Henri n'avait pas le moral. Le temps n'aidait bien évidemment pas, mais il y avait autre chose. Une ambiance, un sentiment de malaise. Il n'était pas à sa place. Aucuns choix ne lui avaient été laissé, il n'avait pas trouvé de poste dans son domaine, alors s'il voulait un peu d'argent à envoyer à sa famille, il n'avait pas eu le choix que de se lancer dans une mission sans objectif précis.
On lui avait simplement donné une adresse et le nombre de jours que cela prendrait. Dix. Dix jours pour un salaire équivalent à celui d'un mois. La bonne affaire. Mais il ne pensait pas ressentir le mal du pays si rapidement.
Ce n'était d'ailleurs pas uniquement le mal du pays qui le frappait, mais également le mal des gens. Jamais il n'avait été aussi mal accueilli qu'ici. Mais il espérait trouver une petite place dans quelques jours.
Après avoir rapidement avaler son poridge froid, il décida de lire les documents que lui avait fourni le Maire. Se plonger dans quelque chose d'autre que son moral lui ferait sans doute du bien.
Plusieurs pages de journaux étaient assemblées. Il y avait également quelques lettres manuscrites, mais aucunes signatures. On ne savait donc pas d'où elles provenaient.
« Une jeune fille retrouvée morte dans la rivière de Sandlander »
Voilà qui commençait bien. Henri avait l'habitude de travailler avec les vivants, pas les morts. Mais en continuant sa lecture, il se rendit bien vite compte qu'il n'allait sûrement pas devoir s'occuper de patients atteint d'une simple quinte de toux.
Des morts, et par dizaines, retrouvés partout aux alentours de la ville. Depuis le début des années 1800, des citoyens disparaissaient, ou étaient retrouvés morts, leurs cadavres mutilés.
Henri n'y comprenait rien. Il ne savait pas ce qui l'amenait ici. Jamais il n'avait fait face à des meurtres. Il n'était ni policier, ni enquêteur ni croque-mort. Pourtant, il se retrouvait là, à lire des dizaines d'affaires des plus glacantes qu'il ait pu connaître.
L'une d'entre elle attira son attention. Elle datait de la semaine dernière, avant qu'il ait reçu sa lettre de convocation.
Un homme, âgé, probablement un mendiant, avait été retrouvé près de la cordonnerie de la ville. Les mains et le pieds arrachés, il était mort des suites de ses blessures. Personne n'avait entendu de bruit ou de cri. On l'avait juste retrouvé là, au matin, gisant à terre.
Mais un détail clochait, il n'y avait aucunes traces de sang. Pas même de la victime. Pourtant il était bien mort des suites d'une perte de sang. Mais tout avait été nettoyé pour ne laisser aucune tâche. Un travail parfait pour tous les tueurs. Il était humainement impossible de mourir en saignant, et n'avoir aucuns restes derrière. On ne parlait pas là d'un simple crime, mais de quelque chose de totalement différent. De l'ordre de l'étrange.
Henri ne se sentit pas mieux, comme il l'aurait souhaité. On l'avait fait venir pour des meurtres à répétitions. Pas pour soigner ni aider les gens, mais pour résoudre des histoires de meurtres. Il se demanda pourquoi aucuns enquêteurs n'avaient été mis sur ces affaires. Pourquoi la région ne s'était pas inquiétée de ces histoires, pourquoi même tout le pays ne s'est pas demandé ce qui pouvait bien se passer à Sandlander.
A peine eut-il le temps de répondre à ces questions, qu'un long sifflement venant de l'extérieur traversa la seule fenêtre de la chambre. Henri se leva du lit, et accouru vers les carreaux. Il regarda dehors, mais ne vit rien. Pourtant il le savait, quelque chose trainait là, caché dans l'ombre des réverbères.
On toqua à la porte. Trois coups secs et précis.
- Monsieur Anderson ? Demanda Henri.
Aucunes réponses.
Il était hors de question qu'il s'approche de cette porte, et encore moins qu'il l'ouvre. Si un tueur en série rôdait dans les rues de cette ville, il n'allait pas prendre le risque de s'exposer aussi facilement.
Des pas se firent entendre, trop faibles pour la corpulence de monsieur Anderson. Mais qui d'autre que lui connaissait l'appartement dans lequel Henri séjournait ? Il y avait bien le drapeau à l'extérieur, mais l'étage n'était pourtant pas indiqué.
Henri avança pas à pas jusqu'à la porte. Il colla son oreille contre le bois, et entendit quelque chose. Un faible chuchotement. Deux personnes discutaient entre elles. Un homme et une femme. Il crut reconnaître la voix de monsieur Anderson.
Il ouvrit la porte et glissa sa tête dans l'entrebâillement.
A l'étage du dessous, monsieur Anderson agitait ses bras dans tous les sens, s'agaçant de quelque chose. Il avait l'air en colère. En face de lui, une femme. A peu près son âge, les cheveux coiffés en chignon.
- Il devrait déjà être dehors à cette heure-ci. Qu'est-ce que tu fais ? Demanda la femme, sûrement madame Anderson.
L'homme s'exprimait mal. Il parlait une langue qu'Henri ne comprenait pas. Agitant ses bras dans tous les sens. Une seule chose était claire, il était en colère.
Dans son élan, les yeux d'Anderson tombèrent sur le visage d'Henri. Il arrêta immédiatement toute sa comédie, et son visage changea du tout au tout, passant d'une colère noire, à un petit sourire amical.
- Docteur, vous ne dormez pas ? Nous ne voulions pas vous dérangez, veuillez-nous excuser.
La femme ne dit pas un mot. Elle partit en vitesse dans son appartement et referma la porte derrière elle.
- J'ai entendu toquer. Ce n'était pas vous ? Demanda Henri.
Anderson prit quelques minutes avant de répondre. Ses poings se serrèrent, il réfléchissait à sa réponse.
- Non... Non, non, ce n'était pas moi. Mais vous savez, le bois craque, il date.
- Pourtant tout m'a l'air parfaitement neuf ici. Répondit Henri.
Il savait que cela constituait un affront. Il venait de se mettre dans une situation délicate.
- Bonne nuit docteur. Dit sèchement Anderson.
Sur ces mots, il se retourna et rentra chez lui.
Henri referma la porte à double tour et se cacha sous ses draps. Il avait l'impression d'être un enfant qui avait peur du noir. Mais là, à cet instant, il aurait aimé être un simple enfant ayant peur du noir. Sauf que cette fois, tapis dans l'ombre, un réel danger se cachait. Quelqu'un le surveillait, ou peut-être quelque chose.
Une chose était sure, il n'était pas le bienvenu à Sandlander.
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Bienvenue à Sandlander
TerrorLe docteur Henri de Fabreuille, nouvellement diplômé, reçoit une lettre de convocation pour une mission exceptionnelle. Perdue au milieu des terres Anglaise, la petite ville de Sandlander attend paisiblement l'arrivée d'une âme égarée. C'est pourta...