LA CHAMBRE BLEUE

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Le lendemain, Lana se lève déterminée et arrête le premier villageois qu'elle croise pour lui demander le chemin qui mène chez Anna. Ce dernier esquisse un grand sourire et lui offre même son aide pour l'accompagner. Lana se montre reconnaissante, mais décline poliment sa proposition en expliquant qu'elle peut se débrouiller et préfère marcher seule jusqu'à la maison.

Après une nuit de réflexion, elle a tracé une stratégie. Parler avec Anna pourrait éclairer certains mystères autour de Zac. En tant qu'ancienne psychologue, elle a sûrement eu des conversations approfondies avec lui sur son passé et espère que cette discussion apportera enfin des éclaircissements.

La maison d'Anna et Tommy dégage une atmosphère chaleureuse. Située légèrement à l'écart des autres, elle est entourée d'arbres verdoyants qui veillent sur elle. Des fleurs colorées s'épanouissent le long du chemin qui mène à la porte d'entrée.

Le stress prend le pas sur tout autre sentiment. Son cœur bat la chamade tandis qu'elle attend. Lorsque celle-ci s'ouvre enfin, c'est Anna qui apparaît visiblement surprise de voir quelqu'un si tôt le matin. Elle n'imaginait probablement pas une visite aussi matinale.

– Lana ! Quelle surprise ! Entre, je t'en prie !

Anna referme la porte derrière elles et demande :
– Que puis-je faire pour toi ce matin ?

Lana prend une profonde inspiration et commence à parler :
–Jane m'a dit que tu pourrais m'aider...

Anna hoche la tête, visiblement curieuse, mais sans comprendre totalement où elle veut en venir. Lana continue : "
– En fait, je ressens le besoin de parler avec quelqu'un, de partager des choses que je n'arrive pas vraiment à comprendre...

L'expression d'Anna se fait plus compréhensive alors qu'elle réalise ce que Lana attend.
– Tu veux parler de ce qui te tracasse, c'est ça ?

Lana acquiesce doucement.
– Oui, en quelque sorte. Je suppose que j'ai besoin de parler avec quelqu'un en qui je peux avoir confiance, sans peur d'être jugée.

– Eh bien, tu as frappé à la bonne porte. Je ne suis peut-être plus psychologue, mais je suis toujours une amie. Si tu as besoin de parler, je suis là pour t'écouter.

Bien sûr, elle n'a aucune intention de parler de son propre passé, surtout avec quelqu'un qu'elle ne connaît que très peu. Mais elle force un sourire et suit Anna jusqu'à la porte qu'elle lui indique. En entrant, Lana découvre une pièce bleue, équipée seulement d'un bureau et deux chaises.

En observant attentivement, elle se met à réfléchir. Pourquoi Anna aurait-elle une pièce de ce genre chez elle si elle ne travaille plus ? C'est étrange, se dit-elle. Mais secoue la tête pour chasser cette pensée et choisit une chaise et s'y installe, prête à entamer cette discussion avec Anna, même si une part d'elle reste réservée et méfiante.

Après une brève absence, Anna revient dans la pièce avec deux tasses de thé. Alors qu'elle s'assoit en face de Lana et place la tasse sur la table, elle fixe intensément sa patiente avec un sourire, tandis qu'elle remue la cuillère dans sa tasse, beaucoup trop longtemps pour paraître naturel et brise enfin le silence : "Très bien, je t'écoute... qu'est-ce qui se passe ?" Lana réfléchit longuement. Ça fait un moment qu'elle ne s'est pas sentie aussi vulnérable. Pourtant, c'est une simple question. Mais à cet instant précis, elle tente de retenir ses larmes, sentant l'émotion monter en elle.

À une époque, pas si éloignée d'ailleurs, elle aurait adoré partager les détails de sa vie avec enthousiasme. Aujourd'hui, tout est différent.

Elle essaie de garder le sourire et répond :
– Je ne sais pas trop à vrai dire...

Son attention est attirée par un léger bruit, comme si quelqu'un frappait doucement pour attirer son attention. Elle se tourne vers Anna et lui demande si elle a entendu, mais la réponse est négative. Malgré tout, Lana est persuadée qu'elle n'a pas imaginé ce son. Une sensation étrange la parcourt, comme si quelqu'un ou quelque chose était là, à l'observer.

Elle continue à fixer le plafond, captivée par cette étrange sensation. Cependant, son attention est brusquement ramenée à Anna lorsque celle-ci lui pose une question inattendue : "Parle-moi de Henri."

Les mots résonnent dans l'air, incertaine d'avoir bien entendu ou si sa propre confusion l'a fait halluciner cette question. Mais elle réalise que cette question a été bel et bien posée. Pourtant, elle n'a pas le souvenir d'avoir évoqué Henri avec elle, ni même d'avoir mentionné son nom.

Voilà que, devant ses yeux, une scène du passé se matérialise.

Assise seule dans un café, elle sent son cœur battre rapidement, son regard anxieux fixé sur la porte. L'attente est interminable tandis qu'elle guette l'arrivée d'Henri. Leur rendez-vous est prévu depuis longtemps, mais aujourd'hui, il est en retard.

Le téléphone sonne enfin et son visage s'illumine d'un sourire de soulagement en voyant le nom d'Henri s'afficher à l'écran.

Les premiers mots qu'elle entend de l'autre côté de la ligne glacent son sourire. "Lana, il faut que je te parle," dit-il d'une voix sérieuse. Quelque chose ne va pas, elle le sait.

– Henri, où es-tu ? Tu sais à quel point c'est important pour nous.

La réponse d'Henri lui coupe le souffle. Il explique qu'un imprévu au travail l'oblige à rester et qu'il ne pourra pas la rejoindre.

La déception l'envahit, laissant place à un sentiment de vide. Elle avait espéré que cette thérapie marquerait un tournant dans leur relation, une chance de reconstruire ce qui s'était fissuré. Et maintenant, voilà qu'Henri lui annonce qu'il ne sera pas là. La colère commence à monter en elle.

Elle tente de garder sa voix calme, mais les émotions prennent le dessus.

– On a pris cet engagement ensemble. Tu ne peux pas me laisser seule comme ça au dernier moment, hurle-t-elle d'une voix tremblante de frustration.

Les larmes menacent de perler au coin de ses yeux, mais elle refuse de les laisser couler. Elle se mord la lèvre pour essayer de retenir sa tristesse et sa colère. Henri s'excuse à nouveau, mais les excuses semblent vaines à cet instant.

Ses paroles sortent avec une colère qu'elle ne peut plus contenir. "Très bien, tu ne viens pas ? Alors, tu viendras à mon enterrement !" Les mots sont prononcés avec fermeté. Elle raccroche brusquement, laissant un silence pesant dans l'air.

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