Chapitre 5

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Aubrey

Lorsque Damon se pointe à la boîte à onze heures et quart, j'ignore ce qui m'empêche de lui arracher les yeux.

La loi, Aubrey, la loi, me siffle ma conscience intérieure.

Je le laisse entrer dans le bureau de son grand-père – enfin, non, son bureau désormais – et le suis. Je referme la porte derrière moi et active le bruit blanc, Darryl parlait parfois de campagne de publicité pour des produits encore confidentiels dans ce bureau, et des oreilles qui traîne, ce n'est jamais bon pour les affaires. Mais en l'occurrence, là, le bruit blanc évitera à tout l'Open Space de découvrir que Damon, leur nouveau supérieur, est un branleur. Il se laisse tomber dans le fauteuil confortable de son bureau en se massant les tempes.

En plus d'être très mal habillé, il n'est pas coiffé, et à l'air encore à moitié endormit.

— Vous avez vu l'heure ? je demande sans préambule.

Il grogne en faisant mine de regarder une montre imaginaire sur son poignet. Il a vraiment la tête de quelqu'un qui n'a pas dormi... ou plutôt qui a fait la fête toute la nuit. Bon sang, à quoi je m'attendais, au juste ?

— Non, j'ignore quelle heure il est, servez-moi un café.

Je tique.

— Il est onze heures et quart, vous devez être au bureau à sept heures et demie, une demi-heure avant vos employés, vous savez, ceux qui vous ont vu entrer dans votre bureau avec un air de zombie et trois heures et quarante-cinq minutes de retard.

Damon me lance son meilleur regard noir, mais s'il croit m'impressionner, il se fourre le doigt dans l'œil. J'en ai maté des plus coriaces.

— Un café, Aubrey, répète-t-il comme si j'étais sourde.

Je ne me démonte pas.

— Le tailleur est venu ce matin, Monsieur Martinez est l'un des meilleurs tailleurs de cette ville et il ne se déplace pas pour rien, il est reparti, et vous n'avez pas de costume, j'espère que vous êtes satisfait.

— Ne hurlez pas ! grommelle-t-il en se massant les tempes.

Je soupire et décide de changer de stratégie, je retourne dans mon bureau et récupère mon thermos de café pour lui en servir une tasse, quand je reviens, il n'a pas bougé. Je pose le café sur son bureau avec un cachet de paracétamol et j'attends qu'il prenne les deux avant de revenir à la charge.

— Mettons les choses au clair, vous n'avez aucune envie de travailler ici, je n'ai aucune envie de travailler avec vous, mais Specter & Co est l'une des plus grosses entreprises de publicité de cet état et si vous faite couler la boîte vous pouvez dire adieux à votre héritage et moi ainsi que mille cinq cents employés, on peut dire adieux à notre job.

Damon relève son regard bleu vers moi avec un air de chien battu et je me surprends à avoir presque pitié de ce gamin qui se retrouve avec une boîte à plusieurs milliers de dollars sur le dos, sans aucune compétence pour la faire marcher.

Je m'adoucis.

— Un an, ce n'est pas insurmontable, Damon, je serais là pour vous aider, vous avez juste à... venir à l'heure et participer aux réunions, à suivre le chemin que je vais tracer pour vous, d'accord ? Mais faites-le, si ce n'est pas pour moi, si ce n'est pas pour vos employés ou pour vous, faites-le pour votre grand-père. Il n'a pas besoin d'autre sujet de préoccupation, en ce moment.

Parler de son grand-père semble faire tilt dans son esprit et il se redresse.

— D'accord, très bien, vous avez gagné, qu'est-ce que je dois faire ?

Strictement Professionnel - Merci de ne pas flirter avec la SecrétaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant