— Tu ferais mieux de plaisanter Iris.Grand-mère se redresse sévèrement de sa grosse chaise marron. Ses yeux clairs lancent des éclairs à maman. Ma main rongée par l'eczéma agrippe celle de maman et la serre timidement. Elle me lâche presque instantanément pour s'approcher de grand mère et s'effondre au sol dans un hurlement qui me fait sursauter.
— Je ne peux plus continuer ainsi maman. Je t'en prie, garde-la je ne veux plus m'en occuper. Je n'arrive plus à le faire. Prends Violette avec toi.
Je redresse la tête lorsque mon nom est prononcé. Je tente de redresser maman et la console dans des paroles étouffées: « rentrons à la maison maman, s'il te plaît je veux rentrer» mais elle se défait de mon étreinte et me pousse vers grand mère.
— Pitié maman, garde la...
— Sors de chez moi. N'as-tu pas honte de me demander ça ? Reprends ta fille et assume tes responsabilités de mère au lieu de faire l'enfant gâté.
— S'il te plaît je...
— Dehors ! La coupe-t-elle brusquement.
Je le sais, maman ne veut plus de moi. Depuis que papa est parti, maman n'est plus vraiment maman. Papa lui a brisé le coeur, alors maman n'arrive plus à aimer. Pas même moi.
Mon cœur se serre, je chasse mes larmes avec mes manches humides et maman saisit ma main d'un mouvement absent de tendresse. Elle me traîne vers la porte d'entrée. Grand mère est toujours dans le salon, sur sa grosse chaise en bois. Elle réarrange son bouquet de lavande d'une main et détourne complètement son regard de nous. Grand mère adore les fleurs, moi j'adore grand mère.
À la fin du couloir, maman ouvre la porte d'une chambre. Elle est pleine de poussière et toute noir. Je plisse les yeux pour en voir l'intérieur mais les rayons qui traversent les volets ne me permettent même pas de voir la couleur des murs.
— Reste ici Violette. Ne bouge pas, j'ai quelque chose à faire. Je reviens dans cinq minutes.
Elle referme la porte mais j'attrape sa main juste avant. Le coeur tambourinant dans ma poitrine, j'ose lui demander:
— Tu vas revenir pas vrai ? Tu vas revenir me chercher, hein ?
— Mais oui mais oui, elle se hâte.
— Promis ?
Je tend mon petit doigt qu'elle serre avec le sien en signe de promesse mais elle ne répond pas à ma question. Elle m'embrasse brièvement le front et referme la porte aussi vite. Mes jambes sont parcourues de petits spasmes, ou peut-être de grands, je ne sais pas. Je ne vois rien. Je froisse les volants de ma robe à fleur et retiens un sanglot chaud. Ne fait pas de bruits, je m'ordonne. Maman va revenir dans pas longtemps.
Mais une promesse n'est pas plus invincible que des fleurs en hiver. Ce ne sont que des mots, des pétales, fragiles aux intempéries. Un moteur de voiture et mon coeur bat à tout allure.
Lorsque le roulement des pneus me confirme mes peurs, je fais voler la porte et sors en courant vers le parking entouré de cyprès. La grande porte d'entrée est déjà grande ouverte. Dans ma foulée catastrophée, je manque de m'étaler sur les immenses dalles en pierre du grand escalier. La voiture de maman disparaît dans un nuage de poussière, avant même que je n'ai pu atteindre le bas de l'entrée. Maman va revenir elle l'a promis. Elle a juste, quelque chose à faire.
Mes yeux s'emplissent de larmes encore plus épaisses qu'avant. Elle m'a promis. Mais l'hiver est de sortie. Les mots se fanent.
— Violette ?
Je me tourne vers la voix et distingue à peine le visage de ma grand mère. Ses traits durs s'adoucissent. Elle chasse mes larmes de son pouce vernis de bordeau.
— Ne pleure plus Violette, elle ne mérite pas tes larmes. Un jour, elle te verra tel que tu es et elle se rendra compte de la magnifique petite fille qu'elle a laissée derrière elle. Mais ce jour là, tu seras déjà bien plus haut qu'elle et alors toi seule pourra décider si elle mérite d'être dans ta vie. Pour l'heure, n'en veux pas à ta mère Violette, car au fond elle est très malheureuse. Plus que toi sûrement.
Elle m'embrasse le front délicatement et me serre dans sa poitrine. Je me niche entre ses bras et trempe son chandail.
Aujourd'hui, maman m'a menti.
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Coucou, c'est avec un mélange d'excitation et de peur que je publie le prologue de ce projet ! J'espère qu'il vous fera passer un bon moment. 💗
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Une Violette pour Conan Walter
RomanceViolette Hazelford n'a plus le choix, elle doit trouver un colocataire au plus vite sinon c'est l'expulsion ! Dans l'urgence de la situation, elle est contrainte d'accepter une collocation avec Conan Walter, l'étrange et agaçant inconnu qu'elle n'a...