VIII - 18 février 2011, 19h47.

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VIII - 18 février 2011, 19h47.

Je me laissais bercer par les virages que faisait Travor en tournant de temps à autre dans les boulevards. Je ne savais pas où il nous emmenaiy mais Sath avait l'air sereine alors que moi, je ne l'étais pas du tout. Je n'étais pas habitué à faire des virées en voiture avec des inconnus, surtout que Travor n'avait pas l'air si gentil que ça. Entre ses multiples piercings et tatouages, il avait l'air d'un homme dur et agressif. Cependant, il n'eut aucun geste déplacé envers moi, Sath lui avait parlé brièvement de moi dans le bar. J'avais réellement l'impression de faire tache dans ce bar, avec mes lunettes et ma chemise, le parfait cliché de l'intello, au beau milieu d'autres gens plus ou moins normaux. 

Arrivé au point de rendez-vous qu'avait donné Sath à Travor, la voiture s'arrêta et nous descendîmes tous les trois en même temps, claquant chacun notre portière derrière nous. Nous étions devant une sorte de discothèque, le genre d'endroit dont je n'osais m'approcher. Sath commença à avancer accompagné de son « ami » tandis que je marchais plus ou moins lentement. Sath se retourna et s'exclama un « Dépêche-toi ! » assez enjoué. Je regardai autour de moi et remarquai que d'autres personnes s'apprêter à également entrer dans la salle où régnait une musique très forte. Je soufflai un bon coup avant d'avoir une pensée à mon père, celle où je lui disais « désolé » dans un espoir qu'il l'entendît comme si je lui avais envoyé un message psychique voire télépathique. 

Je pressai la pas et rejoignis mes deux « compagnons de sortie » dans la salle. Deux vigiles apparurent devant nous et nous demanda nos âges. Je sentis mon rythme cardiaque accélérer et j'eus envie de faire demi-tour mais Sath me prit le bras pour m'approcher d'eux, afin de bien faire comprendre aux vigiles que nous étions à trois. 

« 27 ans, répondit Travor. 

- Et nous deux, on a 18 ans, mentit Sath. »

Les deux vigiles nous scrutèrent l'un après l'autre comme méfiants puis nous laissèrent passer. Sath venait-elle de prétendre que j'avais 18 ans ? Nous n'avions pas 18 ans ! Je me sentais tellement mal d'être complice d'un second mensonge. Je culpabilisais intérieurement de faire ce que je faisais puis Sath m'emmena au beau milieu de ce qui semblait être une piste de danse, là où se déhanchaient des dizaines d'adultes plus ou moins jeunes, sûrement à la conquête d'un coup d'un soir. Je sentais plusieurs regards sur moi. Non pas des regards gentils et flatteurs mais plutôt lourds et moqueurs. Je savais que mon look ne semblait pas du tout décontracté, mais je n'avais pas prévu d'aller danser sur une piste de danse, dans une chaleur étouffante et dans un capharnaüm à m'en faire décoller les tympans.

Sath et Travor s'arrêtèrent à un bar où ils s'assirent, suivis de moi-même. Je m'installai à leur côté et attendis patiemment que le barman s'approchât de moi pour commander. Sath se mit à rire et je devinai rapidement que c'était pour moi.

« Il ne viendra jamais si tu ne l'appelles pas ! Tu as vu ce monde ? cria-t-elle afin de se faire entendre sous la musique très forte.

- Ah.. ! Je ne savais pas ! »

Elle rit de plus belle tandis que je lève la main tel un élève désespéré à la conquête de l'attention du barman. J'avais chaud et très soif, je voulais me désaltérer. Soudain, je me mis à crier « BARMAN » tout en secouant ma main, celui-ci me remarqua et s'approcha de moi.

« Je vous sers quelque chose ? me dit-il.

- Oui, j'aimerais un diabolo-fraise s'il vous plaît. »

Le barman me regarda, sûrement pour juger mon sérieux, puis me servit sans broncher. Je savais que j'avais l'air pathétique avec un diabolo-fraise dans les mains, mais je ne voulais pas me soûler. Sath et Travor, eux, avaient commandé des cocktails dont je ne connaissais même pas le nom. Jamais je n'aurais cru que Sath était dans ce genre de délire. Je savais très bien que quelque chose chez elle était mystérieux et assez « noir », mais de là à mentir sur son âge pour entrer dans une discothèque réservé aux adultes afin de boire autant d'alcool que possible et danser jusqu'à tard dans la nuit. En parlant d'heure, je regardai furtivement mon téléphone portable afin de vérifier qu'il n'était pas trop tard : 21h14. C'était encore raisonnable. 

Je sirotai ma boisson tout en regardant les gens danser. Certains semblaient déjà soûls et avaient bien du mal à rester debout sur la piste de danse. C'était assez drôle à voir malgré l'empathie que j'avais à leur égard. Je me sentais comme un panda au beau milieu d'un troupeau de lion. Frustrant.

Ce n'était pas mon univers, mais celui de Sath, et je m'y aventurais simplement pour m'assurer qu'elle allait bien. Pourquoi faisais-je cela ? Peut-être parce que je ne voulais pas avoir son éventuelle mort sur ma conscience. Dans tous les cas, pour l'instant, tout allait bien. Elle discutait avec Travor et m'invitait de temps à autre à parler avec eux, bien que leurs sujets de discussions ne m'intéressassent pas trop. Ils parlaient des tatouages qu'ils allaient se faire dans les mois qui venaient, ainsi que les éventuels piercings qu'ils voulaient dans différentes parties du corps.

Sath se leva et me proposa d'aller danser au milieu de la piste de danse avec Travor. Bien que la musique ne me plût pas trop, j'acceptais. Je ne voulais pas paraître encore plus « has been » que je l'étais déjà. Nous avançâmes sur le dance floor puis nous mîmes à danser tous les trois. Je n'étais pas très bon en danse mais je trouvais que je me débrouillais. Je me faisais moins remarquer que le gars ivre qui dansait près de nous. Celui-ci tomba à deux reprises et se releva comme si de rien était. Curieux non ? 

Sath se déhanchait en échangeant quelques regards avec Travor tandis que je me contentais de bouger au rythme de la musique, espérant me fondre dans la masse. Sath me souriait de temps à autre, et je fus surpris d'un tel changement de comportement entre cette soirée et les jours précédents. C'était comme si nous venions d'effectuer un énorme pas dans notre relation. 

Le reste de la soirée se fit dans la danse, l'alcool -non pas pour ma part- et dans la fatigue, surtout en fin de soirée.

Emprisonné par l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant