LA CHAMBRE BLEUE I

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Lana sent un nœud se former dans sa gorge. Elle
n'a pas envie d'ouvrir cette porte, de parler de Henri, de dévoiler les fissures dans leur relation. Mais quelque chose dans le regard d'Anna la pousse à se questionner davantage. Pourquoi cette question maintenant ? Que sait-elle ?

Finalement, elle prend une profonde inspiration et décide de s'ouvrir un peu. "Henri... C'est mon mari. Enfin, c'était..." Les mots sortent avec hésitation, comme si elle pesait chacun d'entre eux.

Anna continue de la fixer, son regard révélant qu'elle attend plus d'explications. Elle ne sait pas jusqu'où elle peut s'ouvrir à elle, une quasi-inconnue.

– Comment vous vous êtes rencontrés ?, demande-t-elle d'une voix douce, encourageante. Prête à écouter, à comprendre.

Même si elle ne sait pas exactement où cette conversation la mènera, Lana se laisse emporter.

– À l'université. Nous faisions partie du même groupe d'amis. À l'époque, je ne m'intéressais pas vraiment à lui... Mais pour lui, c'était un coup de foudre. Enfin, c'est ce qu'il disait tout le temps.

– À quel moment as-tu remarqué qu'Henri s'intéressait à toi d'une manière différente, plus qu'amicalement ?

– Honnêtement, si ça ne tenait qu'à moi, je n'aurais peut-être jamais remarqué. Mais Henri faisait tout pour se démarquer. Il m'envoyait constamment des messages, auxquels je ne répondais pas au début... Et puis, au bout d'un moment, il a commencé à envoyer des fleurs chez moi.

– Ah... Les fleurs, c'est un classique !
– C'est vrai. Mais ce n'est pas réellement ça qui a attiré mon attention, en fait.

– Alors, qu'est-ce qui a fait la différence ?

– Peu importe à quel point j'essayais de le repousser, il continuait à montrer de l'intérêt. Il ne s'est jamais laissé décourager...

– Et tu as fini par lui laisser une chance ?
– J'ai finalement accepté de le voir pour lui faire plaisir. Au début, je dois avouer qu'il ne représentait pas grand-chose à mes yeux.

– Mais quelque chose a changé au fil du temps, n'est-ce pas ?

– Oui, quelque chose a changé...

Elle repère Henri assis à une table près de la fenêtre, et un léger sourire apparaît sur son visage lorsqu'il la voit. Lana esquisse un sourire en retour, tentant de cacher son manque d'enthousiasme. Elle se dirige vers lui avec une certaine lenteur. Henri se lève pour la saluer, et Lana se sent obligée de répondre chaleureusement. Ils échangent des salutations, et il la guide pour qu'elle s'assoie en face de lui.

Lana fait un geste de la main pour attirer l'attention d'un serveur, prête à commander quelque chose à boire. Cependant, elle est interrompue par quelqu'un qui pose une tasse devant elle. Elle sent son souffle se couper lorsque Henri prononce d'une voix posée : "Un café glacé, caramel, comme tu aimes."

Lana réplique avec légèreté : "Eh bien, tu as l'œil pour les détails." Elle prend une gorgée de son café, savourant le mélange sucré et rafraîchissant.

Henri hausse un sourcil et répond d'un ton
taquin : "Quand il s'agit de toi, je fais en sorte de ne rien manquer."

Elle décide de changer de sujet, et demande ce qu'il fait de beau en ce moment, mis à part lui envoyer des messages et des fleurs.

– Je pensais à toi.

Lana rigole, visiblement amusé en entendant ses paroles. "Arrête ça" lui dit-elle, secouant légèrement la tête. Henri baisse la voix et lui chuchote doucement : "Non, tu ne comprends pas. Il n'y a plus rien dans mon monde à part toi..."

Elle laisse échapper un nouveau rire, reconnaissant que cette réplique lui est familière. "Comme tout le monde !"

Cependant, il ne laisse pas sa remarque passer inaperçue. Son visage s'adoucit, mais son ton est d'une certaine gravité. "Je ne suis pas tout le monde."

Lana capte l'intensité de ses paroles et plonge dans ses yeux sérieux. Après un moment de silence, Henri laisse échapper : "On va se marier, es-tu au courant ?" Lana éclate de rire, une surprise teintée d'amusement dans sa voix : "Et puis quoi encore !"

– Tu verras. Je ne vais plus te laisser. Personne ne t'aimera plus que moi. Ne l'oublie jamais d'accord ?

Lana secoue légèrement la tête pour chasser ses souvenirs et se recentre sur sa discussion avec Anna.

– Henri n'était pas du tout fait pour moi. Je veux dire par là que, j'ai grandi dans une famille moderne. Je n'ai jamais eu besoin de me répéter deux fois pour obtenir quelque chose. Mais la famille d'Henri... ils étaient complètement différents de la mienne. Très attachée à leurs traditions..., assez pauvre... Enfin, mettons ça de côté. On n'avait même pas les mêmes centres d'intérêts. Par exemple, j'aime beaucoup danser, mais lui..., je crois qu'il n'a aucune passion.

Anna scrute Lana avec un regard sérieux, comme si elle cherchait à saisir l'essence de ses paroles.

– Mais au-delà de ça, Lana, pourquoi as-tu fini par accepter ? Pourquoi choisir d'être avec quelqu'un avec qui tu n'as apparemment rien en commun ?

Lana hésite, laissant les pensées flotter dans l'air. Puis, d'une voix un peu basse, elle répond :
– Je te l'ai dit, il ne lâchait pas l'affaire, même quand je disais non. Il n'abandonnait pas ! Il cédait à tous mes caprices et faisait tout ce que je lui demandais...

Anna laisse s'installer un bref silence avant de murmurer :
– Comme ta propre famille, tu veux dire ?

Lana ressent un choc en réalisant à quel point elle a touché une corde sensible. Incapable de dissimuler son étonnement, elle murmure doucement : "Oui... comme ma famille..."

Les yeux de Lana s'embuent de larmes tandis qu'elle continue à exprimer ses émotions.
– À cette époque, beaucoup d'hommes tournaient autour de moi... Mais je n'ai jamais réussi à leur faire confiance. Henri... il était comme un membre de ma famille... Quoi que je fasse... Il était toujours là pour moi.

Anna observe en silence, les pensées tourbillonnant dans sa tête. Elle se demande d'où peut bien venir ce problème de confiance si profondément enraciné chez Lana. Est-ce lié à son passé familial ? Ou peut-être à des expériences passées qui ont laissé des cicatrices invisibles ? Elle sait qu'il faudra avancer prudemment pour aborder ces sujets délicats.

L'un a recherché l'affection et l'amour, tandis que l'autre a tenté de conquérir le cœur d'une femme qui l'inspirait et qu'il croyait inaccessible. Alors, où est l'amour dans tout ça ?

– Lorsqu'il te montrait ses sentiments, tu ne répondais pas de la même manière... et maintenant, c'est l'inverse ?

Lana réfléchit un instant et acquiesce :
– Oui, sûrement... Je me suis même dit, Lana, réveille-toi, tu ne trouveras jamais quelqu'un qui t'aimera autant que lui. Même si le monde s'écroule, il ne te quittera pas... Pourtant, je me souviens, ma mère était contre, mais je ne l'avais pas écoutée.

Lana réalise ce qu'elle vient de dire. Les mots ont fait remonter des souvenirs qu'elle avait préféré oublier, des moments liés à sa mère et à son passé qu'elle aurait aimé laisser derrière elle.

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