Chapitre 4

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Envahie par mes souvenirs, je passai maintenant de très en avance à très en retard. Merde ! Je devais être dans cinq minutes précises au plateau, le gymnase où nous avions notre entraînement matinal. Il se situait juste à côté, mais je devais encore me changer et revêtir ma tenue du jour dans les vestiaires.

Attrapant mon sac en vitesse avec mes affaires pour la journée, je sortis comme une furie. La porte de notre chambre claqua derrière moi alors que je me précipitais dans le couloir et dévalais l'escalier. Je me souvins trop tard que Julia était en train de dormir. Elle me le ferait payer plus tard, c'est sûr. Agrippant la rambarde froide pour négocier les virages à toute vitesse, je descendis l'escalier en regardant où je mettais les pieds afin de ne pas me tordre une cheville. Ne relevant pas suffisamment la tête, je rentrai de plein fouet dans une petite silhouette et m'arrêtai net dans ma course.

— Mais putain, fais gaffe ! gronda Issana, furieuse.

Elle se retourna aussitôt, prête à en découdre, comme toujours, les poings levés. Heureusement pour moi et mes dents, elle me reconnut à temps et baissa les bras.

— Désolée, je ne t'avais pas vue, Issa ! Avance, on est super en retard ! lui dis-je, en reprenant ma course, mes pieds couinant sur les marches en lino.

— Je sais, merci, me répondit-elle expéditive, et je serais déjà arrivée si tu ne m'étais pas rentrée dedans au passage !

Issana était déjà militaire quand la pandémie avait débuté. Plutôt petite et fluette, il ne fallait pas se fier aux apparences : c'était une véritable machine de guerre doublée d'un caractère explosif. D'origine indienne, ses yeux étaient noirs d'encre et entourés de cils très courts. Ses cheveux épais et tout aussi foncés lui conféraient beaucoup de charme. Elle avait de nombreuses années de sports de combat à son actif et le physique d'une athlète de haut niveau. Ce qui en faisait la meilleure combattante de notre section. Mieux valait donc éviter de l'énerver.

Nos relations s'étaient un peu améliorées au fur et à mesure des semaines d'entraînement commun. Ce n'était pas encore à proprement parler une amie, mais j'étais curieuse de la connaître davantage. Et puis, il valait mieux, et très largement, devenir son amie que son ennemie.

Repartant aussitôt, nous arrivâmes au plateau en passant rapidement devant les nombreux bâtiments gris de l'enceinte. En courant comme des dératées, Issana ouvrit la porte du gymnase à la volée. Tellement fort, qu'elle vint taper violemment contre le mur avec un bruit qui résonna dans tout le plateau. Pour l'arrivée discrète, c'était raté. Sans ralentir, et en ayant heureusement acquis quelques réflexes depuis, j'évitai de m'écraser le nez dans le battant qu'elle n'avait évidemment pas retenu. Nous continuâmes au pas de course vers nos vestiaires pour nous changer le plus vite possible.

Arrivées devant nos patères respectives, nous faisions déjà voler nos vêtements qui atterrissaient par terre. Chacun avait un crochet qui comportait son prénom et ses affaires d'entraînement. La pièce, tout en long, était sobre avec du carrelage blanc au sol et une unique petite fenêtre opaque au fond qui laissait passer la lumière. Une porte sur le mur de droite donnait accès aux cabines de douche. Deux rangées de bancs se faisaient face, et lorsque le vestiaire était rempli nous pouvions tenir à une trentaine dedans, à peu près. À cet instant, il n'y avait qu'Issana et moi, tous les autres, arrivés à l'heure, devaient attendre l'instructeur, s'il n'était pas déjà là.

Sautillant sur une jambe pour enfiler mon legging, je regardais Issana, déjà prête, enfiler un T-shirt.

— Je ne suis pas d'humeur à faire des pompes aujourd'hui, dépêche-toi ! me dit-elle, en essayant d'aplatir ses cheveux qui partaient dans tous les sens.

Résilience (sous contrat d'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant