Chapitre 5: La folie

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Après quelques minutes, Anna et Elliot ont tous les deux aussi terminé l'ensemble des questions présentes sur notre travail. Même si j'ai l'impression que la version de ma meilleure amie a été complétée un peu à la va-vite, je me réjouis tout de même et hésite à l'applaudir lorsqu'elle revient s'asseoir après qu'elle soit allée portée sa copie sur le bureau de notre cher professeur, monsieur Martel. 

- On a fini, monsieur, s'empresse d'annoncer Elliot. 

L'interpelé relève les yeux de sa paperasse. 

- Me voilà presque impressionné. 

Elliot se lève d'un bond.

- Tututut, monsieur Kane! Je n'en ai pas fini avec vous, nous annonce monsieur Martel, portant un regard circulaire sur nous tous. 

Après un lourd moment de silence, il poursuit, les bras posés sur son bureau et arborant une position solennelle:

- Depuis votre arrivée ici, je me questionne sur la raison de votre présence. Sauf vous, monsieur Gabriel Gagné, bien entendu, prend-t-il le temps de précisée en dardant des yeux méprisants sur l'élu de mon coeur.

Je ne peux m'empêcher de froncer les sourcils, mais lui n'a aucune réaction. Comme s'il était totalement immunisé par rapport aux petites attaques personnelles lancées par notre surveillant. Peut-être s'y est-il habitué. Après tout, cela ne semble pas être la première fois qu'il aboutit ici...

- Pour commencer, mademoiselle Saint-Laurent, qui a toujours été une élève exemplaire, fait de moi la victime de ses propos et petits regards hautains. Très surprenant de la part d'une personne timide et sans malice comme elle, n'est-ce pas? Ce besoin de se montrer plus forte que l'autre lui provient-il d'un manque d'attention à la maison? Sans doute.

Je ferme les poings et fulmine. Le fait-il exprès pour nous provoquer de cette manière? Mais quelle arrogance, quel abus de pouvoir! Comment un professeur que j'appréciais jusqu'à ce matin pouvait être à présent l'objet d'une telle hantise de ma part? Je ne comprenais ni ses actes, ni le motif de ceux-ci, mais tout ce que je savais, c'est que je méprisais à présent cet homme qui faisait de nous ses boucs émissaires sans raison. Lui-même l'avait dit; j'avais toujours été une excellente étudiante. 

- Ensuite, dans l'après-midi, monsieur Kane se met de la partie, imitant son ami. Il a toujours été un petit clown, objets de pitreries mineures faisant rire l'assemblée une fois sur 15, mais cette fois, il a choisi de pousser le jeu encore plus loin en empilant le plus de bureaux possibles au beau milieu de la classe, et en grimpant sur ladite pile à l'aide son agilité légendaire dont tout le monde s'est lassé depuis un siècle. Lorsque j'ai tenté d'intervenir, il a lâchement répondu qu'il s'agissait là de "son navire de guerre, et que je devrai venir l'affronter pour le faire descendre".

Trouvant ses propres propos hilarants, il éclate d'un long rire franc. 

- Un vrai enfant, même si je n'aurais jamais cru qu'il aurait le cran de pousser son désir d'impressionner jusqu'à ce point. Vous avez toujours manqué de courage, n'est-ce pas, monsieur Kane?

Ce dernier ne répond pas, ses yeux habituellement pétillants de joie rivés vers le sol, son sourire ensoleillé disparu pour faire place à une mine atterrée. Serait-il donc possible que toutes les atrocités que profèrent monsieur Martel soient vraies...? À travers cette arrogance, y aurait-il une part de vérité qu'il voudrait nous faire réaliser? Pour nous faire sentir encore pire? Je n'arrive pas à y croire. Cette retenue a pris une tournure bien plus sombre que j'aurais pensé...

- Cerise sur le gâteau, mademoiselle Huot. Soit, elle n'a jamais prôné les études, mettant l'image de celle qu'elle aspire tant à devenir avant tout, mais jamais elle n'a fait preuve de méchanceté devant mes yeux. Le genre de fille qui n'assume pas sa vraie personnalité et s'en invente une autre pour être aimée. Ne vous inquiétez guère, mademoiselle Anna; de nos jours, la majorité des adolescentes de votre âge sont comme vous. En habitude et en apparence, d'ailleurs. Dans ce cas, était-ce pour vous une manière de vous démarquer en agressant une simple camarade de classe? Je l'admets, mademoiselle Beaudoin est loin d'être une personne très vive d'esprit, c'est même la victime parfaite. Mais mettre une gomme dans ses cheveux gras comme sa peau? Ce n'est pas là un acte de bravoure, mademoiselle Huot, mais de la faiblesse, tout simplement. 

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