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2. ABSENT MINDED

Jamais Antonina Pozharsky ne s'était sentie aussi mal après un duel de son formateur. Ils avaient beau être éprouvants par leur violence inégalable et l'endurance dont il fallait faire preuve, cette intensité n'avait jamais atteint un tel point. Elle avait encore du mal à reprendre son souffle, alors qu'elle fixait le lavabo sur lequel elle était appuyée depuis une dizaine de minutes.

La surface en acier froid lui procurait des frissons dans tout le corps, mais elle ne s'en détachait toujours pas. Ses prunelles étaient perdues dans le fond de la vasque, là où un petit filet de sang s'échappait dans les tuyaux. La blonde leva le visage vers le miroir face à elle. Son teint pâle était tâché d'ecchymoses et de poussière. Son oeil gauche se faisait encercler par une teinte violacée et ses lèvres s'étaient entaillées pendant le combat. Nina passa la pulpe de ses doigts sur ses blessures sans oser les toucher. Elle serra les dents à l'approche de son oeil blessé.

Peut-être que son manque d'entraînement ces derniers temps avait joué sur ce combat. Ou alors le niveau de Lazar était bien plus élevé que le sien. Pourtant elle avait fini par le battre. Ou peut-être l'avait-il laissée gagner. Était-ce pour cela qu'il l'avait incité à serrer sa poigne plus fort ? La blonde n'était pas sûre de mériter sa place parmi les meilleurs de sa classe. Elle soupira et lâcha l'évier pour se recoiffer. Elle ouvrit la vanne et passa doucement de l'eau sur son visage, nettoyant le sang qui s'y était répandu et la saleté qui s'incrustait dans ses plaies. Elle referma rapidement le robinet.

La porte claqua dans son dos, et Nina redressa son buste pour voir dans le reflet de qui il s'agissait. Le visage abîmé de Lazar apparut dans son champ de vision, avec ce satané rictus amusé. Ils se fixèrent quelques secondes avant que le garçon ne se laisse tomber sur un banc du vestiaire. La jeune femme reprit son occupation sans se soucier de lui, jusqu'à ce qu'il use de ses cordes vocales pour la tirer de ses réflexions personnelles.

— Pourquoi t'étais pas là pendant un mois ?

— Ça ne te regarde pas.

— Les rumeurs se contredisent, j'aimerais juste savoir laquelle croire.

La blonde se tourna vers lui en croisant ses bras sous sa poitrine, appuyant son corps contre la vasque. Elle l'observa un instant, avachi sur le banc, le visage enflé par endroits et parsemé d'égratignures superficielles.

— Qu'est-ce qu'elles disent ? questionna-t-elle.

— Rien de très glorieux, si tu veux mon avis.

— C'est pas ma question.

Lazar esquissa un nouveau rictus amusé qui donnait à la jeune femme une envie irrépressible de l'étrangler une deuxième fois.

— Certains disent que t'étais à Bannagarðr, d'autres pensent que tu séchais les cours, et d'autres encore racontent que tu t'es faite laminée par un ivrogne et que ça t'as valu un séjour à Genezis.

— Laquelle est vraie selon toi ?

— Je n'en crois aucune.

La blonde fronça les sourcils, surprise par sa réponse. Lazar prenait toutes les occasions pour la dénigrer, cette fois ce n'était pas le cas. Le garçon passa ses deux mains sur son visage amoché puis décoiffa sa chevelure rouge. Il semblait souffrir en silence, l'expression de son minois n'était plus aussi détendue qu'à l'accoutumée.

— Tu veux bien me ramener les compresses ?

Le jeune homme désigna une boîte métallique à l'autre bout de la pièce, posée à côté d'un flacon de désinfectant. Nina orienta ses prunelles dans la direction indiquée avant de s'y déplacer d'un pas las. Elle n'avait pas foncièrement envie de l'aider, mais elle se sentait obligée de faire un petit geste. La blonde lui apporta la boîte et la bouteille et les lui tendit. Lazar posa les compresses sur le banc avant d'en sortir une pour l'imbiber d'alcool fort. Un remerciement inattendu franchit ses lèvres, ce qui surprit une fois de plus la jeune combattante.