LEFT HAND (FR)

Qui es-tu ?

Bien sûr, on n'a pas entendu sonner l'arrivé de mes parents. Ce n'est que quand on descend pour refaire le plein de popcorn avant d'enchaîner avec le next level, rigolant en se remémorant toutes les actions de Dwayne Johnson et les blagues de Kevin Hart, qu'on les retrouve installés dans le salon, comme s'ils y étaient depuis longtemps. Mon père dans le salon avec un journal, ma mère dans la cuisine avec un tablier. Elle sourit en nous voyant arriver, attrape une serviette de cuisine, s'essuie les mains et viens vers nous.

« Hey ! Alors, cette journée ? nous lance-t-elle souriamment. Vous avez l'air d'vous être bien amusés, tous les deux...

- Oh, oui ! Très ! affirme Claire, puis se tourne vers moi. Hein, Simon ? »

Tel un voleur pris en flag, je manque où poser les yeux, tellement je me sens coupable. Coupable de faire visiblement ressentir à mes parents qu'ils n'ont pas plus fait le nécessaire pour me revoir aussi gaie, et ça me fait perdre tout mon sourire.

Claire n'est certainement pas meilleure qu'eux. Non. Il n'y a même pas matière à comparaison. Mais, c'est vrai qu'elle s'y est prise sous un autre angle et, fait exprès ou pas, elle a réussi à marquer plus des buts que mes deux parents réunis. Toutefois, je me sens quand même coupable qu'ils aient à me revoir sourire, comme par magie, sans y être pour grand chose.

Cela dit, ça me rassure un peu de voir que le visage de ma mère est juste ravi, lumineux. Elle est souriante, s'attendant encore à ce que je dise un truc. Contrairement à mon père, qui nous regarde derrière ses lunettes depuis le salon, subtilement du haut de son journal, avec ce regard qui dit clairement : « je savais que tu finirais par resourire, petit con ! » Il ne fait vraiment aucun effort pour sembler surpris ou enthousiaste, et je m'en sens encore plus coupable.

« Euh... ouais, dis-je enfin tout bas. Denise n'est finalement pas venue alors, pour s'occuper, on a fait... un peu de tout. »

"Un peu de tout"... Ça ne sonne pas pervers, Simon ?

« La visite, le déjeuner, le ciné... On s'est bien marrés, conclus-je plus fluidement. »

J'en vois ma mère ravie, tellement ravie qu'elle tape de joie dans ses mains.

« Je suis très contente que vous vous soyez amusés ! s'extasie-t-elle. Elle est charmante, n'est-ce pas, chéri ? »

Oh, on connaît tous la réponse à cette question, Claire...

"Chéri", c'est toujours moi. Mon père n'a jamais droit qu'à "Georges". Si j'étais lui, ça me foutrait toujours en pétard... Tiens, son visage vient subitement de disparaître derrière son journal tech. Putain, on dirait vraiment qu'il m'en veut !

« Comme toi, elle soutient que Kevin Hart est bien meilleur humoriste que Dwayne Johnson, donc non, répliqué-je froidement. »

Mais elles en rient toutes les deux, et je recouvre subitement un peu de mon humeur de tout à l'heure en voyant comment ma mère est aux anges.

Me plantant seul au pied de l'escalier, Claire s'avance un peu plus vers ma mère après quelques tapes rigolotes sur mon épaule gauche.

« Ne faites pas attention à lui - il m'adore, lui dit-elle sournoisement. Cela dit, on est désolés ; on n'vous a pas entendus arriver... Vous êtes là depuis longtemps ?

- Une demie-heure, environ. On ne voulait pas vous déranger donc, j'ai attaqué la cuisine... »

Le regard fouineur de Claire erre du côté de la cuisine, derrière ma mère, essayant de voir ce qui s'y prépare. Elle renifle, hume, admire. Moi, je reconnais déjà l'odeur.