglais – les remarques. Qu'il les engueule. Qu'il me défende. Que tout ça s'arrête. S'arrête enfin. S'arrête pour de bon.

Il ne remarque rien. Il continue le cours sans les entendre. Ou alors il les ignore – comme tous les autres profs.

Je ne sais pas.

Je continue de les entendre. Ils continuent de m'insulter. De me faire du mal. De me faire souffrir. Ils m'attaquent sur tout. Mes cheveux, mon poids, ma mentalité, mes notes, ce que « j'ai fait » à Axel. Tout. Ils ne m'épargnent pas. Je reçois toutes les insultes possibles et inimaginables.

Les larmes me montent aux yeux. Je n'en peux plus. J'aimerai être chez moi. J'aimerai leur répondre, pleurer, crier, hurler, mourir. Tout, mais ne plus les entendre. Ne plus vivre cela à longueur de journée. Ne plus souffrir. Pouvoir vivre comme je le souhaite. Pouvoir vivre sans me demander ce qu'il ne va pas chez moi. Alors que le vrai problème vient d'eux. Je sais que je n'ai rien fait de mal. Mais je ne peux pas arrêter de me demander comment je pourrai changer pour leur plaire.

Si je change, est-ce qu'ils m'aimeront enfin ? Est-ce qu'ils arrêteront enfin ? Est-ce que je pourrai enfin être heureuse ?

***

Le dernier cours de la journée est enfin arrivé : SVT. Je crois que c'est l'une de seule matière dans laquelle la prof remarque ce qui ce passe réellement en classe. Lorsqu'elle les voit parler, rire, me critiquer, elle les engueule. Ce n'est pas une prof sévère qui engueule n'importe qui. Non. Elle engueule seulement ceux qui me critiquent en classe. J'avoue, ça fait à peu près toute la classe.

J'arrive dans la classe. Les autres me regardent puis sourient.

Mme Lin – la prof d'SVT – arrive avec ses magnifiques cheveux blonds bouclés. J'aimerai tellement avoir les même. Tout le monde les admire dans le lycée.

- Bonjour, nous salue-t-elle.

Nous nous asseyons et je peux déjà entendre les étudiants derrière moi commencer à me critiquer et m'insulter. J'essaie de les ignorer. Comme toujours.

Je n'y arrive pas. Je ne me concentre même plus sur le cours tellement je suis concentrée sur ce qu'ils disent sur moi.

La prof doit le remarquer car elle se met à gueuler.

- Ça suffit maintenant ! J'en ai plein le dos, moi ! et Constance, sûrement aussi ! Dans le bureau du directeur maintenant !

- Mais on a rien fait, madame ! se défend un élève.

- Oui, vous n'avez rien fait. J'ai bien remarqué que depuis la rentrée vous n'arrêtiez pas de la harceler, la pauvre ! Et je pense que vous ne le faites pas que dans mon cours. J'en ai déjà parlé au directeur, il vous attend dans son bureau.

Elle leur sourit.

Les élèves derrière moi se lèvent en m'insultant discrètement.

- Prenez vos affaires aussi, ajoute Mme Lin. Cela fait déjà trois mois que ça dure. Je pense que vous pouvez être sûr d'être renvoyer, même temporairement.

Toute la classe s'exclame en même temps. Ils vont être renvoyés ? Sérieux ? Mme Lin avait remarqué mon mal-être depuis tout ce temps ? Elle avait prévu son coup. Elle savait qu'ils continueraient donc elle en a parlé au directeur.

- Madame, c'est pas de leur faute ! C'est Constance qui les appelle, je l'entends de là où je suis tellement elle est pas discrète.

L'élève qui vient de parler s'est tournée vers moi.

- Tu veux les rejoindre dans le bureau du directeur ? demande Mme Lin en s'approchant d'elle.

L'élève à un mouvement de recul.

- Non... marmonne-t-elle.

- Très bien, répond la prof en se reculant avec un sourire. Bien, si personne d'autre ne veut me prendre pour une quiche, continuons le cours.

Comment veut-elle que je puisse écouter son cours tranquillement ? Les élèves ont arrêté de m'insulter, maintenant, certes. Je sais qu'ils vont continuer dans les autres cours. Je suis soulagée que ceux qui m'embêtaient le plus soient partis. Mais maintenant, je sais que je me suis mise les autres à dos involontairement. Je sais que Mme Lin pensait bien faire – et d'un côté c'est le cas. Mais de l'autre, cela ne s'arrêtera jamais vraiment. Il y en aura toujours pour continuer le travail des autres.

Toujours pour insulter et briser encore plus.

Sleepless Night, Dark ThoughtsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant