17- Danse venteuse

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  — J'crois que mon père est homophobe

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— J'crois que mon père est homophobe.

Livaï pouffa discrètement pour ne pas attirer l'attention des clients autour. Le café dans lequel ils avaient l'habitude de se retrouver était bondé.

— Pourtant il a rien dit après l'excuse de Mikasa pour la buche ratée du réveillon, souffla Armin.

— Parce qu'il pensait que c'était une blague !

— Je dirai pas que papa est homophobe... Il est homophobe modéré si vous voulez... Mais il aime bien Livaï, sois-en sûr.

Les yeux d'Eren se tournèrent vers sa soeur adoptive en continuant de soupirer puis il se concentra sur Livaï, mélangeant frénétiquement son thé.

— Et arrête de rire toi. T'es le premier concerné, cracha-t-il à son attention.

— Ah non, j'ai rien à voir avec les idéaux de ton père gamin: j'en ai pas j'vais pas me farcir le tien.

— J'voulais te présenter à ma famille en tant que petit ami moi... Soupira le châtain.

Quelque peu attendri, pendant quelques secondes, la cuillère de Livaï cessa de caresser le fond de sa tasse alors qu'il souriait faiblement.
Qu'est-ce que c'était cliché... Cliché et pourtant il appréciait cette douce sorte de normalité.

— Cliché, ria Armin ce qui lui valut un regard noir de la part d'Eren.

— Et alors ? Et puis j'en ai marre de présenter Livaï comme mon ami à ma mère, j'veux plus mentir.

— Alors fais, Eren. On s'en fout de l'avis de notre père. Fais ce qui te semble juste. Je serai avec vous, sourit Mikasa en captant les yeux sombres de Livaï.

— Ouais t'as raison. Tu serais d'accord Livaï ? Demanda Eren.

  Le jeune homme leva les yeux vers Eren.

  — Si ça peut te faire plaisir...

  — Le cliché ne te gêne pas ?

  — Pourquoi ça me gênerai ? Le cliché n'est pas toujours négatif... En plus j'apprécie ta famille et le climat d'apaisement qu'elle peut apporter.

  — Je dirai pas vraiment que notre famille est apaisante, souffla Mikasa en souriant doucement.

  — Au moins vous en avez une.

  Voyant la mine choquée que le trio s'était mis à tirer, Livaï se rendit compte de ses paroles. Les mots étaient sortis par automatisme, chose qui ne lui arrivait jamais. Il se mordit la lèvre inférieure, se trouvant vite faible à exposer cette blessure béante qu'il s'obligeait à camoufler aussi facilement.
  Comment se rattraper ? Aucune idée et de toute manière, il n'en eu pas le temps.

  — Tu m'as moi, Livaï. J'suis pas la famille idéale mais c'est mieux qu'un vieux alcoolique, non ?

— Tch, stop les discours de sauveuse, j'suis pas un gosse fragile... Et puis te charge pas de moi Mikasa, t'as déjà bien à faire avec toi-même.

— J'prends ça comme un « merci », siffla la jeune femme.

— Prends-le comme tu veux. J'me casse, j'veux pas prendre la route à l'heure de pointe, c'est chiant.

Et il se leva sans attendre de réponse: il s'en foutait, il avait besoin d'air nouveau et l'attroupement de personnes dans cet espace réduit l'empêchait de penser clairement.

  — On se revoit quand ? demanda Eren.

  — J'sais pas, on se tient au courant.

  Puis il sortit, enfilant sa veste en cuir en marchant vers sa moto qui l'appelait, l'appelait pour s'évader à pleine vitesse contre les rafales de l'hivers.
  S'il y avait bien une chose sur laquelle Livaï ressentait pleinement son impuissance c'était son importance. Il était désemparé quand on lui tendait une main vers la normalité comme si un rêve prenait le dessus sur la réalité.
  Bien que le Monde le considère comme froid, intouchable, imprenable, inapprochable, aussi méprisant que méprisable, bien qu'en un sens, il l'était, Livaï se résumait à beaucoup plus. Il ne se résumait pas d'ailleurs, un résumé était trop court pour décrire sa complexité. Ses pensées étaient vague, submersion, son coeur était fer en fusion, son corps de pierre gelée, son esprit enchaîné. Son âme n'est qu'un doux paradoxe.
  Sa moto l'avait mené à l'écart de la ville, à la lisière de la forêt. Combien de temps avait-il roulé pour se retrouver si loin ? Ce n'était pas important.
Il connaissait ce chemin par coeur puisqu'avant de fuguer chez Eren, il s'échappait ici, dans ce vieux bunker camouflé par les arbres. Il avait l'habitude de s'assoir sur le dessus de la structure en béton à observer la danse des feuilles guidées par le vent.
  Livaï aimait la mélodie du vent se fondant à travers les reliefs, les arbres, jouant avec la mer, s'écrasant contre la roche. Alors, en toute logique, Livaï aimait observer le vent faire vibrer les feuilles et les branches des arbres tantôt dénudées, tantôt fournies.
  Pourtant, une vibration le sortit de sa contemplation auditive parce que oui, Livaï contemplait le son du vent de ses yeux d'acier. Il décrocha, un faible sourire sur les lèvres quand il vit « Gamin » s'afficher sur l'écran.

  « — Eren, qu'est-ce que tu m'veux ?
  — Salut à toi aussi, je vais bien, merci de demander.
  — Tch.
  — Ça va ?
  — Oui, pourquoi ?
  — Parce que je connais le langage de tes yeux.

  Livaï rit doucement en relavant la tête vers le ciel nuageux.

  — J'aimerai que tu sois là, près de moi Eren.

  Il devina facilement le trouble du jeune homme puisque la réponse tarda.

  — J'ai pas l'habitude que tu dises des choses comme ça... Souffla tendrement Eren.
  — J'ai pas l'habitude de dire des choses comme ça... Mais j'aimerai bien sentir la chaleur de tes bras. J'ai froid, terriblement froid.
  — Tu penses que des mots peuvent réchauffer une âme Livaï ?
  — J'imagine que oui. Essaie pour voir.
  — Je t'aime... Et ce n'est pas parce que tu n'as pas de famille entrant dans les codes que tu n'en as pas. Une famille peut se créer par les liens, amoureux ou amicaux. Au final, la famille n'est qu'un mot perdant son sens une fois brisée, gagnant en sens une fois unie.

  Il pourrait pleurer mais ses larmes le refusait-
  Non, il pourrait pleurer s'il acceptait ses larmes.

  — Ouais, des mots peuvent réchauffer l'âme... Je t'aime aussi gamin.
  — Je t'accompagnerai la prochaine fois. Tu es où ?
  — Quelque part où le vent chante et danse avec les arbres. Je t'emmènerai.
  — J'aime tes mots.
  — J'aime ton âme.
  — Tu viens manger chez mes parents ce soir ? Ils sont OK. Tu dors à la maison comme ça.
  — Alors c'est le grand soir ? L'gamin devient grand ?
  — Ta gueule, je stresse à mort. 
  — Tout ira bien, t'inquiète pas. Tes parents t'aiment, y'a pas de raison que ça se passe mal.
  — Tu viens alors ?
  — Oui.
  — Génial ! Vers dix-neuf heures ?
  — Ça me va.
  — À tout' !
  — C'est ça, à plus gamin. »

  Livaï se leva, tournant le dos à la gracieuse valse des rafales hivernales.

~

Sha'

Doux paradoxes Où les histoires vivent. Découvrez maintenant