Chapitre [7] -L'ascenseur et le placard

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Une idée me vint. Je l'exécutais une fois le plat principal livré. Je collais mon oreille contre l'ascenseur. Des portes émanait une chaleur si forte, que la cuisine de Tryphon devait être l'antichambre des enfers. Très vite, une complainte me parvint. Plus qu'un râle, des rugissements ténus, en équilibre sur la frontière poreuse entre plaisir et souffrance. Je reconnus la voix de Gwen.

Il me semblait que le métal tremblait sous mon tympan. Mais c'était moi, saisi par une excitation morbide. L'odeur des mets arrivait enfin de l'autre côté du couloir, finissant le tableau malsain d'une touche juteuse, aigre, légèrement piquante. Les borborygmes devenaient des hurlements sirupeux, crucifiaient mes sens à même le chrome.

D'un coup, l'ascenseur se mit en marche. Je courus groggy vers l'ancienne salle à manger. Un moment après, Tryphon passa la tête par l'entrebâillement. Le tatouage sur sa lèvre s'étendit, un rictus apparut. Puis, le chef continuait vers la salle. Je jetai un œil dans le couloir. Tryphon écarta le rideau avant de disparaître rejoindre les convives du soir, un groupe d'habitués auquel il rendait souvent visite lors du plat principal. J'avais cinq minutes.

Sans attendre, je me dirigeai vers l'ascenseur et appuyai sur la seule touche. La cage descendit, la chaleur monta en même temps que la voix de Gwen, toujours plus profonde.

Devant moi, un vestibule. Dans l'air, des complaintes. J'aperçus enfin la porte de la cuisine, dominante par sa taille. Je posai la main sur la poignée. L'ascenseur se mit en marche à nouveau. Tryphon revenait. Seule option de repli, un placard rempli de produits d'entretien. Je me plaçais d'un côté du meuble et l'espace d'un instant, je crus disparaître dans une autre dimension.

À la volée, un des battants s'ouvrit. Par chance, je me terrais du côté opposé. La main puissante de Tryphon apparut. Ses manches retroussées me laissaient voir pour la première fois son avant-bras. Docteure... les tatouages se baladaient sur sa peau mouvante. Les traits noirs, comme mon espoir de m'en sortir, s'étiolaient. Il saisit un balai, puis referma le meuble. Les cris de Gwen avaient cessé.

Après un soupire et quelques minutes, je remontais à la surface en nage. La prochaine fois, je descendrai pour de bon...

Chez TryphonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant