Nemo se réveille dans un endroit inconnu, le Gang Tank qui accueille des enfants à problème. Il ne sait pas comment il a atterrit ici et cherche à contacter son père pour sortir de là. Gill, le doyen du groupe saute sur cette occasion pour organiser...
Nemo poussa un hurlement avant de se réveiller en sursaut. Il était en nage, plongé dans le noir et son rythme cardiaque accéléra dangereusement, affolant les moniteurs.
"Tu es réveillé ?" questionna une voix incroyablement lointaine alors que l'individu se tenait dans l'encadrement de la porte, à quelques centimètres de lui.
La silhouette s'approcha et planta une aiguille dans son épaule, ses manches avaient été remontée plus tôt dans la journée. Nemo aurait voulu crier à nouveau ou au moins se débattre mais il papillona lourdement des paupières sans avoir le temps de réagir, sa tête tomba sur le côté et il se rendormit.
Les petits poissons, dans l'eau,
Nagent - Nagent Nagent - Nagent - Nagent
Les petits poissons, dans l'eau, Nagent aussi bien que les gros.
Les petits, les gros, Nagent comme il faut,
Les gros, les petits, Nagent bien aussi.
Les petits poissons, dans l'eau,
Nagent - Nagent Nagent - Nagent - Nagent
La lumière douce du matin passait dans l'entrebâillement des rideaux, Nemo ouvrit les yeux avant de les frotter puis il glissa sa tête sous son oreiller pour se rendormir. Les bruits étaient différents de ceux qu'il percevait dans sa petite chambre sous les combles dans la banlieue où il habitait seul avec son père, il y avait pleins de voix et quelques rires d'enfants... l'odeur aussi était anormale et les draps n'avaient pas la bonne texture.
"Je suis pas chez moi !" réalisa Nemo en se réveillant à nouveau, pour de bon, cette fois.
Intrigué, il regarda attentivement la pièce : un lit métallique avec un matelas en mousse, un mobilier étrangement blanc composé sommairement d'un lit, d'un bureau et d'une armoire, d'épais rideaux bleus avec des bulles pour égayer l'ambiance... il était dans une chambre d'hôpital, ce qui expliquait son rêve étrange. Ce n'était pas la même pièce que dans son rêve, non, son souvenir mais sans doute avait-il été bougé pendant la nuit.
Il chercha ses béquilles du regard, elles étaient posées contre la chaise, à quelques pas du lit. Il hocha sa tête et se glissa en dehors des draps, ses pieds nus sur le sol étonnamment mou frissonnèrent et il sautilla maladroitement jusqu'à atteindre ses cannes. Il n'avait pas mal à la jambe alors il n'en prit qu'une seule et comme il ne savait pas à quoi s'attendre en sortant, il décida de s'habiller convenablement avec son T-shirt blanc, un sweat-shirt à zip orange et un pantalon marron. Il avait toujours eu des difficultés à enfiler ses chaussures à scratch (qui étaient d'ailleurs la plus grande source de moquerie à l'école), son père l'aidait toujours à enfiler ses vêtements à cause de sa jambe atrophiée. Après plusieurs minutes d'une lutte acharnée, il laissa tomber et sortit clopant, une chaussure à gauche et simplement une chaussette sur l'autre jambe.
Sa chambre donnait sur une enfilade de portes fermées, Nemo lut le nom "Deb" écrit sur la porte d'en face avec le mot "Flo" rajouté au stylo-bille alors il s'approcha et frappa timidement... comme on ne lui répondait pas, il baissa la poignée mais la pièce était fermée à clef. Sur sa porte à lui, il y avait marqué "Chuckles". Visiblement, le nom de son prédécesseur. Le bruit sur sa droite l'attira mais un homme en blouse blanche l'arrêta après quelques pas.
"Tu es enfin réveillé, c'est très bien. Suis-moi."
"Euh, je..."
"Je m'appelle Philip, je suis aide-soignant." se présenta l'homme aux cheveux grisonnants. "J'ai toujours voulu être dentiste, cela dit... étrange, la vie, parfois."
"Ah, bon... mais, euh..."
"Vas-y, entre."
Ils s'étaient dirigés vers la pièce de vie d'où provenaient tous les bruits et bien que Nemo rasait les murs en tentant de se faire le plus discret possible, toutes les conversations s'arrêtèrent net et une tête curieuse passa dans le couloir.
"C'est le nouveau ! C'est le nouveau !"
"Ah, tiens, tu espionne, Astrid ? C'est nouveau..." ricana l'aide-soignant sur le ton de la plaisanterie. "Vas-y, entre, Nemo."
"Il s'appelle Nemo !!!" cria-t-elle, surexcitée.
"Je ne vois pas ce qui te fait dire ça."
Nemo était toujours muet comme une carpe, il se faufila maladroitement dans une petite pièce étroite qui s'appelait "L'infirmerie" d'après la signalétique. Philip referma la porte et lui indiqua une chaise.
"Comme tu étais inconscient lors de ton arrivée, Darla a pris le soin d'enfermer tes objets dangereux dans cette armoire, sous clef : coupe-ongle, lacets, parfum... ce genre de choses, c'est interdit."
"Parfum ?" répéta Nemo.
"On est jamais trop prudent." confirma Philip.
Peu à peu, des visages curieux s'agglutinèrent devant la vitre qui donnait directement dans le couloir : Astrid qui avait une robe avec d'affreux froufrou roses et des cheveux probablement interdits par la convention de Genève, un garçon joufflu avec des dents de lapin, une fille aux yeux écarquillés qui ne regardait ni Nemo ni Philip mais semblait saluer quelqu'un dans leur pièce, un garçon caché derrière un masque antibactérien, un autre qui portait un costard trop ajusté... ils tapotaient tous sur la vitre si bien que Nemo avait l'impression d'être un poisson dans un bocal.
"Arrêtez." dit-il.
"Messieurs-dames..." salua respectueusement Philip en fermant les volets persiennes d'un métal froid comme tout l'hôpital. "Je vais faire vite : tu as le droit de te promener librement dans le Service tant que tu honores tes ateliers et tes rendez-vous, tu n'as pas le droit de sortir, naturellement. Tu devras prendre les repas dans la salle de restauration mais tu as la possibilité de manger dans ta chambre... auquel cas, préviens l'équipe au moins 15 minutes avant l'heure, c'est la moindre politesse. Les médicaments sont obligatoires. On a pris ton téléphone portable, tu ne peux pas contacter l'extérieur pendant la première phase de la prise en charge. Tu verras le psychiatre demain. Des questions ?"
"Euh... bah... en fait..." Nemo se gratta la tête, mal à l'aise. "C'est quoi, cet endroit ?"
"Bienvenue à l'Hôpital Psychiatrique pour les jeunes : le Tank Gang."
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