Café

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Il marchait, se mit à courir puis ralentit petit à petit. Le sourire jusqu'aux oreilles, joues rouges et mains tremblantes, le jeune homme attrapa la poignée du Backer Street et la poussa de toutes ses forces, (car la porte vieille d'une bonne cinquantaine d'années devait bien peser quelques kilos.)

Il salua les quelques personnes qu'il connaissait d'un sourire ou d'un hochement de tête, puis fonça dans l'arrière boutique. Il y ressorti quelques secondes plus tard, tablier marron attaché à la taille et carnet à la main.
C'était un samedi comme un autre pour Jean, un samedi de travail au petit café de la ville afin de gagner un peu d'argent de poche. C'était le même samedi depuis trois ans aujourd'hui, enfin, le même dans le fait qu'il vienne travailler au même endroit.

Même si ça pouvait être insupportable pour certains, Jean s'y plaisait grandement, à ce petit job. Il n'avait pas toujours le sourire, mais discutait volontiers avec quelques clients et s'était même fait des amis du staff. L'un d'eux avait une buzz cut et de grands yeux ronds, personnage plutôt bruyant et maladroit à la fois mais bon dans le fond. Connie était de ceux que l'on pouvait qualifier de sans gêne et extraverti.

Jean avait récemment fait la connaissance d'une jeune fille, une cliente aux longs cheveux noirs, grande et plutôt mignonne. À chaque fois qu'elle passait prendre commande il ne pouvait s'empêcher de faire une erreur, bégayer ou se mettre à devenir rouge comme un panneau interdit. Tout ses collègues du Baker Street avaient remarqué ce changement d'attitude chez Jean et cela devint rapidement un sujet de blague au sein de tout le personnel. Bien entendu, ils le faisaient assez discrètement pour que le jeune homme concerné n'y voit que du feu.
Mais ce samedi là ne fut pas comme les autres, pas comme les 156 autres samedis des trois dernières années.

Elle arriva, elle, cheveux ébènes devant le comptoir et l'ami de Jean, Connie, lui donna une tape sur l'épaule, sourire en coin.

— Tu vas enfin te décider à la..., commença le razé, en chuchotant.

— Tais-toi, coupa Jean.

La jeune femme leva alors sa tête en sa direction, sourcils froncés et le châtain se mordit la langue. Il avait parlé beaucoup trop fort.

— Heu..je voulais dire, fin...tu veux commander ?

Lentement, elle balada ses yeux gris sur lui, le dévisageant avec une attention presque trop insistante pour qu'il ne se mette pas à rougir.
La bouche mi-ouverte, ses mains moites tripotèrent le comptoir. Le temps semblait s'être arrêté, devenant insoutenable.
Tictac , l'horloge accrochée au mur était devenue plus bruyante à l'oreille du jeune homme, à chaque fois que l'aiguille bougeait, il ressentait le creux de son ventre se tordre davantage.

— PUTAIN J'AI FAIM MOI ! s'écria un client, plus en arrière dans la file d'attente.

Subitement pressée de vouloir s'en aller, la noiraude s'empressa de chercher dans les fin fonds de son sac à main puis déposa une feuille sur le comptoir d'un geste presque brutal, ajoutant d'une voix basse :

— C'est le CV qui aurait dû être apporté la dernière fois. Bonne journée.

Puis elle s'en alla, aussi vite qu'elle était arrivée.

Le cœur de Jean se mit à battre plus fort que la normale, il prit la feuille entre ses mains avec précaution et avec la ferme intention de faire en sorte que cette jeune noiraude se fasse embaucher.
Il le fallait, à tout prix.

*

8 décembre 2023

Cela devait faire quelques jours que la fille à la longue chevelure noire était passée. Depuis, Jean ne faisait que d'harceler son manager, Levi, pour qu'il embauche celle qui hantait ses rêves tous les soirs. Mais Levi était quelqu'un de très sélectif, ceux qui avaient l'honneur de travailler dans son café devaient faire leurs preuves.

OS Erejean/JerenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant