Dans un univers près de chez vous

Chapitre 6: La faille

À présent tous dans la salle de bain des hommes, Elliot s'étant retiré plus loin dans la pièce, ayant apparemment eu besoin de se soulager, nous lançons tous des idées dans le néant, espérant qu'une retienne notre attention. Je suis surprise de constater que Gabriel, malgré le peu qu'il dise, a l'imagination cultivée, un peu comme moi, mais de manière davantage rationnelle. Encore une fois, je ne peux m'empêcher de penser à quel point nous ferions une bonne paire...

- J'vous le dis, gang. Moi, je pense vraiment que la technique du bucket, c'est la plus efficace. Vous avez vu comment ça marche dans les films? s'exclame Elliot, venant nous rejoindre après avoir fini sa "tâche". 

Depuis que nous avons accepté sa proposition, celui-ci insiste pour que nous adoptions une de ses fantastiques élucubrations. Toutefois, malgré ses nombreuses tentatives, celle du seau d'eau froide renversé sur la tête de notre professeur qui serait attaché à une chaise, dans une pièce aux lumières rouges tamisées, semble celle qui a retenu son attention. Bien entendu, aucun d'entre nous ne cède à son curieux désir, mais nous prenons tout de même un certain plaisir à l'entendre élaborer ses idées toutes plus insensées les unes que les autres. Dire que ce garçon est un divertissement serait un euphémisme. 

- Non, non, non. Elliot, je t'en supplie, aide-nous un peu, insiste Anna, à bout de patience.

Faussement, je soupçonne. 

- Donc on va passer la nuit ici? je demande. 

- Au rythme où on va, ça semble l'issue la plus probable, répond Gabriel. 

Je hausse les épaules mais, intérieurement, je hurle de joie. Je ne serais certainement pas contre cette possibilité.

- Ça sera pas une soirée de repos, hein, dit Anna. 

- Oh que non, approuve son fan #1. Y va ben voir, le trou-de-cul...

- En attendant, faut toujours qu'on trouve un plan qui a du sens, je continue en ignorant le commentaire d'Elliot. Et ce, avant que le prof s'en aille. 

- Pas de trouble pour ça, indique Gabriel. Le vieux schnock passe ses soirées ici. Il part jamais avant 19h.

- Il a vraiment pas de vie, observe Anna, en esquissant une moue dégoûtée. 

- Tu restes ici après les retenues? je demande à Gabriel. 

- Ouais, souvent. Jusqu'à temps que ma mère finisse son shift, répond-t-il sans plus de détails. 

J'en déduis rapidement que sa mère doit travailler dans le milieu hospitalier, comme infirmière ou préposée au bénéficiaire. En tout cas, ça me semble l'hypothèse la plus probable. Ma mère étant une dentiste de profession, j'entends souvent parler des horaires atypiques des employés faisant partie du domaine de la santé. Et le père de Gabriel étant décédé... Il est dur pour lui d'avoir d'autres moyens de se véhiculer. Cerise sur le sundae, le transport en commun n'est plus en service après 17h. Les avantages d'habiter dans une petite ville à la population moyenne... Même si, avec la démographie grandissante, ils auraient intérêt à offrir ce service sur une plus longue durée, les adolescents l'utilisant de plus en plus. 

Me tournant vers Gabriel, je prends en pitié son obligation de rester dans cet établissement peu accueillant plus longtemps après les cours sur une durée régulière. 

- Es-tu certain qu'il restera plus longtemps ce soir aussi? demande Anna à Gabriel en parlant de monsieur Martel, me tirant de mes pensées. 

- Pas mal, oui. De toutes les fois où je suis resté pogné ici, c'est la même chose.