1
Juillet
Le gendarme qui patrouillait dans la cour leva les yeux pile dans ma direction. Merde !
Je me plaquai rapidement au sol, m'écorchant le coude au passage sur le revêtement noir. Le cœur affolé, je priais pour qu'il n'ait pas eu le temps de me repérer. Une sueur froide me coula le long du dos en pensant aux conséquences qui ne manqueraient pas d'être exemplaires s'il m'avait effectivement détectée. L'accès au toit était strictement interdit, en tout cas je le supposais, et le couvre-feu passé depuis longtemps, cela compterait certainement pour deux délits majeurs. J'allais avoir de sérieux ennuis et pourrais dire adieu à ma dernière chance de sortir enfin d'ici.
Toujours allongée sur le sol granuleux, encore tiède de la journée, je patientai et comptai jusqu'à dix. Les yeux fermés, tendant l'oreille, j'espérais m'en sortir une fois de plus. Avec un peu – beaucoup – de chance, il n'avait rien vu. Les mains moites serrées contre ma poitrine, le souffle rapide, j'égrenai les secondes interminables en réfléchissant à un autre moyen de me sortir d'ici. Il n'y en avait aucun.
Une mèche de mes longs cheveux châtains me chatouillait le nez, portée par la brise. Je m'empêchai de bouger et continuai de marquer le passage des secondes. Le compte à rebours terminé, je me redressai aussi doucement que possible sans faire un bruit et m'approchai du parapet pour jeter un coup d'œil furtif par-dessus le remblai. Les agents patientaient en discutant entre eux, dos à moi. Lourdement armés et vêtus de leurs uniformes bleu marine, ils semblaient guetter la relève de leurs collègues et ne m'avaient pas repérée. Un immense soulagement me parcourut aussitôt.
Je soupirai et décidai de quitter rapidement le toit avant de risquer d'être vraiment en danger. Je jouais un peu trop avec le feu, mais je n'avais pas prêté attention à l'heure, trop absorbée par le spectacle de l'orage qui arrivait droit sur nous. Le ciel était d'un noir menaçant et se confondait presque avec la mer grise teintée de touches blanches d'écume. Des grondements sourds se faisaient déjà entendre au loin, et le bruit du ressac contre la digue s'accentuait, à mesure que la mer se démontait.
Ce mélange de couleurs hypnotisantes me rappelait ma dernière soirée de liberté : sur la plage la plus proche de chez nous, et sous le soleil. Après une journée à surfer avec Julia, ma meilleure amie, nous avions souhaité prolonger ce moment. La chaleur avait été au-delà des normales de saison et nous étions trop heureuses de profiter de ce temps clément si rare dans notre région. Improvisant un feu de camp dans les dunes au coucher du soleil, nous avions dû détaler comme des lapins et nous réfugier dans nos voitures, surprises par la violence de l'orage qui s'était abattu sur nous. Nous étions trempées jusqu'aux os, le bruit de la pluie sur la carrosserie était assourdissant, mais pas autant que nos rires. Il me semblait que ça remontait à une éternité, et jamais je n'aurais imaginé que ma vie devienne ce qu'elle était aujourd'hui.
Des voix s'interpellant au loin me ramenèrent à l'instant présent. La relève des gendarmes s'organisait, et la nouvelle patrouille devait être proche. Je m'éloignai rapidement et sans un bruit. Mieux valait vite déguerpir avant que la prochaine ronde ne commence. Qui plus est, une bonne nuit de sommeil ne serait pas de refus.
L'exercice de tir en vision nocturne de la nuit dernière s'était terminé aux aurores. Je m'étais glissée entre les draps blancs râpeux de mon lit alors que le ciel s'éclaircissait déjà. Il me semblait que ma tête venait à peine de toucher l'oreiller, qu'un autre orage éclatait, me réveillant et faisant trembler les murs fins de notre chambre. Celui qui arrivait ce soir ne semblait pas de bon augure pour me reposer, et pourtant j'en avais bien besoin.
Les entraînements en tout genre se multipliaient à l'approche de notre mission prévue dans quelques semaines et la fatigue me tombait dessus. La cadence imposée était soutenue, entre les préparatifs stratégiques et tous les exercices journaliers qu'ils nous infligeaient. Les journées étaient éreintantes et les nuits courtes – lorsque nous pouvions dormir. Nous devions lever l'ancre à la fin du mois pour la toute première fois depuis l'apparition du virus.
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Résilience (sous contrat d'édition)
RomanceEt si la pire des menaces n'était pas au-delà du mur... mais au cœur de la base ? Lorsqu'elle se regarde dans le miroir, June ne se reconnaît plus. Envolée, la jeune fille de 19 ans insouciante et confiante en l'avenir. Aujourd'hui, elle est obligé...