V - 16 février 2011, 15h23.

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V - 16 février 2011, 15h23.

Les rayons du soleil, traversant les vitres de ma chambre, illuminaient et chauffaient mon visage comme une douce caresse que me faisait ma mère lorsque j'étais jeune, ce qui créa en moi une profonde nostalgie. J'attendais patiemment Sath, celle qui partageait avec moi l'exposé que nous devions faire. Cela n'allait pas être du gâteau. Je rangeais calmement mes cahiers sur mon bureau lorsque j'entendis la sonnette d'entrée retentir dans la maison. Mon père se proposa d'aller ouvrir. Suite à cela, je me levai et ouvris la porte de ma chambre pour avoir un meilleur accès aux murmures qui se passaient dans le couloir. C'était bien elle qui était arrivée, enfin. L'attendue arriva devant moi et je l'invitai à passer ma porte avant de chuchoter un « il était temps » qu'elle entendit puisqu'elle me dévisagea aussitôt. Je refermai la porte derrière nous et commença à expliquer ce qui allait se passer durant l'après-midi. 

« J'ai fait les plans, la prévins-je en lui tendant la feuille, tu as juste à suivre mes instructions et tout se passera bien. 

 - Tu vas arrêter de faire ton chef ? lâcha-t-elle, tu me saoules déjà. » 

Décidément, ça n'allait pas être aussi calme que je le pensais. 

« Bon, je m'occupe du développement, tu fais l'introduction et la conclusion ? 

 - Tu m'as prise pour une demeurée ? pesta-t-elle. Je peux très bien faire le développement, je ne suis pas idiote. » 

Je soupirai, fatigué d'avance. 

 « Bah vas-y, fais donc. »

Je lui donnai le nécessaire pour faire ce fichu travail, soient deux manuels de sciences, un cahier de leçon et une dizaine de photocopies faites durant la pause de midi de la veille. En voyant tout le travail à faire, elle écarquilla les yeux avant de me regarder avec haine. Je souriais sadiquement en lui faisant signe de s'y mettre si elle ne voulait pas qu'on fût en retard. Je commençais donc à faire l'introduction de ce thème qui me plaisait assez bien : l'univers. Il y avait tant de choses à dire dessus, j'étais certain de récolter une excellente note, jusqu'à ce que Sath décida de me mettre des bâtons dans les roues. 

« Comment tu fais pour être aussi sérieux ? me coupa-t-elle dans mon élan de réflexion. 

- Je ne sais pas, répondis-je sans même lever les yeux. 

- Tu es humain ? 

- Et toi ? » 

Cette fois-ci, je la regardais dans les yeux. Elle parut surprise par ma question, comme si cela était évident, puis elle comprit où je voulais en venir. 

« Ne joue pas à ça avec moi. » 

Encore des menaces. Je décidais d'y faire abstraction et me concentrais sur mon devoir mais je ne pus repenser à ce qui s'était passé deux jours plus tôt. En effet, j'avais aperçu Sath avec une homme, encore dans l'une de ces ruelles sombres et lugubres dans lesquelles je n'osais m'aventurer. Elle avait l'air de prendre de la drogue. Elle faisait ce qu'elle voulait après tout, mais ce n'était pas ce qui m'avait choqué. Alors qu'elle venait de faire une poignée de main à cet inconnu, elle le plaqua contre l'un des murs dans la pénombre et commença à le frapper jusqu'à ce qu'il s'écroulât au sol, inconscient. Elle voulut s'enfuir mais m'aperçut. Je sus tout de suite qu'elle m'avait reconnu. Suite à cela, nous étions partis chacun de notre côté. Je n'en avais pas parlé à Tom, bien que cela me parût incroyable, mais j'étais certain qu'il prendrait ça trop à cœur et voudrait faire son Sherlock Holmes, comme à son habitude. 

Après plus de deux heures d'écriture et de réflexion, je terminai enfin mon travail tandis que Sath avait l'air d'être perdue, noyée dans ses raisonnements. Je regardais par-dessus sa main ce qu'elle écrivait et avais l'impression qu'elle se débrouillait assez bien. Elle faisait comme le professeur avait demandé, ce qui m'était primordial. Je ne voulais pas me rater à cause d'une fille qui ne voulait pas faire d'effort. J'étais ce genre de personne qui savait que quiconque y mettait du sien, pouvait en récolter ce qu'il voulait. Si une personne travaille sérieusement, elle aura de bonnes notes. Si elle ne travaille pas, elle n'en aura pas. Une de mes devises, à vrai dire. 

« Tu y arrives ? demandai-je à Sath qui n'avait pas décroché un seul mot de l'après-midi. 

- Ça peut aller. 

- Je peux terminer si tu veux. 

- Tu n'as pas fini à vouloir tout contrôler ? me reprocha-t-elle, rajustant une mèche de cheveux derrière son oreille. Tu m'énerves. Déjà que je suis obligée de rester dans tes pattes, j'aimerais qu'il y ait un maximum de distance entre nous. Et encore une fois, je t'en supplie, arrête de me prendre pour une fille stupide, je sais très bien ce qu'il faut faire. » 

Je levai les mains, vaincu, puis sortis de la chambre, prétextant aller chercher une boisson pour s'hydrater. Une fois arrivé dans la cuisine, je croisai mon père qui était en train de lire le journal. Oui, mon père lisait le journal en fin d'après-midi, et non le matin ou le soir. Ce jour-là, il n'était pas allé travailler; il était professeur des collèges et l'établissement dans lequel il travaillait faisait grève. Beaucoup de personnes pensaient que j'étais « un élève studieux » parce que mon père me forçait à l'être, alors que pas du tout. C'était moi-même qui me "boostait", mon père n'avait pas besoin de le faire. A l'époque, quand ma mère était toujours de ce monde, mon père la laissait s'occuper de m'aider dans mes révisions, etc. Désormais, il avait pris le relais, même si cela était beaucoup moins fréquent vu mon passage au lycée. J'étais plus indépendant et avais moins besoin d'aide. 

« Vous avez fini avec ta copine ? 

 - Ce n'est pas ma copine, soufflai-je. 

- Pas dans ce sens là, fiston, je disais ça comme « amie ». 

- J'avais compris, répondis-je en roulant des yeux. »

Il haussa les épaules et se concentra à nouveau dans son journal sur lequel était inscrit en gros sur la une : « HAUSSE DU PRIX DES SURGELÉS ! ». Le genre de sujet qui en déprimait plus d'un, dont moi. J'ouvris le frigidaire et pris du jus de raisin que je versai dans deux verres. Je les pris doucement, afin de ne pas en mettre par terre. Ils étaient remplis quasiment entièrement, je craignais la gaffe ultime. Je remontai dans la chambre et posai les verres sur mon bureau, désignant à Sath son verre qu'elle prit aussitôt pour tout boire. Elle ne me remercia qu'à la fin puis me tendit les feuilles qu'elle avait rédigé en me disant que tout était là et qu'elle avait fini. Elle se leva, prête à partir, sous mes yeux étonnés par la rapidité à laquelle elle avait clos le développement. 

« Tu peux relire si tu veux, après tout, c'est toi le meilleur, me provoqua-t-elle en enfilant sa veste qu'elle avait posé sur ma chaise de bureau. 

- Je n'y manquerai pas. » 

Elle parut agacée par mes mots, ce qui m'indifférait complètement. Cette fille était aussi désagréable et insociable que moi. Je comprenais son comportement même si je la trouvais beaucoup trop mystérieuse à certains moments. 

« J'y vais, j'ai quelque chose d'important ce soir. 

- Comme ? » 

Elle me dévisagea. Sûrement avais-je fait une erreur en lui demandant ça ? 

 « Un truc de grand, tu ne peux pas comprendre. » 

A quoi jouait-elle ? Elle avait le même âge que moi. Je n'aimais pas ce genre de personne qui prenait les gens de haut. Elle partit de ma chambre sans même me dire au revoir puis j'entendis la porte d'entrée se refermer derrière elle. Mes yeux se posèrent sur le verre qu'elle venait d'ingurgiter quelques secondes auparavant, désormais vide.

Emprisonné par l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant