Henri avait rendez-vous devant l'un des immeubles avec une certaine madame Anderson.
L'adresse lui avait été envoyée par la poste via une lettre manuscrite, indiquant également le nom de cette inconnue. Il se rendit donc au point de rendez-vous comme convenu.
Traversant plusieurs rues, il se rendit compte qu'elles étaient toutes les mêmes. Mêmes immeubles, mêmes couleurs, et toutes extrêmement récentes. Il se demandait comment une ville qui datait de l'époque du Moyen-Âge, pouvait bien paraître aussi neuve et intacte. Comme si tout avait été construit l'année dernière.
Une fois arrivé devant l'adresse de son rendez-vous, Henri découvrit la première différence marquante depuis qu'il était arrivé dans la ville. Un petit drapeau français, accroché sur la porte principale de l'immeuble. Sûrement pour indiquer son lieu de domicile.
Il ne trouva cela pas très sympathique de l'afficher de cette manière. Il aurait préféré être tranquille et ne pas avoir à porter la différence sur ces épaules.
Henri comprit donc qu'il ne pourrait certainement pas séjourner en paix ces dix prochains jours.
Lorsqu'il arriva devant la belle porte en bois toute neuve et fraichement repeinte, il n'hésita pas, cette fois, et frappa de trois coups.
Mais aucune réponse ne lui parvint. Peut-être avait-il manqué l'heure de son rendez-vous ? Pourtant, sa montre affichait bien dix-sept heures pile, comme l'avait indiqué sa lettre.
Henri avait l'habitude de parfaitement s'organiser afin d'être à l'heure et de respecter le temps imparti. D'autant plus qu'il s'agissait d'un rendez-vous prévu par ses hôtes.
Après plusieurs minutes, il commença à s'impatienter. Le froid de l'automne se faisait sentir malgré ses vêtements chauds, et la lumière du soleil commençait à laisser place au halo blanc de la lune. La nuit était sur le point de tomber.
Le vent se leva, comme annonciateur d'une mauvaise nouvelle. Henri regardait les gens rentrer chez eux, le dévisageant une dernière fois, avant de fermer leurs portes à doubles tours.
Quand les derniers rayons de soleil traversèrent le ciel, un homme la quarantaine passée, arriva vers le jeune médecin.
- Vous êtes le docteur ? Demanda l'homme d'une voix douce.
- C'est bien moi. J'attends une femme qui devait m'aider à mon installation.
L'homme ne répondit pas. Il bouscula Henri et se hâta d'ouvrir la porte de l'immeuble avec une de ses nombreuses clés. Il tira ensuite Henri à l'intérieur par la manche de son manteau, puis referma la lourde porte derrière lui.
- Veuillez pardonner mon inhospitalité, commença-t-il en enlevant son chapeau. La nuit n'est pas des plus accueillante par ici.
- C'est ce que j'ai cru comprendre par la lettre qui m'a été envoyée. Répondit Henri.
L'homme indiqua ensuite les escaliers au fond d'un petit couloir, et ils montèrent tous les deux trois étages, avant d'arriver à une petite porte en bois sombre.
- C'est ici que vous séjournerez, dit l'homme en enfilant ses clés dans la serrure. C'est sommaire, mais pour dix petits jours, cela devrait suffire.
Henri tenta au mieux de cacher sa déception. La fameuse hospitalité anglaise venait de prendre un grand coup.
L'appartement, ou plutôt la chambre, était composé d'une seule et même pièce. A droite, proche de la seule fenêtre, un lit une place à côté d'un lavabo. A gauche, un espace salle de bain composé d'une petite douche et d'une toilette.
C'était effectivement très sommaire, et le jeune médecin compris rapidement qu'il n'allait pas pouvoir cuisiner quoique ce soit.
Il mourait de faim, mais il n'avait plus la force de sortir dans un restaurant.
- Vos plats vous seront amenés par ma femme, ce soir je m'en occuperais moi-même exceptionnellement.
Il sortit quelque chose de derrière son dos. Un vieux sac de pomme de terre, qui dénotait totalement avec le « luxe » qu'instaurait la ville. Il mit son bras tout au fond du vieux cabas et tendit une vieille gamelle fermée à Henri.
- Du poridge ! Dit-il fièrement. Pas le grand luxe, mais les réserves se font plus rares par les temps qui courent.
Les temps qui courent. Henri avait l'impression d'entendre son père lui assenant cette phrase car il n'avait pas les moyens de leur offrir plus que des pommes de terre au dîner. Il ne lui en avait jamais voulu. La Guerre battait son plein à cette époque, et il était rare de pouvoir se mettre un morceau de viande sous la dent. Henri avait appris à vivre à la dure, même si ces dernières années, ses goûts avaient évolués.
Henri remercia l'homme et déposa son repas sur le lit. Il se retourna, et découvrit son hôte sur le pas de la porte, l'air grave. Il fronçait les sourcils, sûrement était-il en train de réfléchir.
- A quoi pensez-vous ? Demanda le jeune homme.
Il n'était pas diplômé en psychiatrie, mais avait appris l'empathie. Un sentiment qui lui était très cher. L'empathie était, à ses yeux, le meilleur outil d'un médecin.
- Vous allez nous sauvez ? Répondit l'homme.
Henri sentit du désespoir dans sa voix. Il savait que la situation de cette ville était préoccupante, mais il ne s'attendait pas à ce qu'il doive sauver qui que ce soit.
- Eh bien, Monsieur ?
- Anderson.
- Monsieur Anderson, je vais faire de mon mieux pour vous apporter mon aide.
Anderson n'était pas satisfait de sa réponse. Il en voulait plus. Il aurait aimé savoir que le médecin était la réponse à tous leurs problèmes, comme une sorte de messie, venu pour changer le cours de l'histoire.
- Je ne sais pas vraiment quel est le problème pour le moment, mais je vous promets que je ne partirai pas d'ici tant que la situation ne changera pas.
- Vous êtes empli d'espoir face au désespoir jeune homme. A votre place je lirai ces documents avant de me lancer dans de beaux discours. Dit-il en pointant les papiers qu'Henri avait ranger dans sa valise.
Une réponse des plus cinglantes. Henri ne savait pas vraiment quoi répondre à cela. Il avait rencontré trois personnes dans cette ville, et aucunes d'elle n'avait su être amical du début jusqu'à la fin. Qu'est-ce que ces habitants avaient contre la nouveauté. Une peur du changement ? Pourtant leur ville paraît des plus ressentent.
Monsieur Anderson fit quelques pas en direction d'Henri, et se posta juste en face de ce dernier.
- Vous n'auriez jamais dû poser un pied ici. Malheureusement, votre départ risque d'être très fortement retardé.
Un frisson parcouru le corps du jeune médecin. Que voulait dire cette menace ? Avait-il quelque chose à craindre de ces citadins ?
Anderson ne resta pas plus longtemps. Il indiqua juste son appartement, situé au deuxième étage du même immeuble. Puis, Henri se retrouva seul dans sa chambre vide et grise.
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Bienvenue à Sandlander
HorrorLe docteur Henri de Fabreuille, nouvellement diplômé, reçoit une lettre de convocation pour une mission exceptionnelle. Perdue au milieu des terres Anglaise, la petite ville de Sandlander attend paisiblement l'arrivée d'une âme égarée. C'est pourta...