VIOLETTE— Mademoiselle Hazelford !
Madame Coort frappe de nouveau à ma porte, à la suite d'un long silence trop bruyant.
—Mademoiselle Hazelford je sais que vous êtes là ! Ouvrez moi cette porte je vous en pris ! Elle frappe un autre coup sec qui fait voler la poussière de celle ci. Vous ne pourrez pas m'ignorer éternellement.
Je le sais, mais le deni c'est une des choses que je fais le mieux apparemment.
Cela fait quatre mois que c'est le même cirque sans cesse.
Quatre mois, que mon coeur étouffe, que je ne paie plus mon loyer et que mon frigo est aussi désolant que mes cheveux blonds foncés mal égalisés. Je mériterais de me faire expulser à grands coups de pied aux fesses mais la chance est encore un peu avec moi: Madame Coort est ma propriétaire. C'est une femme très compréhensive, dottée d'un grand coeur; le genre dont on parle dans les reportages d'aide humanitaire.
Je jette un regard dans l'œillet de la porte. Son éternel foulard à fleurs est noué moins strictement autour de son cou. Elle s'essouffle après chaque tirade en jetant un regard attristé vers ses mains, cachées entre ses jupons fleuris. Mon coeur s'étouffe lorsqu'elle m'appelle une dernière fois de l'autre côté de la porte.
— Violette je sais que votre budget est très serré, particulièrement ces derniers temps. Je me fais vielle et Je ne pourrais pas monter ces cinq étages plusieurs fois pas semaines encore longtemps. Et même si cela me fait peine, cette situation ne peut plus durer. Vous devez urgemment changer les choses.
J'habite ici depuis cinq ans au moins, et jusqu'à il y a peu, j'ai toujours été en règle. La bonne voisine à jour dans ses factures malgré tout, qui offre des gâteaux à ses voisins et ne fait pas de bruit. J'aime ma routine de vie ici et mes voisins trop bruyant. J'aurais du mal à me résoudre de tout abandonner simplement à cause d'une situation irrégulière passagère...
En espérant qu'elle le soit.
Je l'entends glisser quelques chose sous ma porte avant de redescendre les escaliers grinçant. Je ne me précipite pas pour ramasser ce qui semble de loin être une lettre. Mon coeur tambourine douloureusement comme à chaque fois qu'elle vient toquer dans le vide.
Je mentirais si je disais que cette situation est agréable. Je préférerais prendre le thé, parler tulipe et pétunia avec elle, plutôt que de faire la morte. Seulement je ne peux m'en prendre qu'à moi même.
Je tire le col de mon teeshirt, ma respiration se coupe, mais j'ignore tous les cris de ma chair et ramasse cette foutue lettre. Si ça ne tenait qu'à moi, elle resterait close une semaine ou deux. Peut-être plus.
Je suis une adulte maintenant, je ne peux plus me permettre de tout remettre à plus tard. C'est au moins ce dont j'essaie de me convaincre.
Une adulte responsable ouvrirait cette lettre. Elle s'occuperait du problème et le résoudrait directement. Elle quitterait cet appartement pour un moins cher. Mais je ne suis que Violette. Le problème, je l'enterre jusqu'à ce qu'il resurgisse encore plus violemment. Alors cette lettre, je la fourre au fond de mon sac, encore scellée.
Je ne l'ouvrirai pas tout de suite. Jamais s'il le faut; mais madame Coort ne mérite pas d'être au fond du placard pour toujours. La boule au ventre, je prends mes clés pour sortir et jette une coup d'œil dans la cage d'escalier. Je vérifie bien que la vielle dame au foulard est bel et bien partie sans faire de malaise vagale, puis dévale les escaliers.
⚛︎ ⚛︎ ⚛︎
Je suis sortie pour me changer les idées mais en réalité... À part retourner inlassablement dans les ébauches de ma boutique à peine décorée, je ne sais pas où aller. J'ai pris les clefs au cas ou, je n'ai pas la moindre envie de m'y réfugier maintenant.
Je n'ai même pas encore reçu les fleurs. Et une boutique sans articles à vendre, qu'est-ce d'autre qu'une chambre inanimée ?
Je dois me changer les idées pour l'instant et à défaut d'avoir des amis, je peux toujours tendre l'amitié à l'alcool, pour un soir seulement. Pas plus d'un soir. Je ne suis pas friande de l'effet qu'il fait. Mais pour l'instant j'en serais volontiers cliente.
Je rentre dans le premier bar que je vois et m'installe au comptoir tout juste lavé par un chiffon humide et sale. Le bois du bar me colle les mains mais je ne m'occupe que de la bière tout juste pressée qui m'est servie. La première gorgée pique un peu, je grimace, une pensée s'arrête sur la lettre, et le reste glisse tout seul.
J'en commande une autre qui passe plus facilement, à la suite une troisième et les secondes passe puis...
— Une autre ! réclamé-je en m'écroulant sur le comptoir, la tête hurlant de douleur.
Le barman me jette un regard plein de pitié. Il pousse un soupire et s'adresse à moi comme on s'adresse aux déplorables.
— Je pense que vous en avez eu assez, Mademoiselle.
À cet instant, un brin de honte me traverse mais l'alcool efface immédiatement toute lucidité. Je cligne longtemps des yeux avant de me retourner vers mon verre encore bien rempli. Je le vide d'une traite, et en mets la moitié à côté.
À la seconde où je lâche ma chope, un haut le cœur incontrôlable me traverse et je m'étonne moi même de ne pas vider mon sandwich au thon de ce midi sur le comptoir. Je me vois me précipiter aux toilettes, bousculant un à un ceux qui croisent ma course puis mes souvenirs sur cette soirée s'arrêtent dans un brouillard.
_________
Premier chapitre posté et il était temps !!! J'espère que la suite vous plaira 🦭
Ps: un grand merci à mes beta lectrices 💗💗
VOUS LISEZ
Une Violette pour Conan Walter
RomanceViolette Hazelford n'a plus le choix, elle doit trouver un colocataire au plus vite sinon c'est l'expulsion ! Dans l'urgence de la situation, elle est contrainte d'accepter une collocation avec Conan Walter, l'étrange et agaçant inconnu qu'elle n'a...