Dans un univers près de chez vous

Chapitre 1: L'ami

Chaque matin, c'est la même rengaine. Je sais ce qui va se passer ou, tout au plus, je me fais une bonne idée des événements qui vont suivre basée sur les scénarios concoctés par mon imagination débordante. Mais bien sûr, rien ne change. Rien ne change parce que je ne change pas.

- Tu sais quoi faire, Victoria. Ce n'est pas difficile. Tu dis seulement un "salut" bien casual. Rien de gros, là. Juste assez pour qu'il te remarque. Sinon, opte pour un petit signe de main. Avec un sourire, bien sûr. J'dis pas ça méchamment, mais tu sais aussi bien que moi que t'es pas la personne qui exprime le plus sa joie...

Ma meilleure amie, Anna, me débite encore une fois les conseils et démarches que j'ai entendu des centaines de fois. Je lui en suis reconnaissante, bien sûr, et aimerais tellement pouvoir avoir la capacité de les mettre en pratique, mais... Aborder son crush de beaucoup trop longtemps, c'est pas ce qu'il y a de plus facile pour une introvertie.

- Et puis, disons-le, c'est pas le plus beau de la gang, là... ajoute mon amie en faisant son authentique air dégoûté consistant à hausser les sourcils et étirer ses lèvres en un sourire tordu.

- Anna! On en a déjà parlé. Je le trouve très beau, moi.

- Je sais, je sais. J'arrive juste pas à trouver ce que tu lui trouves...

- Anna Huot!

- Y'en a tellement d'autres, des gars...

- Oui, mais pas comme lui... dis-je d'un air rêveur. 

- ... Alors tu sais quoi faire! enchaîne mon amie, ne manquant pas l'occasion de ramener la conversation au sujet initial.

- Oui, je sais. Je sais pas, ça me semble juste tellement difficile...

- One life, Vic! Oh, il arrive! Go, go, go!

Anna me force à me retourner pour que je fasse face au fameux individu. Gabriel Gagné, cinquième secondaire, ancienne star de l'équipe de football américain de notre école et... Doubleur. Alors que je suis accotée à mon casier, Anna me donnant de nombreux coups de coude chargés de sens, il trace son chemin devant nous, ses yeux bruns étrécis par son éternel air soucieux fixés droit devant lui, ignorant tout ce qui se passe autour. Il passe une main rapide et nerveuse dans ses cheveux blonds cendrés, arrangeant probablement sa coiffure défaite par les mouvements de son sport.

Mais, encore une fois, je ne dis rien. Et la Terre continue de tourner.

Je me tourne vers Anna. Son regard réprobateur veut tout dire. Je m'empresse de me justifier.

- Je... J'y peux rien, Anna! J'y arrive pas, c'est tout.

Mon amie soupire.

- Je commence à croire que la seule façon que tu lui parles soit de vous enfermer tous les deux dans une pièce...

- N'importe quoi, Anna...

Je m'arrête. Le reflet d'une idée vient d'apparaître dans mon esprit. Ce serait fou, mais... Comme le dit Anna, peut-être est-ce la seule façon pour moi d'aborder Gabriel et de mettre fin à ce carnage qu'est mon intérêt grandissant envers lui.

- J'ai une idée, dis-je presque en chuchotant.

- Oh, mon Dieu. Vic, tu sais que quand je parlais d'enfermer toi et Gab Gagné dans une pièce, c'était vraiment une blague, hein...

- Non, non, pas ça! je m'empresse de dire. Trop bizarre. Mais... Je devrais me retrouver dans une situation où je suis obligée de lui parler.

- Qu'est-ce que tu veux dire?