Chapitre 12

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Damon

Aubrey m'abandonne lâchement après son forfait pour aller saluer mon grand-père. Celui-ci a l'air bien, malgré la femme qui le suit en le regardant comme une mère poule et qui doit être son infirmière. Je n'avais pas remarqué que mon grand-père semblait s'être tassé sur lui-même avec les années, jusqu'à ce qu'Aubrey, juchée sur ses talons hauts, ne doive se pencher pour le prendre entre ses bras. Je me demande quel genre de relation patron employé c'est, que de s'étreindre comme deux membres d'une même famille. Je fends la foule d'employés présents pour m'approcher à mon tour de Darryl et je l'étreins avant de le diriger vers le buffet.

— Je suis heureux que tu sois là, Darryl.

Je le pense vraiment, peut être qu'une part de moi, infiniment égoïste, espère qu'il me cris soudain « surprise » et me relève de mes fonctions de PDG. Mais plus les secondes passent et moins ce rêve enfantin ne semble vouloir se réaliser. Aubrey nous rejoint et j'en profite pour prendre la pâtisserie qu'elle m'a interdite plus tôt et la manger juste sous ses yeux obtenant d'elle un délicieux roulement d'yeux. Définitivement, l'emmerder est la plus fantastique des distractions.

— Tu sais ce que j'ai fait, aujourd'hui, Damon ? me questionne Darryl alors qu'Aubrey l'incite discrètement à s'asseoir.

— Non, mais tu va me le dire, deviné-je moqueur.

Il plisse les yeux à mon encontre.

— Rien, absolument rien, ordre du médecin, qu'il paraît. Je n'ai rien fait de ma journée si ce n'est lire et regarder la télé, ça ne m'était pas arrivé depuis soixante-quatorze. C'est fantastique la retraite j'ai l'impression de revivre.

Et moi j'ai l'impression d'avoir un sac de pierre dans l'estomac. Je repose ma pâtisserie à moitié entamée en me demandant comment j'ai pu espérer un instant qu'il reprendrait sa place.

— C'est génial, je réponds parce qu'être silencieux n'est pas une possibilité.

— Et vous, les enfants, qu'avez-vous fait ?

Je lance un regard paniqué vers Aubrey, parce que je n'ai rien fait. Littéralement rien. Celle-ci fait mine de regarder quelque chose sur sa tablette portative dont elle ne se sépare jamais avant de répondre, me sauvant la mise.

— Nous avons validé dans les temps la prochaine publicité pour le nouveau parfum d'Éclat de Rose cet après-midi, indique-t-elle. Mais monsieur, vous êtes à la retraite désormais, alors on ne parle plus travail.

— Oh, Aubrey vous êtes dur.

Je surprends une lueur d'affection dans le regard si froid et dur de ma secrétaire alors qu'elle se moque gentiment de mon grand-père. Je n'entends plus ce qu'il dise, mon sang bourdonne dans mes oreilles. Ils interagissent avec tellement de naturel que je me sens de trop. Cette femme... elle a sans doute passé plus de temps que moi avec lui et soudain, ma gorge de serre. Depuis combien de temps est-elle sa secrétaire déjà ? Dix ans ? Alors elle l'était déjà quand moi, j'étais enfermé dans un internat pour garçon, à des centaines de kilomètres de ma seule famille encore en vie.

Je n'ai plus envie de fêter le départ de Darryl, je n'ai plus envie d'être là, et je n'ai même plus envie de côtoyer Aubrey. C'est idiot et je le sais, mais je la jalouse pour sa relation avec mon grand-père. La parfaite Aubrey a encore gagné, apparemment.

Son regard perçant se lève jusqu'à moi et elle fronce les sourcils de derrière ses lunettes. Je lui envoie un baiser du bout des lèvres, et elle soupire. Des éclats de voix nous parviennent d'un peu plus loin et on relève la tête de concert, juste à temps pour voir Seo-ah quitter la pièce furieuse. Priya croise les bras et ressemble à une cocotte-minute sur le point d'exploser.

— Oh bon sang, elles ont recommencé, soupire Aubrey.

Elle pose une main sur l'épaule de Darryl avec un sourire bienveillant.

— Profitez de votre petit-fils la semaine prochaine il va crouler sous le travail, moi je vais m'assurer que Priya ne tente pas d'assassiner Seo-ah en faisant passer ça pour un accident.

À sa façon de parler, on dirait qu'elle à l'habitude que c'est deux là se prenne le bec, et j'ignore pourquoi, ça me fascine de la voir intervenir au plan social, alors qu'elle galère juste pour un déjeuner.

Aubrey s'éloigne pour prendre Priya à part et je me retrouve seul avec mon grand-père.

— Elle est fantastique, n'est-ce pas ? demande celui-ci, me rappelant que je suis en train de dévisager ma secrétaire blonde.

— Qui ?

Il me lance un regard, l'air de dire « tu ne me la feras pas à moi ».

— Aubrey, elle sait toujours quoi faire, c'est plutôt impressionnant.

— Ouais, elle est géniale.

Ça sonne plus aigri que je le voulais et Darryl me lance un regard interloqué.

— Vraiment, j'insiste, elle est un peu comme cette petite voix à la radio le matin qui te dis quoi faire, et ce qui va se passer dans la journée, tout le temps, tout le temps, tout le temps. Pratique, mais insupportable.

— Tu t'y habitueras.

Quelque chose me dit que de toute façon je n'ai pas le choix.

— Au fait, Darryl, j'ai vu qu'il y avait un tiroir fermé à clé dans ton bureau, y'a quoi là-dedans ?

Il relève les yeux vers moi, rieurs.

— Tu n'es pas encore prêt pour ce dossier-là.

Je cille, mais à sa tête, je sais que je n'en saurais pas plus. Mon grand-père a toujours aimé les cachotteries, déjà dans sa maison de famille il y avait des pièces fermées à clé où je n'avais pas le droit d'aller, parce que je « n'étais pas encore prêt ». Je me renfrogne, quand cessera-t-il de me traiter comme un enfant ?

Donner le change jusqu'à la fin de cette petite sauterie me prend toute mon énergie et dès que Darryl part, non sans m'avoir arraché une promesse de dîner plus tard dans le mois, je file dans mon bureau me débarrasser de ce foutu costume qui m'étouffe et me rappelle que je ne suis pas à ma place, ici. J'enfile mon t-shirt et ma veste en cuir et sort, passant devant Aubrey venu toquer à ma porte sans la regarder.

— Où allez-vous ?

— La journée est finie, je rentre chez moi, mens-je.

Elle ne proteste pas, et ça m'emmerde encore plus. Mon téléphone vibre, c'est Stuart qui m'annonce qu'il a un plan pour ce soir : une soirée étudiante organisée par l'équipe de cheerleading de ma faculté. Pile ce dont j'ai besoin.

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Oh oh, ça n'annonce rien de bon, tout ça !

A votre avis, il va se passer quoi ? J'adore lire vos théories ! ^^

Kiss

Strictement Professionnel - Merci de ne pas flirter avec la SecrétaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant