Chapitre 5

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Nous étions encore cinq à attendre notre tour. Sautillant sur place pour conserver les bénéfices de l'échauffement, je commençais à me refroidir sérieusement et à m'impatienter. La majorité du groupe était passée, avec plus ou moins de réussite. La météo ne s'était pas améliorée, une légère bruine tombait à présent, collante et froide. Mon uniforme s'était rigidifié avec la boue qui commençait à se figer comme de la glaise et accentuait cette sensation de froid. Le garçon qui passait avant moi arrivait à ses derniers obstacles, et je me préparai à partir.

Raphaël, qui attendait derrière moi, m'encouragea :

— Allez, fonce ! Et sous les quatre minutes, June, sinon tu es bonne pour faire ma corvée de lessive pour une semaine !

— Tu rêves, Raph, rétorquai-je avec un sourire en levant les yeux au ciel.

J'avais déjà perdu le pari lors du dernier entraînement. Et des précédents. À mon goût, j'avais bien trop souvent effectué cette tâche et je ne comptais pas lui donner ce plaisir de nouveau.

Je me mis en position, prête à partir, concentrée. J'ancrai mes pieds dans le sol, sentant la terre humide glisser sous ma semelle. Relevant les bras au niveau de la poitrine, je fixai le premier obstacle, inspirai un grand coup en faisant le calme dans mon esprit et autour de moi. Le coup de sifflet retentit et je m'élançai.

Au début, comme toujours, je franchissais vite les obstacles les uns après les autres dans un temps plus que correct. Mais, me précipitant sur le passage en haut de l'échelle, je perdis un peu l'équilibre et faillis manquer l'un des cordages. Je parvins toutefois à me réceptionner de manière un peu approximative. Arrivant vite à la moitié du parcours, je commençais à avoir les poumons en feu, souffrant déjà de ne pas m'être économisée. Ma respiration était plus saccadée, mes foulées lourdes, et mes muscles commençaient à trembler. Typique. Les meilleurs d'entre nous savaient qu'il ne fallait pas brûler ses réserves dès le début. Mais, impétueuse dans l'âme, je continuais de commettre la même erreur encore et encore. Peinant vraiment, je me demandais si la fin de cette épreuve allait finir par arriver un jour. Le parcours rampant était laborieux, comme prévu. Je sentais mes bras et mes jambes recouverts de boue, lourds. Des gravillons s'enfonçaient dans mes avant-bras tandis que mes genoux râpaient le sol. Mes mouvements étaient ralentis et les projections de terre dans les yeux m'empêchaient par moments de voir où je me dirigeais. Je continuai coûte que coûte en suffoquant, jetant un coup d'œil à l'obstacle suivant.

La girafe se dressait devant moi. Haute, grise et impressionnante. Mes muscles me brûlaient, faiblissant un peu plus chaque seconde. Je pris sur moi et montai difficilement marche après marche l'escalier avec la douloureuse sensation que des poids avaient été accrochés à mes chevilles et à mes bras. Mes jambes étaient molles, épuisées. Je continuai et posai ma main en appui sur la pierre rugueuse avant de grimper un peu plus, puisant dans mes ressources. Arrivée en haut, je me concentrai pour réussir ma réception. Mes jambes étaient tellement cotonneuses qu'à l'instant où je m'élançais vers le vide, je compris que cela allait mal se passer. J'avais sauté trop fort en compensant la sensation flageolante de mes jambes et vis, en dessous de moi, s'éloigner la zone de réception que je devais atteindre. Le choc fut brutal et me coupa le souffle. J'atterris de tout mon poids, accroupie, mon genou s'enfonçant dans mon ventre, et manquais ma roulade. Je finis ma course à plat ventre sur les graviers. Ma vue se brouilla et mes oreilles furent remplies de bourdonnements. Puis la douleur arriva. Tellement puissante que je me demandais si mes pieds ne venaient pas de traverser mon corps. Une vive douleur dans mon genou irradiait jusqu'à mon bassin par vagues rapides, aiguës.

— June, debout ! me cria le premier-maître.

Il hurlait depuis la zone de départ dans mon dos et ne pouvait donc pas voir mon visage, qui devait être blanc comme un linge. Je doutais de pouvoir me relever, mais étonnement, la douleur commençait déjà à diminuer. Le souffle revenait aussi. Cela devait être seulement le choc, et, a priori donc, rien n'était cassé. Il fallait que je me relève vite, et ne rien laisser paraître. Inspirant une grande bouffée d'air et pensant à ma mission, je me remis debout m'aidant de mes mains écorchées. Il ne me restait que deux petits obstacles seulement. Je pouvais le faire ! Si je serrais les dents... Une fois debout, la douleur s'atténua encore un peu. Les muscles chauds devaient probablement éviter une trop grande souffrance pour l'instant. J'avais un point dans le ventre, mais décidai de l'ignorer. Sans perdre plus de temps, je m'élançai à un rythme plus modéré vers les prochains modules. Plus vite j'irais, plus vite ça sera terminé et je pourrais enfin reposer mes jambes. Couvrant du mieux que je pouvais mon boitillement, je terminai enfin le parcours, soulagée, et je relevai la tête.

Résilience (sous contrat d'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant